L'occupation de Toulon en 1793…

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 22 Déc 2015, 11:31

P 130+...

"La retraite des marins s'effectua à la hâte et en désordre ; beaucoup gagnèrent à la nage la terre ferme...

Le 31 août, 3.000 marins fugitifs étaient passés par Marseille ; plusieurs milliers leur succédèrent les jours suivants. Le Comité général ne fit, quoi qu'on en ait dit, rien pour les retenir."

Mieux, ceux qui voulurent quitter Toulon "régulièrement" récurent des "parlementaires" pour les conduire à Cette. Ceux qui préférèrent lier leur sort aux Toulonnais se virent promettre de conserver leur situation. Les désertions n'en continuèrent pas moins jusqu'à la fin du siège.

-------

P 197+ Je continue sur les marins restes à Toulon, qui étaient le grand souci des Anglais, comme le confirme une correspondance de Hood : "Je crains plus l'ennemi du dedans que celui du dehors, car, si une attaque sérieuse avait lieu, chacun de ces marins prendrait une part active contre nous." Les Ponentais étaient ceux qui lui inspiraient le plus d'inquiétude.

Profitant de la promesse que le Comité général leur avait faite, le 22 août, de les rapatrier, il pria l'amiral Trogoff de lui désigner ceux de leurs vaisseaux dont l'état semblait le moins satisfaisant ; le choix tomba sur l'Apollon, l'Orion, le Patriote et l'Entreprenant. Mais, disait l'amiral anglais, "en admettant même que ces navires eussent été en parfait état, il fallait qu'ils partissent ; notre sécurité l'exigeait".

"Quand sa lettre parvint en Angleterre, où l'on considérait déjà la flotte française comme propriété nationale, elle souleva un tollé général..." Pourtant la décision était dans le droit fil de l'opinion plusieurs fois exprimée de l'amiral qui pensait "qu'il serait bon de renvoyer tous les prisonniers qui sont en Angleterre... (car) ils y étaient venus exprès pour nous infecter" (cela ne s'invente pas !).

Plus logique est la critique disant que cette mesure contribua à renforcer le corps des marins français.

Mais c'était sans compter sur la République...

... a suivre ...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 03 Jan 2016, 18:09

"La République, une et indivisible", était pourtant bien divisée dans ses difficiles débuts... Et beaucoup de ses (peu) honorables Représentants pensaient assurer leur situation en faisant exécuter à qui mieux mieux ou plutôt à tort et à travers, comme va l'illustrer le sort des marins rentrés depuis Toulon à bord des "vaisseaux du Roi Louis XVII" que Hood jugea à propos de laisser partir pleins de "rebelles".

Le 17 septembre quatre vaisseaux prirent la mer à destination de Rochefort, Lorient et Brest, "armés" d'un canon d'alarme et de 20 cartouches, et sous l'escorte de navires anglais pour les empêcher de débarquer de suite en France. L'Apollon, portant 1420 hommes, fit cependant côte à peine sorti, et ne repartit que le 19, suivi de la gabare le Pluvier avec 300 hommes pour Rochefort.

"Mauvaise pioche" ! En effet, soupçonnés de vouloir livrer Rochefort aux Anglais, les navires sont consignés en rade de l'île d'Aix, sous le canon des forts et entre deux vaisseaux de guerre. Je vous passe les détails sordides d'un procès de l'époque. Sans la moindre preuve et bien au contraire, 34 officiers et maîtres, il est vrai dénoncés par leurs équipages (rancuniers ?) sont accusés de trahison. 9 officiers montent à l'échafaud au milieu d'une populace en délire. 2 sont condamnés à la déportation, 8 à six mois de prison. Autre détail d'importance pour les marins, les navires furent rebaptisés, Gasparin pour le vaisseau, et Commission pour la gabare.

Le Patriote et L'Entreprenant, chargés chacun de 1400 hommes arrivèrent le 14 octobre à Brest (pas mieux). Après quelques jours de détention les équipages sont répartis dans la flotte. 6 officiers sont envoyés à Paris et exécutés comme (suspects d'être) complices des Toulonnais, les autres feront plusieurs mois de prison. Sauvés par la chute de Robespierre ils furent libérés le 3 mars 1795.

Le vaisseau l'Orion mouilla en rade de l'île de Groix le 15 octobre 1793 avec 1447 hommes à bord, qui eurent plus de chance que leurs camarades précédents. Le journal de bord d'un des officiers, saisi par les Représentants, les convainquit que le navire avait fait son devoir, d'autant que l'équipage avait refusé de crier "vive le Roi" (en fait comme les autres, mais là c'était écrit, et lu par des gens sensés) ce qui fit bien dans les attendus de l'audience. On ne condamna que le navire... À être rebaptisé Mucius-Scévola, peine fort lourde en effet quand on s'est appelé l'Orion !

