L'occupation de Toulon en 1793…

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar FONTANEL Patrick sur 01 Oct 2015, 20:32

"A la guerre, tout est moral"
Et ce premier épisode semble bien le prouver...
Merci déjà pour ce fin début :)
La force d'une armée, comme la quantité de mouvement en mécanique, s'évalue par la masse multipliée par la vitesse.
[Napoléon Bonaparte]
FONTANEL Patrick
 
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 04 Oct 2015, 19:01

Premiers assauts de Toulon

Les Alliés souffrent du manque de commandement unique. Le colonel Mulgrave et l’amiral Hood dirigent les Anglais, et plus tard les Sardes et les Napolitains, tandis que le brigadier Izquierdo, et les amiraux Gravina et Langara dirigent les Espagnols. Les civils français en veulent aux occupants qui ne se préoccupent pas de leurs besoins. Ils se croient utilisés.

L’occupation et la défense du fort peut avoir un intérêt stratégique pour l’Espagne, en attirant devant Toulon des forces républicaines ainsi distraites du front des Pyrénées.
Par ailleurs la conservation du port et de sa flotte en vue de leur restitution aux Bourbons une fois la Révolution mâtée sert les vues ultérieures d’alliance objective des deux flottes contre l’ennemi héréditaire commun, les Anglais.

De fait les relations entre Espagnols et Britanniques sont pauvres, eu égard aux passés, lointain comme proche. Mauvaises communications, faible coordination tactique, constante méfiance mutuelle et disparité d’intérêts les caractérisent. Par crainte de trahison les Britanniques confineront les Espagnols dans les positions mineures, et ces derniers se préoccuperont d’eux-mêmes avant de coopérer au but commun.

Le 20 septembre Bonaparte implante une autre batterie à l’ouest de Toulon, avec un canon et deux mortiers. Le général Carteaux attend les renforts promis par la Convention pour lancer un assaut définitif d’infanterie, restant convaincu que dans ce siège on ne peut employer l’artillerie avec de bons et rapides résultats.

Bonaparte et d’autres officiers convainquent cependant le général de la nécessité d’enlever au plus tôt le fort Balaguier, à l’extrême sud-ouest du détroit antérieur au port de Toulon, pour en couper l’accès aux navires qui ravitaillent, protègent et renforcent les assiégés, qui de ce fait pourraient résister indéfiniment.

Bonaparte tente d’atteindre avec ses nouvelles batteries le fort Balaguier, garni par 2000 soldats alliés, mais il est très loin. La manoeuvre est décelée par Hood, qui conseille à Mulgrave et Izquierdo de renforcer ladite position. 500 fantassins sont envoyés de Toulon prendre des positions à l’intérieur des terres, sur des collines à l’ouest du fort.

Le 21 septembre le brigadier français Delaborde avance avec 400 fantassins vers le nord de Balaguier, pour occuper le promontoire stratégique de la pointe de l’Eguillette, mais les Alliés les attaquent et les chassent avec perte de 36 hommes. Les Anglais fortifient leurs postes sur les collines sous le feu ennemi et demandent l’aide des Espagnols pour les défendre; vers le 24 septembre le fort de Mulgrave est défendu par 1800 soldats et 20 canons.

Les batteries de Bonaparte ont peu de chance d’atteindre les navires alliés qui se trouvent hors de leur portée effective, mais la quantité de projectiles augmente la probabilité des coups de chance. La frégate «Aurore» est touchée trois fois par des boulets rouges, projectiles chauffés afin de provoquer des incendies, qui tuent plusieurs marins anglais, et commencent à inquiéter les Alliés.

Depuis le 23 septembre à 6 h 00 du matin les batteries républicaines tirent sur les vaisseaux espagnols «San Juan Nepomuceno» et «San Ildefonso», et l’anglais «Saint Georges», concentrant leurs feux sur le premier, qui riposte durant les douze heures suivantes, tirant 1700 coups de canon, détruisant une des batteries ennemies en échange de faibles dégâts. Les jours suivants les Français continuent le bombardement de la rade.

Les vaisseaux espagnols entretiennent le feu de contre-batterie, mais ne peuvent, à cause des hauts fonds, de leur tirant d’eau et de leur angle de tir, s’approcher suffisamment de la côte occidentale pour être efficaces, comme le prouve l’exemple du navire de 74 canons «San Juan Nepomuceno» qui dix jours durant soutient le duel d’artillerie, tentant en vain de démonter un batterie française, bien que dans le même laps de temps celle-ci ne l’ait atteint que deux fois.

Les Alliés construisent alors deux pontons sur lesquels ils placent 4 canons et 2 mortiers, les avançant sur les hauts fonds dans l’espoir d’éteindre les insidieuses batteries républicaines; des cibles faciles -enfin à portée- pour Bonaparte qui prend le commandement de ses pièces, coulant un ponton et faisant voler l’autre en éclats.

Le 26 septembre Carteaux commence à concentrer des troupes devant le mont Faron, le considérant objectif principal. Les Républicains lancent jusqu’à quatre assaut contre le proche fortin de Pomet, étant repoussés en chaque occasion malgré la mort de l’officier anglais qui y commandait. Le jour suivant un important groupe de Français embusque le convoi de ravitaillement du fort, mais est repoussé par son escorte espagnole.

