1808, Espagne, la bataille de Tudela

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

Modérateurs: MASSON Bruno, FONTANEL Patrick, MANÉ John-Alexandre

1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 09 Oct 2016, 13:46

En appui historique du remake annuel du KRAC, "Tudela 2016 à Lyon" les 26-27 novembre,

viewtopic.php?f=11&t=1610&p=10975#p10975

je vais vous donner dans ce post des extraits relatifs de mon L3C 13 "Campagne de Napoléon en Espagne 1808".

Mais d'abord un rapide brossé des circonstances ayant précédé la confrontation de Tudela.

Après la pantalonnade de Bayonne où Napoléon a littéralement capturé la famille royale d'Espagne afin d'en mettre la couronne sur la tête de son frère Joseph, a éclaté à Madrid l'insurrection dite du Dos de Mayo, suivie du à tort moins célèbre Très de Mayo, auquel j'ai consacré un article pour le moins "éclairant" que je vous conseille de lire ou re-lire car il met bien dans l'ambiance.

http://www.planete-napoleon.com/docs/Le ... e_Mayo.pdf

L'Espagne entière se soulève contre les Français dont les troupes, destinées dans le principe à une promenade militaire visant à occuper subrepticement un pays "ami" sous le prétexte de bouter les Anglais hors du Portugal, ne sont pas précisément adaptées aux circonstances car majoritairement composées de conscrits et de fonds de dépôts.

Lesdites circonstances amènent les conséquences décrites en profondeur dans mon L3C 9 "Campagne de l'été 1808 en Espagne", et "si le 14 juillet Bessieres "sauve l'Espagne" à Médina de Rioséco, il est aujourd'hui évident que le 19 juillet 1808, via Dupont, Napoléon perd son Empire à Bailen"...

... à suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 17 Oct 2016, 19:55

La nouvelle de Bailen rattrape Napoléon à Bordeaux le 2 août. Il se doit de laver l'affront sans délai, sous peine de voir son prestige fortement atteint, et décide incontinent d'envoyer en Espagne la moitié de ses troupes d'Allemagne. Un messager court vers le Tsar, précédant la rumeur du désastre, et portant la nouvelle que Napoléon accède à sa demande d'évacuer la Prusse. De la sorte il se concilie la Russie dont il a besoin pour tenir en respect l'Autriche qui arme.

Il rencontre Alexandre Ier à Erfurt en octobre et écrit à Joseph : "Mon frère, j'ai fait toutes mes affaires avec l'empereur de Russie... Je serai avant un mois à Bayonne... La guerre pourrait être terminée d'un seul coup par une manoeuvre habilement combinée, et pour cela il faut que j'y sois". Il s'est donc réservé le commandement de l'Armée d'Espagne, outil formidable de puissance, qu'il a su constituer en moins de deux mois, tout en tenant en respect l'Europe entière.

Dans l'intervalle il a appris que Junot, vaincu à Vimeiro par Wellesley, a évacué le Portugal en vertu de la convention de Cintra. Un nouveau camouflet à sa puissance... Mais qui lui permet de dire qu'il marche contre les armées "que l'Angleterre à formées ou débarquées dans les Espagnes"... affectant d'ignorer les armées espagnoles en tant que "nationales". Il couronnera lui-même Joseph à Madrid, vengeant Bailen, et plantera ses aigles à Lisbonne, vengeant Vimeiro.

... à suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 23 Oct 2016, 19:05

Joseph avait piteusement évacué Madrid et levé le siège de Zaragoza dès après Bailen, cantonnant ses ambitions à la ligne de l'Ebre. Il disposait pourtant en Septembre de 65.000 hommes commandés par Bessières, Ney et Lefebvre, tous trois maréchaux ducs... sur lesquels, il est honnête de le dire, il ne jouissait, lui comme son nouveau chef d'Etat-Major, le maréchal comte Jourdan, que d'une autorité toute relative... prémice de tous les conflits ad'hoc de cette guerre.

Pour cette raison et d'autres, Napoléon avait ordonné que l'on se tint à la défensive jusqu'à son arrivée... mais à une défensive active en tenant Tudéla et Burgos... et non un cordon facile à forcer qui contraignit les troupes à bien des marches inutiles et éprouvantes. C'est que de leur côté les armées espagnoles, enhardies par leurs récents succès, étaient engagées dans un projet grandiose visant à l'anéantissement, rien de moins, des forces françaises en Espagne.