Bref, la République, qui manquait cruellement d'officiers de marine, se permit d'en faire occire quelques dizaines parmi les plus fidèles à sa cause, mais c'est bien connu, qui n'aime pas châtie mal !

... À suivre...

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 26 Fév 2016, 18:33

Les Anglais et le droit des gens...

D'autant que l'on pouvait aussi compter sur les Anglais pour réduire au maximum ce qui restait encore à la France de navires et de marins.

Outre ceux de Toulon, déjà considérés comme siens, quelques bâtiments s'étaient, pour diverses raisons, trouvés "coincés" dans des ports neutres. Qu'à cela ne tienne, la Navy, qui ne s'embarrassait pas de ce genre de détail*, irait les chercher.

* On songe en guise de confirmation non exhaustive aux deux attentats criminels de Copenhague, perpétrés en 1801 et 1807 contre les Danois.

Le 5 octobre 1793 le "Bedford" (74) et le "Saint-Georges" (98) pénètrent dans le port de Gênes et somment la frégate française "La Modeste" (en l'occurrence et en rapport la bien nommée), dont l'équipage est entrain de manger, d'arborer le pavillon royal. Le refus déclenche aussitôt la fusillade prévue à l'avance et l'abordage. Les marins français qui tentent de résister sont hachés sur place et ceux qui essaient de fuir à la nage tués à coups de fusil. 35 à 50 sont morts.

A Livourne c'est "L'impérieuse" (44) qui est visée par le vaisseau anglais "Captain", accompagné du vaisseau espagnol "Bahama". Prévenu, le capitaine français fait débarquer à Fezzano dans les magasins de la République de Gênes, les armes et les munitions qu'il transportait, et coule son bâtiment sur un haut fond, espérant ainsi le soustraire aux Anglais.

Peine perdue. Ces derniers, avisés, vont droit à Fezzano, enfoncent les portes du magasin et s'emparent de la cargaison. Ils reviennent ensuite à la frégate qu'ils parviennent à renflouer avec l'aide des Espagnols. Après quoi, peu partageurs, comme la suite le confirmera, ils arborent dessus l'Union Jack et garderont la prise pour leur flotte, qui la rebaptisera "Unité".

Le 17 juin 1794 le "Romney" (60) découvre "La Sibylle" (44)au mouillage (toujours neutre) de Micon (Turquie), et lui sert le même prétexte d'arborer le pavillon royal avant de l'attaquer sans plus de préavis. 111 marins sont tués ou blessés, 28 survivants sont capturés. Des dégats considérables et des victimes civiles furent à déplorer en ville. Un attentat similaire contre "La Sensible" à Smyrne fut empêché par les autorités locales, frustrant l'Anglais.

Je m'arrête à ces quelques exemples qui sont loin d'etre exhaustifs, puisque les navires britanniques agissaient de même avec leurs propres alliés, abordant sans distinction jusqu'aux navires des Autrichiens, Prussiens, Hollandais, Suédois, et même, c'est un comble, Espagnols... qui finiront par se lasser et s'allier avec la France contre l'Angleterre en 1796.

William Fox, alors leader de l'opposition en Angleterre confirme :
"La loi des Nations ! Nous la méprisons en théorie, comme nous l'avons foulée en pratique !".

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Mar 2016, 22:15

p 146. Les troupes françaises de Toulon se composaient comme suit :

1°. 4800 hommes de l'armée départementale, formée de détachements de divers régiments (Maine, Barrois, La Marck, Allemand, Ile-de-France et Vieille-Marine.

2°. 6 à 7000 gardes nationaux venus de Marseille, Agde, Cette, Avignon, Montpellier, Orange, etc...

3°. 1200 hommes du régiment de la Marine et des canonniers marins employés au service de l'arsenal et des vaisseaux.

4°. 4000 hommes de la garde nationale de Toulon.

Le tout comprenait 17 à 18000 hommes dont, méfiance britannique aidant, une infime partie seulement fut admise à combattre*.