Le 28 septembre commencent à arriver des troupes du Piémont-Sardaigne, quelques 800 fantassins aux ordres du brigadier Thaon de Revel, et le lendemain débarquent les premiers mercenaires du contingent napolitain, quelques 2000 fantassins aux ordres du prince Fabrizio Pignatelli, qui rencontre Hood pour discuter du paiement de un million et demi de ducats pour la mobilisation de ses troupes et de cinq millions de plus par année de service.

A fin septembre Carteaux dispose de 15000 soldats pour 9800 aux Alliés. Il ordonne à Lapoype de tenter la prise du mont Faron, le plateau au nord de Toulon défendu par deux positions alliées en son côté oriental : les tranchées de Croix Faron, avec quelques 400
fantassins espagnols et 60 britanniques et le fort Faron garni par 400 soldats.

Le 1er octobre à l’aube Lapoype envoie le général Gardanne avec une demi-brigade de 1600 Français, son bataillon d’avant-garde, aux ordres du lieutenant-colonel Victor, qui chasse le détachement britannique de Croix Faron vers 02 h 00, mais se replie devant la résistance décidée des Espagnols des tranchées, qui se termine vers 04 h 30 avec l’arrivée du reste des bataillons républicains, cinq fois supérieurs en nombre. Les Espagnols s’enfuient à Toulon.

Mulgrave et Izquierdo planifient une rapide contre-attaque. A 08 h 00 deux colonnes avancent vers Croix Faron par les deux flancs, une aux ordres de Mulgrave et Revel, avec 580 fantassins anglo-sardes, et l’autre aux ordres de Izquierdo, Gravina et Pignatelli, avec 550 Espagnols, Napolitains et Sardes, appuyés en arrière par Elphinstone avec 250 Anglo-Français, et soutenus par le feu d’artillerie du fort Faron.

Les Britanniques et Sardes enveloppent les Français à Croix Faron par l’est, tandis que les Espagnols et les Napolitains les abordent depuis le sud. Le moral républicain chute et les défenseurs commencent à reculer après avoir délivré deux décharges de mousquets.
A lui seul le bataillon de Victor subit 300 pertes. A 15 h 30 les Alliés expulsent les Français du Mont Faron au prix de 78 pertes. Le contre-amiral espagnol Gravina a été blessé.

Les assauts des Républicains français échouent parce-que leurs troupes, en grande partie des recrues sans entraînement et pauvrement équipées, luttent avec fanatisme, mais manoeuvrent avec lenteur. Les officiers révolutionnaires, inexpérimentés, se sont habitués à employer des tactiques fondées sur une simple supériorité numérique écrasante, perdant l’initiative lorsqu’elle n’est pas obtenue ou ne suffit pas contre des tactiques plus complexes comme celles employées par les bons officiers alliés.

Le siège de Toulon se réduira aux duels d’artillerie et combats sporadiques. Pour son comportement durant l’ultime contre-attaque alliée, Gravina sera promu par son roi au grade de vice-amiral, gagnant l’admiration personnelle des assiégés.

... à suivre ...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 08 Oct 2015, 18:45

Enlisement à Toulon

Le 8 octobre à zéro heure zéro zéro 400 Alliés font une sortie pour tenter de gêner les travaux républicains d’une des batteries installées vis-à-vis le fort de Balaguier. Ils surprennent les artilleurs, en tuent 14 et capturent 27, enclouent 4 pièces et 2 mortiers et en rompent les affûts. Les attaquants ont subi 14 pertes. Un autre assaut similaire ne put prendre place par suite de l’important brouillard.

Le 14 octobre une colonne alliée sort du fort de La Malgue et occupe le cap Brun, à l’est du détroit permettant d’accéder au port. Elle se fortifie sur une hauteur, mais en est expulsée le jour suivant par les Républicains de Lapoype. Gravina organise aussitôt une contre-attaque avec 3000 fantassins, 40 dragons et 8 canons qui, après plusieurs escarmouches, dissuadent les Français d’occuper le secteur. Ces derniers se replient alors sur leurs positions.

La plupart du temps les hostilités se réduisent aux duels d’artillerie entre les batteries de Bonaparte et les navires alliés, échanges aussi bruyants qu’inutiles car la grande distance les séparant réduit les chances d’atteindre une cible à celles du pur hasard : lors d’un de ces échanges de tirs, le vaisseau britannique Princess Royal de 98 canons est seulement touché cinq fois en quatorze jours, subissant 35 pertes, sans qu’il ne parvienne de son côté à aucun résultat tangible.

Bonaparte ose même un jour inviter les Représentants du Peuple à l’une de ses batteries ainsi canonnée par un vaisseau du port, afin que les Conventionnels le voient se tenir fièrement debout et défiant le feu ennemi, duquel il se sait parfaitement à l’abri. Les Commissaires Barras, Fréron et Salicetti, feront l’éloge de ses compétences et de son courage, le confirmant commandant en chef de l’artillerie le 18 octobre. Dès lors le nouveau commandant agira en indépendance de ses supérieurs.

Ce même jour débarquent 3000 fantassins espagnols, le dernier contingent d’importance à gagner Toulon. Avec eux arrive le général Don Rafael Valdés, qui assume le commandement de la garnison espagnole dans la cité assiégée et ses fortifications extérieures.

Depuis le 19 octobre, les garnisons alliées des forts extérieurs de Toulon commencent à manquer de vivres, étant donné le fait qu’ils ont de larges espaces ouverts en arrière d’eux, battus sporadiquement par le feu républicain qui décime les convois de vivres. Le moral des soldats alliés commence à décliner.