Arrivé à Bayonne le 3 Novembre, l'Empereur se félicite de voir un ennemi bien plus faible que lui venir ainsi s'offrir à ses coups. Mais, à force de se plaindre, le maréchal Lefebvre s'était fait renforcer d'une division du Ier Corps et, se sentant dès lors invincible, n'avait pas résisté davantage à attaquer Blake qu'il culbuta à Zornoza le 31 octobre, certes, mais sauva ainsi de l'encerclement auquel il allait succomber sous peu. La campagne de Napoléon en Espagne venait de commencer... sans lui.

À suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Nov 2016, 10:14

Résumé des événements précédant Tudela

Victor arrive alors et se plaint avec véhémence auprès du roi Joseph contre l'usage par Lefebvre d'une de ses divisions "à lui". Le Roi s'abaisse à expliquer ses motifs et du moins essaie de profiter du faux mouvement de Lefebvre en envoyant Victor à Valmaseda. Mais le maréchal n'en fera rien et il s'en fallut de peu que la division Villatte, isolée contre toute l'armée de Blake, n'en fit les frais.

Mais ce n'était qu'un début. Victor part seul sans artillerie ni cavalerie à la poursuite de Blake, et sans concertation avec Lefebvre. Il trouve le 10 novembre les 30000 hommes de l'Espagnol en position à Espinosa de los Monteros, les attaque incontinent avec les 8000 hommes dont il dispose... Et subit un échec mérité, n'échappant à la défaite que par l'arrivée de sa deuxième division.

La troisième étant arrivée pendant la nuit le combat se renouvelle au matin contre la trop jeune armée de Blake qui souffre de la faim. Les divisionnaires de Victor ne valant guère mieux que leur maréchal, c'est du général de brigade Maison que viendra l'initiative de l'attaque décisive contre la division asturienne, désarmée contre les tirailleurs français qui abattent tous ses généraux et officiers supérieurs en vingt minutes, provoquant l'effondrement de la troupe laissée sans direction face au massacre à sens unique.

Les autres divisions vont s'effondrer par imitations devant les attaques du même métal des autres troupes françaises. Mais les Espagnols, que Victor ne peut poursuivre sans cavalerie, vont se perdre dans les montagnes et se remettront rapidement, constante que l'on retrouvera tout au long de la guerre. Pour l'heure le maréchal peut enfin, au prix d'au moins 2000 pertes, épingler une première victoire sur son blason ducal, pour (tenter de) justifier son bâton.

A l'aile droite Napoléon qui vient d'arriver à nommé Soult au commandement des troupes jusque-là aux ordres de Bessieres qui du coup s'arrête net en attendant son remplaçant. Fort heureusement pour les Francais leur avant-garde est commandée par Lasalle qui, le 10 novembre, accroche à Gamonal les Espagnols de l'inconsistant Belveder et, par une retraite feinte, les attire vers le gros des troupes amené par Soult. Les Espagnols, à court de munitions (inutilement gâchées contre Lasalle), se débandent devant l'avance résolue de la division de vétérans menée par Mouton, et à midi le maréchal peut écrire à Napoléon : "Votre Majesté est maîtresse de Burgos" !

... À suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 05 Nov 2016, 10:37

La bataille de Tudela, le 23 Novembre 1808

Pendant que ses lieutenants en finissent avec la gauche des Espagnols, Napoléon mûrit le plan destiné à lui livrer leur droite qui couvre la direction de Zaragoza sous Castaños. Mais les distances sont considérables et les communications difficiles et fort peu sûres. Il lui faut du temps pour acquérir des certitudes, et surtout que les seules troupes dangereuses, les Anglais, n'arrivent pas via Madrid où Valladolid. C'est pourquoi il reste à Burgos du 13 au 23 Novembre, pendant que sa cavalerie bat l'estrade au loin dans toutes les directions et que Ney s'en va occuper Aranda le 16 Novembre.