* Parmi elle détachons le magnifique fait d'armes de 400 hommes de la garde nationale soldée des Bouches-du-Rhône qui défendirent cinq heures durant sous le capitaine Martin (un ancien du régiment de Touraine) les gorges d'Ollioules le 7 septembre 1793 contre les 6000 hommes de Carteaux. Ce petit bataillon ne battit en retraite qu'après avoir épuisé ses munitions, occasionné de lourdes pertes aux Républicains et subi lui-même 35 tués dont 2 officiers, 21 blessés et 15 disparus. Les rapports anglais et espagnols ne parlent pas de cette action de retardement qui seule permit la contre-attaque alliée qui suivit. Les Espagnols y perdirent 18 tués, 41 blessés et 9 disparus avant de renoncer à leur tour, traînant à bras d'hommes leurs 4 canons dont les chevaux d'attelage avaient été volés durant le combat (cela ne s'invente pas !).

Le 12 octobre 1793 fut formé à Toulon le "Royal-Louis" à partir de débris de l'armée départementale. Il comprenait 395 hommes, officiers compris, en quatre compagnies de théoriquement 120 hommes. Hustin, un ancien capitaine du régiment d'"Ile-de-France" fut mis à sa tête et à cet effet promu Major, parce-que généraux exceptés il n'y avait pas d'officier britannique présent d'un grade plus élevé.

Avec ceux destinés à la formation du "Royal-Provence", ces hommes furent les seuls Français, au total environ 1500 hommes, à combattre.

p 158 en passant, il est question, en accord avec les instructions des Princes, d'hypothéquer la ville de Toulon et ses dépendances, l'arsenal et les vaisseaux, dans le but de lever un emprunt pour les besoins de l'insurrection, en l'occurrence auprès de la République de Gênes... qui fort heureusement déclinera la proposition par suite de l'agression dans son port, neutre rappelons-le, perpétrée par le vaisseau britannique "Bedford" (74), contre la frégate française "La Modeste", dont je vous ai parlé plus haut.

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Mar 2016, 21:46

Liberté, quand tu nous tiens, tu nous tiens bien !

"Tous les chefs, tous les meneurs, tous les Marseillais réfugiés ici sont partis et se sont embarqués sur trois de nos plus beaux vaisseaux, sous le commandement du trop perfide Trogoff", écrivent au Comité de Salut public les Représentants du peuple. Ils savaient donc en entrant à Toulon qu'ils n'avaient pas de coupables à châtier, mais il en fallait pourtant, beaucoup, pour l'exemple.

Ils vinrent d'ailleurs s'offrir spontanément et naïvement à la vengeance des Conventionnels. Une foule nombreuse d'habitants et de soldats de la Marine qui venaient de lutter bravement contre les incendies se rendit à la porte de France, à la rencontre des troupes républicaines. Ce comité d'accueil était précédé d'une musique militaire jouant des airs patriotiques. Ces pauvres gens fous de bonheur arboraient un drapeau et des lauriers. Mieux eut valu des chrysanthèmes car les deux cents premiers attrapés furent fusillés sur place...

Le lendemain on rassemble les habitants restants sur le Champ de Mars, et les marins du "Thémistocle", sortis de leur prison où ils n'ont rien vu du siège, sont appelés, en tant que "Patriotes opprimés", à désigner les coupables parmi cette masse d'innocents. Le choix fait les condamnés sont aussitôt fusillés collectivement.
La plupart tombe à la première salve. "Que les blessés se relèvent, la République leur pardonne !". Quelques incorrigibles naïfs (plus pour longtemps) se relèvent, et une deuxième décharge les couche pour le compte. Un fait similaire aurait eu lieu à Lyon, à croire qu'il s'agissait du même sadique qui commandait les pelotons d'exécution car un tel cynisme ne s'invente pas,

18 officiers de l'artillerie de Marine exécutés le 20 décembre, 200 habitants le 22, 400 le 24. Au 5 janvier le total aurait été de 800.

Le Représentant Fréron écrit : "Les fusillades sont ici à l'ordre du jour ; en voilà plus de 600 qui ne portent plus les armes contre la République : la mortalité est parmi les sujets de Louis XVII. Aujourd'hui tous les sergents, adjudants et soldats de la Marine (dont la France avait un cruel besoin, rappelons-le) y ont passé, avec la municipalité (en réalité partie avec les Alliés), qui s'était affublée de l'écharpe blanche pendant le règne du marmot (Louis XVII) ; trois prêtres scélérats ont fermé le bal... Demain et les jours suivants, fusillades de 200, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de traîtres."

Le 3 janvier les "Patriotes opprimés", peut-être fatigués, sont remplacés par une "Commission militaire" composée de "Sans-Culottes parisiens" qui, sur le départ, pouvaient condamner à mort qui bon leur semblait (8 à 10 par jour) sans craindre de représailles.