Le 23 octobre le vice-amiral Federico Carlos de Gravina est nommé par le gouvernement espagnol commandant en chef de toutes les forces alliées à Toulon, étant donné que la majorité de l’infanterie dans la ville assiégée est espagnole. Mais Mulgrave et Hood refusent d’adhérer à cette décision prise à Madrid sans consultation préalable, qui ne sera pas confirmée par Londres et qui, en pratique, reviendrait à céder le commandement de ses mercenaires pas encore arrivés.

Langara ordonne à son navire amiral, le Mexicano de 112 canons, et à deux autres de se positionner à côté du navire amiral anglais, le Victory de 100 canons, pour intimider les Britanniques. les Espagnols ont alors une vingtaine de vaisseaux de ligne contre une dizaine. Hood accuse les Espagnols de vouloir s’approprier la place, raison pour laquelle il conserve aux Anglais son gouvernement militaire, mais accepte que Gravina détienne le commandement conjoint. L’entente volontaire entre alliés, il n’y a que çà de vrai !

Quelques jours plus tard le vice-amiral Hood ordonne l’embarquement de 5000 marins républicains français prisonniers à Toulon, dont la garde et l'alimentation commencent à poser problème, à bord de cinq des navires capturés, disant les débarquer à Bordeaux, pour ensuite les dérouter, bafouant la parole donnée au contre-amiral français Trogoff lors de la reddition de sa flotte.

Le 27 octobre arrivent les uniques renforts anglais, quelques 1000 hommes aux ordres du général O’Hara, nouveau commandant de la garnison britannique de Toulon qui entretiendra des relations tendues avec Gravina. Le vice-amiral Hood reçut une lettre lui annonçant la venue de ces deux bataillons et d’une division de mercenaires de Hesse, mais ces derniers ne quitteront même pas l’Angleterre.

Albion se désintéresse de Toulon, y maintenant son contingent par courtoisie pour l’Espagne. L’Amirauté n’enverra pas de ravitaillement aux siens pour l’hiver et, progressivement, ordonne à sa flotte de quitter le siège pour accomplir d’autres missions. Durant le mois d’octobre Hood disperse ses navires, envoyant des escadres à Malte, en Corse, en Tunisie, à Gênes. Il ne recevra plus de nouvelles de renforts ni de ravitaillement.

Etant donné l’insuffisante présence navale alliée les Républicains n’ont aucune difficulté pour se ravitailler en victuailles, armes et munitions, amenées en barcasses depuis Avignon par le Rhône. Les grands navires espagnols sont inadaptés pour endiguer le transit côtier de ces embarcations à faible tirant d’eau, surtout de nuit.

A fin octobre les Républicains ont reçu d’importants renforts, alignant 25000 soldats, abondamment pourvus en munitions, mais manquant de vivres sur leurs positions par suite de la faillite de la logistique.

Les Alliés disposent de 16000 soldats, dont 6500 Espagnols, 4400 Napolitains, 2600 Britanniques, 1500 Sardes et quelques 1000 Français monarchistes. Mais 25% de ces hommes ne sont pas en état de combattre car très malades ou blessés graves.

Dans les hangars de Toulon les vivres pourrissent ou se couvrent lentement d’insectes en attendant leur dangereux transport vers les fortifications extérieures, où les soldats souffrent de la faim où se voient obligés de manger ces aliments corrompus quand ils arrivent.

... à suivre ...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Oct 2015, 20:55

Le siège continue...

Durant le mois de novembre, les batteries de Bonaparte continuent à canonner les navires alliés du port, leur occasionnant de bien faibles dégâts, tandis que le bombardement des fortifications occidentales des Alliés leur causera des pertes sévères parmi les fantassins qui les tiennent.

Le 6 novembre les Représentants relèvent Carteaux de son commandement pour incompétence. Le 10 novembre le général Doppet le remplace. Il planifie une attaque principale sur les forts de Balaguier et Mulgrave, coordonnée avec un autre assaut, en guise de diversion, sur le fort Malbousquet. Les Alliés résistent partout au prix de 90 pertes contre plus de 100 aux assaillants; le général Doppet est dégradé.

Le 16 novembre le général Dugommier prend le commandement des forces républicaines, décidé à prendre la place en faisant montre de plus d’agressivité. Il envoie au front les officiers qui se sont distingués par leur allant lors des assauts antérieurs, comme le lieutenant-colonel Victor.

Conseillé par son adjoint Du Teil, anciennement inspecteur d’artillerie et mentor de Bonaparte, Dugommier concède à ce dernier l’envoi de l’efficace capitaine Marmont. L’artillerie aligne alors 64 officiers, 1600 artilleurs et sapeurs. On lui promet de nouveaux canons et matériels pour lever de nouvelles batteries de siège. Le Corse s’appuie sur les caporaux qu’il fait nommer sergents, déposant en eux toute sa confiance de préférence aux officiers.

Bonaparte commence à donner des preuves de vaillance, s’exposant aux coups alliés pour encourager ses hommes à travailler et à combattre, haranguant ses artilleurs : «J’ai besoin d’hommes, de vrais hommes, pas des demoiselles. Jamais je ne vous enverrai seuls prendre une position ennemie; je vous demanderai de me suivre la prendre. Si vous êtes de ces hommes, donnez-moi la main.»

Bonaparte, avec son secrétaire Junot, passe tout son temps entre les batteries et son quartier-général à Ollioules, mais il dort auprès de ses soldats. Il crée un grand dépôt de munitions et une armurerie où il met au travail 80 artisans qui fondent des balles, mélangent la poudre ou réparent des affûts et des roues afin que ses pièces soient toujours en état. Les Représentants sont très contents de lui.