Les Espagnols qui s'y trouvaient se sont repliés vers Somosierra, Soult à occupé Santander et des Anglais pas de nouvelle. Toute la "sollicitude" de l'Empereur se reporte sur Castaños qui n'a pas bougé de sa position. Ney menacera sa communication avec Madrid tandis que le IIIe CA de Moncey attaquera Calahorra avec le concours de la division Lagrange depuis Logroño. Toute l'opération est confiée au maréchal Lannes, véritable "joker", qui vient commander sur Moncey, lequel apprécie modérément. Mais l'Empereur a ordonné et le doyen des maréchaux doit se mettre aux ordres de son bouillant cadet.

Certain qu'avec ce dernier celà n'allait pas "trainer", Napoléon a basé ses calculs en conséquence et, si tout va bien, Ney, passant par Soria devrait arriver à Tarazona le 24, en même temps que les troupes de Castaños que Lannes aura vaincues le 22 à Calahorra. Mais Castaños, bien informé, refuse le combat en ces termes et se replie sur Tudela et la ligne du Queiles, faisant échouer la combinaison de l'Empereur. Entretemps celui-ci avait poussé sur Aranda le Ier CA et la Garde afin de, selon le cas, marcher sur Madrid par Somosierra, où renforcer Ney si Castaños se portait tout entier sur Soria.

Par ailleurs, ce maréchal ayant mal interprêté ses ordres confondit l'objectif principal, couper Castaños, avec le secondaire, occuper Soria, et resta donc dans cette ville pendant que Lannes se battait seul à Tudela... Ce qui n'était pas grave puisqu'il y serait arrivé de toutes façons trop tard et que Lannes n'avait pas besoin de lui... mais était déjà révélateur des difficultés du maréchal à "bien" saisir le sens de ses ordres... germe en puissance de drames à venir ! Pour l'heure donc, Lannes, arrivé le 20 à Lodosa, se trouve seul face à l'armée de Castaños, et n'en est pas ému pour autant.

Malgré une très mauvaise chûte qui a failli le tuer et l'empêche de monter à cheval, le maréchal reste très actif et ses ordres fusent, visant à respecter à la lettre ceux de l'Empereur. "Je pense qu'il aurait été nécessaire que M. le maréchal Ney fût arrivé à Tudela en même temps que j'arriverai à Calahorra. Mais celà est impossible, puisque j'ai ordre d'attaquer le 22" écrit-il à son maître, avant de lancer ses 24.000 hommes à l'attaque d'un ennemi estimé à 60.000. Ce dernier s'étant replié, comme déjà dit, le maréchal le poursuit en direction de Tudela, avec l'intention de l'y attaquer.

À suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 09 Nov 2016, 10:14

Au soir du 22 tout le IIIe Corps se trouve à Alfaro, sauf la division Morlot qui est à Corella. Demain cette dernière s'avancera directement sur Tudela précédée par toute la cavalerie sous Lefebvre-Desnoëttes, tandis que les autres divisions passeront par Castejon, suivies par la division Lagrange. Moncey observa qu'en passant par Corella cette division arriverait plus vite que par Castejon où la précéderaient trois divisions au lieu d'une seule. Mais Lannes, peut-être pour marquer son autorité, refuse de modifier ses ordres, et au résultat cette division, effectivement, arrivera fort tard le 23 !

Qu'importe ! Le 23 à 9 heures du matin, Lannes, escorté par les Lanciers de la Vistule, se trouve sur les hauteurs au Nord-Ouest de Tudéla. La cavalerie de Lefebvre-Desnoëttes a reconnu l'ennemi dans cette ville et à Cascante. Les divisions Morlot et Maurice-Mathieu arrivent. Le point fort de la position Espagnole, Tudéla, ne l'est que si l'on tient les hauteurs qui la dominent. Or les Français viennent de s'en emparer sans combattre alors que les troupes qui devaient les défendre en sont encore à passer l'Ebro. Une fois de plus l'activité du maréchal lui permet de devancer l'ennemi.

Maurice-Mathieu reçoit l'ordre d'attaquer sans délai les troupes ennemies qui garnissent le Cerro de Santa Barbara puis de s'emparer de Tudela même, dont la prise fera tomber la ligne du Queiles tout en menaçant la retraite sur Zaragoza. La division Morlot, soutenue par Colbert, observera les forces ennemies qui se montrent sur les hauteurs de Santa Quiteria et du Cabezo Malla. La brigade Digeon observera de même les troupes repérées à Cascante, et Wathier surveillera la route de Tarazona. Entretemps, les autres divisions arriveront et le maréchal en disposera selon les circonstances.