Le Tribunal révolutionnaire qui les remplaça fit guillotiner 15 femmes les 31 mars et 1er avril. Un vieillard de 94 ans est porté sur sa chaise à la guillotine. Un autre de 74 ans subit le même sort, ainsi qu'une jeune femme venant d'accoucher... Tous supposément dangereux pour la République.

Fréron avait posé en principe que "toute ville rebelle... devait disparaître de la surface du globe". Il avait donc logiquement entrepris d'en détruire la population. Barras, Salicetti et Ricord portent avec lui la responsabilité de ces massacres inutiles et stupides. La destruction de la ville était aussi programmée et 12000 maçons des départements voisins avaient été requis dans ce but.

Arrêtés dans leurs projets, ces patriotes se vengèrent en appelant la cité "Ville conquise", "Ville plate" (une fois rasée), "Ville infâme", "Sans nom", oubliant un peu vite que seul un décret de la Convention pouvait changer le nom d'une ville. On suggéra aussi "Port affranchi", par assimilation à Lyon (devenue "Commune affranchie") dont Toulon avait "partagé les crimes", mais la ville resta le "Port de la Montagne" !

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 15 Juin 2016, 12:24

Sort des Toulonnais partis de Toulon sur les navires alliés

Le 19 décembre 1793 la flotte anglo-espagnole, accompagnée sous Trogoff de deux divisions françaises arborant le pavillon royal, s'arrête aux iles d'Hyères pour remettre de l'ordre sur les navires où 5000 malades sont entassés anarchiquement au gré des embarquements d'urgence. Histoire aussi d'installer des contingents britanniques sur chaque navire français, sans doute pour leur indiquer la route.

La tempête sévit quelques jours. Un brick français est endommagé. Les Anglais sauvent son équipage et brûlent le bâtiment. La flotte espagnole, après un échec le 21, parvient à appareiller le 25. Elle dépose mille réfugiés à Mahon, et deux mille à Cartagena, qui reçoivent les secours du gouvernement espagnol. Quatre cents étaient accueillis par les Napolitains, et trois cents le seront par Rome.

Côté britannique, on obtint du duc de Toscane l'autorisation de débarquer à Oneille et Livourne quelques centaines de réfugiés. Les autres devaient être conduits à l'ile d'Elbe, mais en y restant à la charge des Anglais. Contrairement à certaines assertions ces derniers firent de leur mieux pour ravitailler les réfugiés.

Mais deux mille d'entre eux, accueillis par les deux mille habitants de Porto-Ferrajo, cela fit trop. L'entassement de tant de réfugiés épuisés provoqua des fièvres qui en tuèrent bon nombre, et parmi eux l'amiral Trogoff, qui mourut le 30 mars. L'autre amiral français de Toulon, le malheureux Saint-Julien, mourra en 1799.

Les vaisseaux français de Trogoff iront à Gibraltar en août, puis gagneront l'Angleterre en novembre, après avoir fait la campagne de Corse, que l'Angleterre allait annexer avec la complicité de Paoli.

Pour l'autre division française, ce fut d'abord une pénible traversée du 6 janvier au 19 février (je ne comprend pas une telle durée), jusqu'à Gibraltar... d'où elle repartit sans s'approvisionner, sans qu'on sache pourquoi, arrivant en Angleterre le 16 mai (là aussi cela paraît long... mais je suis aussi compétent en marine que Napoléon), où l'officier britannique commandant le convoi réclame de prompts secours sans quoi tous ses passagers, y compris les contingents britanniques, seront perdus... Les trois navires portaient en tout mille passagers (Le Puissant 538, Le Pompée 385, L'Arethuse 77), équipages compris.

La chute de Robespierre permit le retour de beaucoup d'exilés car courant 1795 il n'en restera guère plus de 1200 en Corse, Sardaigne et Toscane. Les ennuis des autres ne cessèrent pas pour autant car ils trouvèrent leurs maisons occupées par les acheteurs des biens nationaux qu'il était par construction impossible d'expulser... Le problème ne sera re-examiné qu'au retour des Bourbons en 1814.

Il s'agissait alors de savoir "si ce qui était un titre de démérite sous l'ancien régime (République et Empire) ne devient pas, sous le gouvernement du Roi, un motif de réintégration." La réponse fut oui dans quelques cas de personnes influentes. Pour les autres le Roi octroya à la ville de Toulon des armoiries magnifiques et chargées de la devise "Fidélité de 1793"... ce qui ne fit pas bouillir la marmite de ceux qui avaient tout perdu dans l'affaire, fors la vie toutefois.