Pour le 28 novembre 8 batteries supplémentaires sont en ligne et Bonaparte dispose en tout de 13 batteries au long de la côte occidentale du port de Toulon et de son détroit, armées de 37 canons et 26 mortiers. Dès lors le fort Mulgrave et les autres positions alliées du secteur sont soumises à un intense bombardement qui occasionne des dizaines de pertes quotidiennes.

Le général O’Hara, nouveau gouverneur militaire britannique de Toulon, commence à planifier une sortie pour détruire les batteries ennemies qui entourent la cité. Ses relations avec l’amiral espagnol Gravina sont inexistantes, ne communiquant que par intermédiaires; le Britannique se limite à écouter les doutes de l’Espagnol sur l’opération, leur prêtant peu de considération.

Le 30 novembre, quelques 2300 Alliés, dont 1000 Espagnols et 400 Britanniques, sortent du fort Malbousquet dans le but de mettre hors d’usage une batterie lourde républicaine. Les attaquants parviennent à enclouer ses quatre canons, mais leur manque de coordination rend possible une rapide et efficace contre-attaque de Mouret. Les Français en avance poursuivent les fugitifs alliés jusqu’au fort, étant alors repoussés par ses défenseurs et quelques canonnières espagnoles.

Dans cette désastreuse sortie les Alliés perdent quelques 480 hommes dont 230 Espagnols. Beaucoup d’officiers sont capturés, et parmi eux O’Hara, qui sera remplacé par Dundas. Les Français eurent environ 200 pertes.

Cette attaque sera la dernière opération conjointe réalisée par les Alliés à Toulon; à partir de ce moment leurs relations se détérioreront sans agir en commun pour améliorer leur situation. Le déploiement d’artillerie mis en place par Bonaparte, au prix de sacrifices et d’erreurs, se révélera dévastateur.

... à suivre ...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MORGAN Nicholas sur 15 Oct 2015, 12:47

Merci pour tout ça.

Lors de mes propres recherches je suis tombé sur ce fascinant livre, "Lord Hood and the Defence of Toulon", disponible gratuitement ici:
https://archive.org/details/lordhooddefenceo00roseuoft

C'est amusant de constater les différences de points de vue selon les nationalités des auteurs relatant ces faits de guerre ;)
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 21 Oct 2015, 09:00

"Menteur comme un bulletin" (de la Grande Armée) était passé dans le langage courant des soldats de l'Empire, car lesdits bulletins étaient en fait des outils de propagande.

Les rapports militaires devraient en revanche être plus "justes" pourrait-on penser. Eh bien ce ne fut pas toujours le cas. Le plus énorme exemple qui me vienne à l'esprit est celui de Kutusov au Tsar après La Moskowa, défaite sanglante qu'il déguisa en victoire de Borodino, obtenant au passage le bâton de maréchal. Un achèvement.

Sinon il m'est arrivé plusieurs fois, lisant les rapports de camps opposés, de ne pas même reconnaître dans le principe qu'ils parlaient du même événement, tant les distorsions de la vérité y étaient importantes !

Mais revenons à la relation espagnole de Toulon 1793...

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La fin du siège : l'assaut français

Début décembre 1793 le général Dugommier a sous ses ordres environ 30000 soldats. 33% d’entre eux ne sont pas en état de combattre, mais les autres ont un moral élevé et croissant car ils constatent quotidiennement le déclin de l’ennemi alors qu’eux reçoivent des renforts en vue de l’assaut final en préparation. Bientôt arriveront de Lyon 8000 hommes de plus.

Les Alliés ont alors 17600 soldats à Toulon; 7000 sont espagnols, 6500 napolitains et sardes payés par l’Angleterre, 2600 anglais et 1500 français rebelles; mais 60% d’entre eux sont malades ou blessés, incapables de se battre. La nourriture est lamentable et sa lente distribution fait souffrir de la faim quelques garnisons, tandis qu’il commence à faire froid et que beaucoup d’unités n’ont pas reçu de vêtements d’hiver.

Les relations entre les contingents ibériques et britanniques sont mauvaises, caractérisées par de faibles communications, une coordination tactique nulle, l’habituelle défiance réciproque et l’invariable disparité d’intérêts et de critères. Chaque contingent s’enferme dans ses fortifications ou se tient isolé de l’autre si les circonstances leur font partager un même ouvrage. Les officiers ne collaborent qu’en cas de péril extrême, et seulement lorsque ce dernier est de nature à affecter leurs compatriotes.

Quant’à la marine alliée, 20 bâtiments sont espagnols, 12 napolitains et 1 sarde; 6 navires sont anglais, mais c’est à peine s’ils participent; tous les navires s’écartent désormais des berges occidentales du port et du détroit, de peur d’être atteints par l’une quelconque des batteries de Bonaparte. Les petites embarcations républicaines ravitaillent leurs troupes sans que les grands navires alliées ne puissent s'y opposer, bien que leur présence empêche l’augmentation du tonnage.

A mi-décembre, le gouvernement anglais dévoile les motivations initiales de son intervention à Toulon dans deux missives au vice-amiral Hood: l’une exige des Français qu’ils paient la mobilisation britannique en leur faveur au prix des navires en état de naviguer présents dans le port, sauf à les voir incendier; l’autre ordonne l’évacuation immédiate de la garnison britannique, après avoir détruit toutes les fortifications et le port lui-même.