Vers 9 heures et demie, le 2e de la Vistule et le 14e de Ligne attaquent la 5e Division del "Ejercito del Centro" du MdC Roca qui leur disputait l'extrémité du plateau. Etant donné le terrain difficile et coupé de ravins, il faut une heure aux Franco-Polonais pour en chasser Roca qui se replie sur le Cerro de Santa Barbara. La défense est énergique, mais l'attaque, menée par Maurice-Mathieu en personne, ne l'est pas moins, et la valeur des soldats fait le reste. Vers 1 heure après-midi les Espagnols sont repoussés dans Tudéla. Pendant ce temps le reste de la division tenait en respect la division St-March.

Entretemps la division Morlot s'était dirigée sur le Cabezo Malla pour menacer le flanc les troupes en position sur le Santa Quiteria. Mais le 117e, à peine parvenu au sommet, s'y voit attaqué par toute la division O'Neil qui vient d'arriver, tandis que Saint-March envoie des troupes dans son flanc. Il n'a pas d'autre choix que de se retirer, assez malmené, dans l'oliveraie de Cardete. La division Musnier qui arrive alors est aussitôt dirigée en soutien de Morlot qui repart à l'attaque. Cette fois, malgré une belle défense, les Espagnols, dépassés par de la cavalerie, cèdent en abandonnant toute leur artillerie.

À suivre...
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 09 Nov 2016, 10:31

Avec la règle "Les Trois Couleurs" la frontière entre l'Histoire et le Jeu est si poreuse que les amateurs de la première trouveront aussi des éléments historiques dans le second.

En l'occurrence voir mon message du 26/10/2016 sur les commandements.

viewtopic.php?f=11&t=1610#p11013

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 13 Nov 2016, 13:11

Saint-March tente bien une deuxième fois d'attaquer le flanc des assaillants mais, à ce moment, les troupes de Maurice-Mathieu débouchent de Tudéla dans son dos, tandis que des cavaliers de Colbert qui poursuivaient O'Neil, débordent son flanc gauche. C'en est trop pour la division Espagnole qui cède à son tour après un baroud d'honneur. Vers 3 heures la défaite de la droite Espagnole est consommée et vient le temps de la poursuite, menée à fond par Lefebvre-Desnoëttes. Bien des fuyards sont sabrés et davantage encore capturés, mais le terrain, coupé de canaux et de talus, en sauve encore plus.

Lannes confie la poursuite de l'ennemi au maréchal Moncey avec toutes ses forces, à l'exception de la division Musnier qu'il envoie renforcer Digeon face à Cascante, en attendant la division Lagrange qui lui permettra de prendre l'offensive. Mais, dans l'intervalle, la division La Peña, enfin sortie de Cascante s'avançait sur Murchante. Toutefois, l'appartition d'un régiment de Musnier suffit à l'arrêter à hauteur d'Urzante, qu'il garnit de quelques bataillons avant de se replier, vers 5 heures du soir, avec le reste de ses forces, sur Cascante, constamment attaqué par Digeon sur son flanc.

Arrivée sur les hauteurs vers 4 heures et demie, la division Lagrange reçoit l'ordre d'attaquer par la droite Urzante vers 5 heures et demie, tandis que Musnier l'attaquera par la gauche. Vers 6 heures et demie, à la nuit tombée, le général Lagrange, en tête du 25e Léger pénètre dans Urzante et y est blessé tandis que le régiment enfonce les Espagnols. Ces derniers se replient vers Borja sans être poursuivis étant donné l'obscurité. La bataille de Tudela est terminée. Les Français ont perdu environ 700 tués et blessés et les Espagnols près de 3.000 et autant de prisonniers, 2 drapeaux et 26 canons.

Lannes a disposé de 32.000 hommes, dont 7.500 arrivés sur le tard -par sa faute-, et Castaños n'a engagé "que" 44.000 hommes sur les 66.000 qu'il aurait pu et dù mettre en ligne. Bien mieux qu'Espinosa pour bien moins cher ! Il reste que l'ennemi a pu s'enfuir. "Il est malheureux, Sire, que le corps du maréchal Ney ne se soit pas trouvé à portée de donner : il est probable qu'il n'eut pas échappé un homme de ces deux armées" écrit le maréchal... qui ajoute : "Comme... il n'y a plus de grands coups à frapper, M. le maréchal Moncey va diriger les mouvements ultérieurs." Révélateur.