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Re: L'occupation de Toulon en 1793…

Messagepar MANÉ Diégo sur 23 Juin 2016, 09:18

Sort des bâtiments français pris par les alliés à Toulon

Les Napolitains n'emmenèrent que la gabare la Lamproie, maigre butin.

Les Sardes eurent en partage la Victoire (32) et l'Alceste, qui fut repris par la Boudeuse en 1794.

Les Espagnols n'emportèrent que la gabare Petite-Aurore, ce qui rend amusante la réclamation française de 1795 à l'Espagne d'avoir à lui rendre les vaisseaux... qu'elle n'avait pas pris.

En revanche les Britanniques s'étaient servis plus largement.
Hood avait fait armer pendant le siège les bâtiments suivants :

Frégates la Lutine et l'Aurore; corvette la Belette; gabares la Prosélyte, le Mulet, la Moselle, la Sincère; brick l'Alerte; chebek la Vipère (perdu à Hyères); canonnières le Serpent (coulée par les Français), la Petite Victoire (perdue en Corse), le Jean-Bart, le Petit Boston, le Vigilant, la Sainte-Croix (les deux dernières ont servi de pontons et furent coulées par les Français).

Les navires de Trogoff, battant pavillon royal blanc, parmi lesquels

Le Pompée (74 de 1791), le Puissant (74 de 1782), le Commerce de Marseille (118 de 1788), le Scipion (74 de 1790).

L'Aréthuse, l'Impérieuse, la Topaze, la Perle, la Poulette, le Tarleton...

A leur arrivée en Angleterre il fut donné aux équipages le choix d'entrer au service britannique, de mer ou de terre. Les officiers furent débarqués mais continuèrent d'être soldés jusqu'en mars 1815 !

A part le Commerce de Marseille, mis hors d'état par une tempête en 1795, il semble bien que tous les autres navires, qui devaient en principe rester propriété du roi de France, furent incorporés à la flotte anglaise.

La Perle sous le nom d'Améthyst et l'Aréthuse sous celui d'Undaunted. Le Puissant et le magnifique Pompée gardèrent leurs noms (jusqu'à leur désarmement en 1817). Le dernier sera sous l'Empire le navire amiral de prédilection de Sir Sydney Smith en Méditerranée. En 1804 la Royal Navy comptait encore dans ses rangs 4 vaisseaux, 3 frégates et 2 corvettes provenant de Toulon.

Il est piquant de souligner ce trait caractéristique des Anglais, qui après avoir volé ces bâtiments, s'en disputaient encore entre eux, Marine et Armée de terre, le prix qui ne leur avait rien coûté. Lord Hood obtint de la Chambre des Communes une récompense de 265.336 £ au profit de ses équipages, tant pour les navires en service que pour les 10 vaisseaux* et 3 frégates détruits... Et le général Dundas réclama au nom de ses fantassins qui fournirent des garnisons sur les vaisseaux français propriété du roi de France...

* Dont huit complètement brûlés**, le Thémistocle (74 de 1791), le Duguay-Trouin (74 de 1788), le Tricolore (74 de 1785), le Suffisant (74 de 1782), la Liberté (74 de 1782), le Triomphant (80 de 1779), le Héros (74 de 1778, et le Destin (74 de 1777).

** Quatorze autres plus ou moins endommagés sont récupérés par la République, dix "jeunes"; le Sans-Culotte (118), le Tonnant (80), le Languedoc (80), l'Entreprenant (74), le Généreux (74), le Mercure (74), l'Heureux (74), le Centaure (74), le Censeur (74), l'Alcide (74) et quatre "vieux"; le Conquérant (74 de 1747), le Peuple Souverain (74 de 1757), le Guerrier (74 de 1753), le Hardi (64 de 1750).

En 1814 Louis XVIII venait littéralement de faire cadeau aux Alliés de tous les bâtiments français se trouvant dans les ports en leur pouvoir, lorsque son ministre de la Marine vint lui rappeler que cela ne s'appliquait pas aux navires de la flotte de Toulon restés propriété du roi de France depuis 1793 ! Mais le monarque préféra oublier ce détail qui, du reste, ne concernait alors que quelques vieux bâtiments en fin de vie alors qu'il venait d'en donner sans remords plusieurs dizaines absolument flambant neufs, que pour la plupart se partagèrent avec ravissement Hollandais et Britanniques !

C'est beau, c'est grand, c'est généreux, la France !

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