Lorsque la missive anglaise est lue au comité des citoyens monarchistes, ils s’indignent.
Anglais et Espagnols se disputent honteusement et publiquement l'attribution des navires capturés. Les habitants de Toulon, déjà mécontents du désintérêt des Alliés pour leurs besoins, affichent désormais ouvertement leur mépris pour eux, se lamentant en privé d’avoir trahi la République.

Depuis le 13 décembre Bonaparte concentre les feux de ses batteries sur les forts Mulgrave et Balaguier afin de les affaiblir avant l’imminente attaque républicaine. Trois jours plus tard le bombardement s’intensifie et le vice-amiral Gravina ordonne l’envoi dans le secteur de tous les renforts possibles, ne voyant arriver que 100 Napolitains et 150 fantassins de marine espagnols envoyés par Langara depuis ses navires.

Le 17 décembre, le général Dugommier ordonne l’assaut final du fort Mulgrave, objectif principal de l’attaque française, eu égard au fait qu’il protège les terres hautes qui dominent le littoral du détroit d’accès au port de Toulon et que sa capture reviendrait à couper la voie de ravitaillement alliée. Au total 13500 fantassins et cavaliers français participeront à l’opération, contre les 7000 Coalisés ayant encore la force de se défendre.

Dugommier déploie 6000 soldtas dans le village de La Seyne, à 1.5 km à l’ouest du fort, répartis en trois colonnes aux ordres de ses meilleurs officiers: Victor, Brule et Delaborde, outre une réserve de 1000 soldats et artilleurs aux ordres de Bonaparte, dont les batteries autour de la place totalisent 53 canons et mortiers.

Le général Garnier, aves 2000 soldats appuyés par trois batteries, se positionne face au fort Malbousquet, au nord de l’attaque principale, pour contenir une possible contre-attaque alliée. Le général Lapoype déploie sa division de 4500 soldats au nord du Mont Faron et à l’est de Toulon, en trois colonnes de demi-brigade, une d’elles aux ordres de Masséna.

Le 18 décembre à 02 h 00 du matin l’attaque française commence au milieu d’un orage par une pluie intense suivie du brouillard froid typique de la région. Les Français imposent leur supériorité numérique, enlevant les premiers postes anglo-espagnols à la baïonnette, mais bientôt la colonne de Brule perd sa cohésion dans l’obscurité.

Le chemin du fort Mulgrave est gardé par le réduit de Sain-Louis, défendu par 430 Espagnols et 4 canons aux ordres du colonel Ariza, qui repoussent en pleine obscurité trois assauts successifs de la colonne de Victor, jusqu’à ce que ce dernier, blessé gravement, voie sa colonne se désorganiser, perdant l’initiative. Les Espagnols ont perdu 140 tués ou blessés, dont leur officier commandant qui ordonne le repli devant l’impossibilité de conserver le poste.

Vers 03 h 45 Bonaparte conduit sa réserve en première ligne, et animant ses hommes par son exemple parvient à relancer l’offensive juste au moment où les Espagnols évacuent leur position. Ces derniers, surpris en terrain découvert, de nuit, par une force très supérieure, sont massacrés, laissant ouvert le passage vers le fort Mulgrave, quand bien même deux autres réduits voisins tenus par des Espagnols continuent à lutter.

Avec les colonnes de Brule et Victor désorganisées, Dugommier cède à Bonaparte le commandement des chasseurs et grenadiers destinés à délivrer l’assaut final. Entre-temps, dans le secteur du Mont Faron, les troupes du général Lapoype avaient rejeté les Alliés de Croix-Faron et s’attaquaient au fort Faron.

A 4 h 00, Bonaparte guide ses troupes d’élite jusqu’à l’entrée du fort Mulgrave, défendu par seulement 500 Anglo-Sardes avec peu d’artillerie, qui donc à peine peuvent résister. Les Français grimpent en vociférant les rampes de terre, sautent les barricades et attaquent les défenseurs à la baïonnette. Bonaparte est blessé à la jambe dans le combat à l’arme blanche, ainsi que son adjoint, et Dugommier exhorte les Révolutionnaires à entrer.

Le capitaine anglais Connolly envoie un messager au fort de l’Eguillette, implorant des renforts. Il aligne 80 Marines qui délivrent décharge sur décharge sur les chasseurs français qui ont pénétré dans le fort et sont tous abattus; Dugommier tombe blessé. Les grenadiers qui arrivent se jettent à leur tour sur les Anglais et les abattent avec furie, tandis que le reste des défenseurs fuit, sautant par dessus les terre-pleins méridionaux.

Le chef de brigade (colonel) Cervoni, le seul officier français indemne, agite un drapeau sur le parapet, signalant que le fort est tombé et la mission accomplie. Les Représentants Salicetti et Fréron s’approchent et félicitent Dugommier tandis que l’offensive s’arrête. Les Français avaient perdu dans cet assaut proprement dit 280 hommes et les Anglais 240.

Vers 05 h 00, 400 Napolitains avancent pour renforcer les Espagnols qui tiennent encore les réduits restants et barrer le passage vers le fort Balaguier, plus à l’est. Izquierdo, déjà Mariscal de Campo (GD) et commandant du secteur, comprend que la bataille est perdue par suite de la chute du fort Mulgrave, et demande l’évacuation de ses forces. A 10 h 30 le vaisseau (français) «Commerce de Marseille» et trois frégates espagnoles s’approchent du fort Balaguier et envoient leurs chaloupes... L’évacuation de Toulon par les Alliés commence.