Mais si Lannes ne pense qu'à détruire l'armée de Castaños, Moncey ne songe qu'à mettre le siège devant Zaragoza. Si bien, ou plutôt si mal, que le général Maurice-Mathieu qui mène la poursuite reçoit alternativement de ces deux maréchaux des ordres contradictoires... qui finissent par arrêter la poursuite au moment de ratrapper l'ennemi, après Bubierca. Mal informé, Ney qui aurait pu aussi faire beaucoup de mal aux Espagnols, laisse passer l'occasion. Bientôt les IIIe et VIe Corps se trouvent réunis à Zaragoza, ayant à la fois laissé fuir Castaños et trop tardé dans l'investissement de la ville.

... À suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 15 Nov 2016, 13:22

Tudela 1808, du moral des armées opposées...

Extrait du Balagny, "Campagne de Napoléon en Espagne" T2, Paris, 1903 (page 545).

"Les armées de réserve et du centre réunies auraient donc pu offrir la bataille aux Francais avec une cinquantaine de mille hommes. Mais cet effectif, quoique considérable, ne doit pas faire illusion sur la puissance des armées espagnoles dans la vallée de l'Ebre : elles comportaient une trop forte proportion de troupes de nouvelles levées, qui manquaient d'expérience et d'homogénéité, qui étaient médiocrement commandées, mal entretenues et encore plus mal habillées : les soldats de l'armée régulière et les troupes de Valence étaient à peu près bien vêtus, mais les Aragonais, les Castillans, les Murciens avaient à peine de quoi se couvrir et souffraient des intempéries ; dans ces conditions, dès que les froids avaient paru, la dysenterie avait fait des ravages parmi ces hommes peu protégés et d'ailleurs mal nourris ; le nombre des indisponibles était devenu considérable, et l'état sanitaire général se trouvait fort peu satisfaisant ; comme il arrive en pareil cas, l'état moral de l'armée s'en était ressenti : si l'on ajoute à cela les bruits de trahison qui commençaient déjà à circuler, par suite de l'énervement causé à des troupes trop jeunes par plusieurs semaines d'inaction ou de faux mouvements qu'elles ne comprenaient pas, il faut convenir que les Espagnols, malgré leur nombre, se trouvaient dans des conditions peu favorables pour disputer la victoire aux troupes du 3e corps électrisées par les succès de la fin du mois d'octobre et rendues confiantes par l'arrivée de l'Empereur."

Ces éléments viennent en appui des choix que j'ai faits dans l'élaboration des fiches de caractéristiques nationales établies pour "Tudela 2016 à Lyon". Voir aussi ce que je viens de préciser sur les tenues.

viewtopic.php?f=11&t=1610&p=11060#p11060

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 20 Nov 2016, 10:24

Ayant bien développé plus haut les dissentions entre les chefs français, il convient de dire qu'il en allait de même, sinon pire, dans le camp espagnol. Leur plus "grand" chef, Castaños, fût celui qui en souffrit le plus. Prudent avec raison, il était opposé au plan grandiose de Palafox qui comptait couper les communications françaises en prenant l'offensive par Pamplona. Le vainqueur de Bailen, lui, ne voulait pas attaquer sans savoir si Blake pourrait coopérer... et réciproquement ce dernier en faisait autant. La nouvelle de Zornoza (victoire de Lefebvre sur Blake) et le manque de vivres plaidèrent fortement pour la défensive.

Mais si Castaños, commandant l'Armée du Centre, envisageait toutes les hypothèses, y compris de se porter sur Madrid, Palafox, commandant l'Armée de Réserve, ne songeait qu'à défendre l'Aragon et sa capitale, Zaragoza. Dans ces conditions les "Consejos de Guerra" étaient aussi nécessaires qu'inutiles et houleux. Pourtant un accord était possible sur un "tronc commun" consistant à attaquer Moncey car Castaños devait éloigner le IIIe Corps afin de décrocher dans de bonnes conditions, et Palafox n'aurait pas dù s'opposer à une opération qui, chassant les Français de la vallée de l'Ebro, aidait Zaragoza !