... à suivre ...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 27 Oct 2015, 22:19

La fin du siège : l'évacuation alliée

Le 18 décembre 1793 à 12 h 00, Gravina, Langara, Valdes, Hood, Dundas, Revel, Forterregui et Lord Elliot, ministre britannique, se réunissent en conseil de guerre tendu à Toulon.

Avec les Républicains sur le détroit du port, ils considèrent que leur ligne de retraite sera coupée sous quelques heures, et décident une évacuation échelonnée. D’abord embarqueront les invalides, puis les garnisons des fortifications extérieures; les navires des arsenaux seront détruits et enfin les troupes abandonneront les bastions de la cité et se replieront sur les plages du fort La Malgue où l’on procédera à leur embarquement.

Les soldats en retraite forment des tumultes bigarrés dans les rues et sur les quais de Toulon, tentant de s’ouvrir le passage à travers la rage hystérique des civils qui veulent aussi fuir les Républicains. Dans le port les ponts des bateaux frémissent sous la frénétique activité des marins, tandis que vont et viennent des chaloupes pleines de soldats blessés ou malades.

Les Français s’aperçoivent de la situation, et Bonaparte ordonne d’accélérer le transport de 10 canons au cap de l’Eguillette; en milieu d’après-midi ils commencent à tirer contre la flotte alliée qui se dirige vers la haute mer. Les troupes françaises de Garnier avancent vers le fort Malbousquet, tandis que les Napolitains se retirent du réduit extérieur, suivis par les Espagnols qui le garnissaient, exposant les remparts de la cité à un bombardement ou à un assaut direct.

Langara et Hood s’émeuvent du désespoir des civils, leur permettant de monter à bord des navires, sauvant ainsi d’un sombre destin 7500 personnes; les membres du comité furent les premiers à être recueillis. A partir de 19 h 00 les fantassins alliés commencent à abandonner leurs positions extérieures, la plupart en bon ordre, vers Toulon ou La Malgue.

Vers 21 h 00, alors que les Républicains sont déjà entrain de harceler les remparts et accès occidentaux de Toulon, est ordonné le repli des soldats de la ville et leur concentration vers le fort La Malgue, au sud-est, d’où ils seront évacués, et l’on procède à la mise hors d’usage de tout le matériel de guerre susceptible de servir aux Républicains. Les canons sont encloués et les navires sabordés. Quelques citoyens tentent de s’y opposer en tirant sur les Alliés.

A 22 h 00 les Alliés mettent le feu aux barils de poudres répartis dans l'urgence sur les disputés navires français des arsenaux, faisant jaillir d’énormes flammes qui illuminent de manière dantesque les dramatiques scènes du chaos portuaire, détruisant ainsi 9 navires de ligne, 3 frégates, 2 corvettes et deux ateliers de construction navale.

Gravina, gravement blessé à la jambe et qui devait être déplacé en palanquin, est évacué à 23 h 00, laissant le Mariscal de Campo (GD) Izquierdo en charge de l’évacuation. Le régiment Hispano-Irlandais Hibernia reste aux postes d’arrière-garde couvrant la retraite des autres unités vers La Malgue. Dès lors l’artillerie républicaine bombarde les portes de Toulon, tant pour en préparer l’assaut que pour gêner l’évacuation alliée.

Au cours de la nuit, la retraite anglaise dans Toulon vire à la débandade. Il n’y a plus de points d’évacuation ni d’officiers organisant les embarquements. Les fantassins abandonnent leurs postes sur les murs et portes pour se diriger sur les quais dans l’espoir d’embarquer d’une quelconque manière, quitte à gagner un navire à la nage afin d’échapper à la mort où la captivité. La hiérachie militaire disparaît au profit du chacun pour soi, beaucoup d’hommes s’adonnent aux viols et au pillage.

A l’aube du jour suivant, 19 décembre 1793, presque tous les soldats étrangers sont partis, abandonnant à leur sort les tristes habitants de Toulon, au milieu d’un labyrinthe de corps, caissons, vêtements, voitures, armes et outils en tous genres imaginables. Les derniers combattants à partir appartenaient au bataillons de rebelles monarchistes de la cité qui, depuis le fort La Malgue embarquent sur des navires espagnols.

A 09 h 00 les troupes révolutionnaires entrent à Toulon. Elles trouvent intacts dans le port 14 vaisseaux de ligne, 1 frégate et 2 corvettes; quelques 1000 Napolitains et Sardes qui n’avaient pu fuir sont faits prisonniers. Plusieurs semaines plus tard arrivaient encore au port des bateaux alliés amenant quelques faibles renforts et du ravitaillement, ignorant que la place avait été récupérée par la République Française; l’un d’eux sera capturé.

La Convention décrète que tous les citoyens de Toulon qui auront collaboré avec l’ennemi seront condamnés à mort. La répression républicaine coûtera la vie à ces centaines de personnes, y compris des femmes et des enfants; ce sont les perdants du siège, coupables d’avoir confié leurs vies à des puissances étrangères pour qui elles ne comptaient pas. La population fut réduite de 60%. Ceux qui eurent la chance d’être sauvés furent débarqués à l’île d’Elbe, en Corse ou en Toscane.

Durant le siège de Toulon les Alliés subirent environ 2100 pertes au combat, dont 1200 Espagnols, 700 Britanniques, 200 Napolitains et Sardes. Les Français républicains eurent 1700 pertes; à ces chiffres il convient d’ajouter 25% de pertes par maladies. Les Coalisés emportèrent comme butin 4 vaisseaux de ligne, 7 frégates et 5 corvettes; sauf trois de ces navires, tous furent pris par les Britanniques.