Il le fit cependant de manière détournée en prévenant ses généraux contre son collègue tout en mettant leurs divisions à sa disposition. Au résultat O'Neil "traine les pieds" et réclame des vivres et des renforts avant de s'engager. Il les obtient mais, ayant ainsi "gagné" -ou perdu ?- plusieurs jours, il en demande davantage et Castaños qui n'en peut mais renonce car le moment est passé et la défensive s'impose derechef. A la décharge d'0'Neil, il me faut citer un extrait d'une correspondance adressée de Caparroso le 21 Novembre à ses deux chefs, qui lui écrivent (ensemble !), de les rejoindre à Tudela :

"...le capitaine-général de l'Aragon (Palafox), mon chef naturel, me dit de conserver ma position pour agir offensivement de ce côté, de ne rien changer, ... néanmoins je donne l'ordre à toute l'armée... de se tenir prête à partir... et je souhaite que vous vous mettiez d'accord pour me dire auxquels de vos ordres je dois obéir lorsque ces ordres sont contradictoires." Le 22 Novembre les divisions O'Neil, Roca et Saint-March se portent finalement sur Tudela mais restent sur la rive droite de l'Ebro au lieu d'occuper la ville et les hauteurs qui la dominent et commandent vers l'Ouest.

À suivre...

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)

Re: 1808, Espagne, la bataille de Tudela

Messagepar MANÉ Diégo sur 23 Nov 2016, 15:05

Malgré les représentations de Castaños ces troupes ne passent la rivière, sur l'ordre de Palafox, que le 23 au matin... trop tard pour empêcher les Français de s'installer sur le plateau, d'autant qu'une panique monstre a bien retardé les choses lorsqu'à l'aube un parti de cavalerie française est venu faire le coup de feu dans Tudela même. Pour couronner le tout Palafox, alors que ses hommes sont au contact de l'ennemi, part pour Zaragoza sans en avoir avisé Castaños, lequel se trouve hériter du commandement en chef de troupes qu'il ne connaît pas et déjà compromises par son prédécesseur.

Il doit donc parer au plus pressé pour gérer la crise que lui imposent d'emblée l'ennemi et la situation de ses divisions. Celles de l'Armée du Centre sont trop loin et il rappelle La Peña de Cascante et Grimarest de Tarazona pour tenter de fermer l'espace béant qui sépare les deux armées. Par chance les Français n'attaquent pas immédiatement le Santa Quiteria et le Cabezo Malla et, lorsqu'ils le font, la division O'Neil est en mesure de les contenir. Encore faut-il reitérer trois fois l'ordre à ce dernier avant qu'il s'y décide enfin, tandis que Saint-March mène personnellement deux bataillons à son aide.

La division Morlot est alors repoussée et Castaños, qui ne voit pas arriver la division La Peña, décide d'aller voir par lui-même ce qui la retarde. Il est parvenu vers San Juan de Colchetas lorsqu'un parti de cavalerie Française se jette sur son Etat-Major et l'oblige à se réfugier dans un bois d'oliviers d'où il ne sortira qu'emporté par le flot des fuyards nourri par la défaite de sa droite. On ne peut s'empêcher de trouver singulière la situation de ce général qui, un jour de bataille, se trouve obligé par les circonstances à commander l'armée d'un autre, et dans l'incapacité de commander la sienne !

La bataille de Tudela va consommer la séparation définitive des deux armées. Celle de Palafox ira droit à Zaragoza tandis que celle de Castaños se retirera vers Calatayud où elle s'arrêtera, épuisée, le 26. Ironie du sort, le général y reçoit de la Junte, le commandement en chef des deux armées... trop tard !
Le 29 Venegas livre un unique combat d'arrière-garde à Bubierca, et Castaños remet sur ordre son commandement à Cartaojal, qui est remplacé par La Peña le 1er décembre, qui le passera au Duque de l'Infantado le 8. Ce dernier atteindra Cuenca le 10 avec environ 10.000 "fantassins qui paraissaient plutôt des cadavres ambulants que des hommes disposés à défendre le sol national, et 1.500 chevaux complètement ruinés". Celà donne à penser ce qu'il serait advenu si on avait poursuivi cette "armée".

Diégo Mané
"Veritas Vincit"
MANÉ Diégo
 
Messages: 3892
Inscrit le: 31 Jan 2004, 09:12
Localisation: Lyon (69)


Retourner vers Histoire Militaire

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant actuellement ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 32 invités

cron