Pour la France, le siège de Toulon est une tragédie qui lui fit perdre la moitié de sa flotte de la Méditerranée, qu’elle mettra un lustre à reconstruire. L’Angleterre, la plus gagnante, à atteint son objectif stratégique à peu de frais, s’appropriant en outre plusieurs navires. L’Espagne est perdante qui a beaucoup investi dans cette campagne, n’y gagnant que la conservation du Roussillon quelques mois de plus.

Bonaparte sera nommé général de brigade (le 22 décembre 1793) pour sa conduite durant le siège de Toulon, dans lequel ses batteries n’auront eu que peu d’incidence avant la fin; pour le dissimuler il leur attribuera faussement dans son rapport le naufrage d’un navire. Mais grâce à son activité, son charisme et son héroïsme, il gagne l’admiration de ceux qui le connaissent et l’amitié du député Barras, qui lui sera très utile dans le futur. Ce siège est le début de sa fulgurante carrière militaire. Il n'a alors que vingt-quatre ans !

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MELCHIOR Thierry sur 28 Oct 2015, 09:51

Merci Diégo pour ce superbe récit. :grin:
Effectivement, l'artillerie menée par Bonaparte n'a pas eu l'action déterminante que la propagande napoléonienne lui attribue. :?
Encore un mythe qui s'effondre ! :roll:
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MORGAN Nicholas sur 08 Nov 2015, 22:27

Encore merci pour tout! Je suis ému par tant de générosité! Je ne sais pas quoi dire d'autre; l'écrit est tellement complet que je n'ai pas de questions. Merci!
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 10 Nov 2015, 13:21

Pas de quoi, Nicholas.

Vous êtes, via notre ami Thierry Melchior, à l'origine de ce post, et sans votre question il n'existerait pas, et nos réponses n'auraient donc pu profiter à notre lectorat attentif.

J'ai d'ailleurs encore sous le coude pas mal de choses, mais dois désormais privilégier notre manifestation locale, "Paris 2015 à Lyon" les 21-22 novembre courant.

viewtopic.php?f=12&t=1461&start=0

Je reviendrai donc ultérieurement avec d'autres infos "toulonesques".

Tout un chacun peut en attendant demander des précisions sur ceci ou cela.

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 10 Déc 2015, 18:03

J'ai trouvé un bouquin fort intéressant sur le sujet et qui se trouve numérisé (chez Gallica je crois mais n'étant pas sur mon ordi lyonnais je ne peux vous donner le lien direct).

"Toulon et les Anglais en 1793", par Paul Cottin, Paris, 1898.

Nonobstant, disposant de l'ouvrage papier, je vais en extraire quelques éléments qui méritent de figurer dans ce post.

Déjà, sans m'étendre à nouveau sur la question des vivres, le bouquin confirme qu'ils étaient bien suffisants, et que ce furent des rumeurs habilement diffusées qui firent croire le contraire en vue de justifier l'appel aux Alliés.

P 57 : "Il s'ensuit que, suffisamment pourvu de fonds (détournés de l'Armée d'Italie à laquelle ils étaient destinés), Toulon n'était point tout-à-fait dénué de vivres ; qu'à la vérité ces vivres allaient manquer dans un avenir prochain, mais que le Comité général pouvait recourir aux magasins de l'État ; que, s'il ne le fit point, ce fut pour agiter plus aisément le spectre de la famine aux yeux des habitants et pour justifier son appel aux Anglais...

... Une disette se faisait craindre, mais elle n'était que factice" (dixit l'ingénieur de la Marine Sardou).

... À suivre...
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MASSON Bruno sur 11 Déc 2015, 19:54

cette semaine, et pour des raisons complètement hors sujet, je me suis replongé dans le MAA328 d'Osprey sur les unités émigrées sous commandement Anglais pré-1802, et dans la liste se trouvent 3 unités levées pendant le siège en question, voici leur courte histoire commentée

-Chasseurs corses (ou chasseurs de MacLeans) 1 compagnie levée le 31/10, une deuxième le 6/11, 100 homme chacune, bien notées pendant le siège, évacués vers la corse à l'embarquement, et laissées en garnison. transférés sur l'ïle d'Elbe en Octobre 1796 puis amalgamés en 1 compagnie et envoyés au Portugal en Juin 1797. Dissous le 24/06/1798 et effectif transféré au Loyal Emigrant, Ce dernier reste au Portugal, puis dissous Jersey après la Paix d'Amiens le 24/08/1802

-compagnie Royale indépendante d'artilleurs de Marine Française. recruté parmi les artilleurs de la marine et de l'armée présent à Toulon durant le siège (combien?), évacués vers l'ile d'Elbe 18/12/93, effectif de 70 en Janvier 94, en Corse en Juillet, puis retour sur l'Île d'Elbe en Octobre 96, au Portugal (Lisbonne 21/06/97) où ils sont incorporés à la compagnie d'artillerie Maltaise puis au régiment d'artillerie Emigré de Rotalier le 1e janvier 98. retour en Angleterre et dissous le 28/02/1802

-Régiment Royal Louis levé 'au nom et pour le service de Louis XVII' le 07/09/93; les officiers nommés par le Prince Régent de France, prévu pour6 compagnies de 120 hommes y compris des grenadiers. le 12/10/93, 395 "all ranks" et activement engagé. perd plusieurs officiers et 40 hommes le 1e Octobre, 30 de plus les 29-30 du même mois, et le 14 décembre 77 sur 300 pendant la défense de Fort Mulgrave. dernière unité évacuée, laissant 100 hommes dont 80 blessés derrière eux; reformé sur l'île d'Elbe entre mai et août 94, participe à la capture de la corse. au désespoir des officiers Anglais l’ayant commandée, Dundas décide d'incorporer cette bonne unité à celles en formation en Angleterre, arrive à Portsmouth en Novembre avec un effectif de 475 et est intégrée au régiment d'Hervilly le 12/12/94. Ce régiment fait Quiberon,débarque à 80 officiers et 1238 hommes dont 300 déserteurs français dont une trentaine qui donneront le Fort Penthiève à Hoche. 30 officiers et 377 hommes sont rembarqués, une vingtaine d'officiers pris seront fusillés. le 25 Octobre le régiment est dissout, Hervilly gravement blessé, meurt à Londres le 14 Novembre.

voilà, le faible nombre d'unités levées sur place peut accréditer l'idée de méfiance Anglaise laissée par le texte cité par Diégo, mais le manque de réussite relatif du Royal Louis me laisse personnellement penser à une méfiance à double sens; sans oublier que dans l'optique d'un rétablissement rapide des Bourbons, sans laquelle ces révoltes auraient été des suicides idiots, avoir fait partie de l'armée de l'Ennemi Héréditaire, même pour la bonne cause, aurait pu être mal vu....
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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 12 Déc 2015, 11:02

Avant d'abonder sur la question des troupes françaises dans Toulon je veux parler des marins qui, loin s'en faut, ne furent pas tous "perdus" dans l'affaire.

Sur les 17 vaisseaux français, 11 étaient "démocrates" et 6 seulement "royalistes". Mais le commandant en chef, le contre-amiral Trogoff, était du côté de ces derniers. Il usa de son autorité pour faire exécuter les manœuvres qui mirent son subordonné, le contre-amiral Saint-Julien, dans l'incapacité de s'opposer à l'entrée des flottes alliées.

Ce dernier, la veille de ladite entrée, avait recueilli "les vœux des vaisseaux". La plupart étaient "pour la guerre aux Anglais" mais aussi "la paix avec les Toulonnais". Seuls trois vaisseaux, le Themistocle, l'Apollon et le Genereux, étaient prêts à tirer de tous côtés, soit aussi sur la ville.

Les capitaines "Ponentais" (ceux dont les ports d'attache étaient sur les côtes de l'océan) penchaient pour la résistance, mais les capitaines provençaux, qui avaient biens, femmes et enfants en ville à la merci de la vengeance des Conventionnels, préféraient l'entente avec les Anglais. Rien ne fut décidé.

Toutes proportions gardées, nous trouvons la des ingrédients de la situation de Paris en 1814 et 1815 !

... À suivre...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Déc 2015, 16:19

A l'occasion d'un bref passage à Lyon je trouve le lien promis sur ma machine "fixe".

Le voici :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6 ... is+.langFR

Nonobstant je mettrais quand même ici d'autres extraits et commentaires relatifs.

En attendant, bonne lecture aux courageux !

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 15 Déc 2015, 13:26

"Toulon et les Anglais"' pp 128+

"L'amiral Trogoff restait toujours invisible. Cependant le 29 au matin, la frégate la Perle, commandée par le capitaine Vankempen, mécontent auquel on avait refusé un avancement mérité, appareilla et alla mouiller devant l'arsenal. Tout à coup parut Trogoff, qui monta à bord, hissa son pavillon de commandement, l'appuya d'un coup de canon et fit signal de ralliement dans la petite rade.

Pendant ce temps, la flotte anglo-espagnole, composée de 31 vaisseaux, manœuvrait pour entrer... Le général Saint-Julien fit de suite signal de branle bas et de se préparer au combat : mais quel spectacle plus horrible pouvait-on voir ? Les uns faisaient signal d'attention au général Saint-Julien, les autres signal de ralliement à la ville, et ces deniers viraient déjà à pic pour aller dans la petite rade... " (ou se trouvait déjà le Themistocle).

"Le Comité général avait décidé qu'on traiterait en ennemis, c'est-à-dire que l'artillerie des forts foudroieraient les vaisseaux qui ne répondraient point au signal de la Perle : cinq obéirent sur-le-champ ; sept autres, après un moment d'hésitation, suivirent leur exemple. Bientôt il ne resta plus, en grande rade que quatre bâtiments : le Duguay-Trouin, capitaine Cosmao, le Commerce de Marseille, "commandé par l'équipage", le Tonnant, dont les marins étaient à terre, et le Commerce de Bordeaux, vaisseau de Saint-Julien.

Celui-ci, voyant l'inutilité de la lutte, prit ses dispositions de départ et engagea son équipage à gagner, par terre, l'armée de Carteaux. Lui-même, persuadé non sans raison, que le Comité général allait le faire rechercher (ce qu'il fit en effet) s'enfuit vers La Seyne." Pendant qu'il se cachait d'une patrouille, et se souvenant des promesses de résistance faites encore par écrit le 28 aux représentants conventionnels, dont il redoutait désormais la réaction (bien d'autres ayant fini sur l'échafaud pour moins que ça), il se ravisa et se rendit à Hood qui le remit aux Espagnols... Lesquels l'envoyèrent à Barcelone.

... à suivre ...
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