Triste comme un lundi froid et venteux, la "justice" révolutionnaire...
Mais elle passa... à coups de guillotines !
Voici les biographies des procureurs (dans le sens procurer) de Sanson !
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La commission militaire dite « Parein-Félix », exemple de justice révolutionnaire(Par Denis Bouttet, Mars 2021), suite et fin
Biographies Pierre Mathieu PAREIN du Mesnil (1755-1831)Alors qu’à la veille de la Révolution, il occupe un modeste emploi de copiste à Paris chez un avocat, il participe à la prise de la Bastille. Désigné Vainqueur de la Bastille (5), il entre dans la compagnie du même nom, qui deviendra le berceau de la 35ème division de gendarmerie. Talent d’écriture n’est pas talent d’écrivain, sa pièce de théâtre « La prise de la Bastille » n’aura aucun succès. Il sera un temps pamphlétaire avant de devenir commissaire du Comité exécutif provisoire (gouvernement provisoire après la prise des Tuileries). Il intègre le ministère de la guerre fin 1792 (chef des bureaux de la 4ème division chargée de l’inspection, la police et la justice militaire). En mai, il est nommé commissaire du pouvoir exécutif en Vendée. Le 10 juillet, il préside la commission militaire d’Angers. Le 2 octobre, il est nommé général de brigade à l’armée révolutionnaire de Paris (6) sous les ordres de Ronsin, nommé général de division pour l’occasion. Mais in fine, c’est à Lyon qu’il sera envoyé : il quitte la commission militaire le 4 octobre pour rejoindre celle de Lyon nouvellement créée le 9 (7). Là, il donne à son tour dans l’horreur. Proche de Vincent (secrétaire général du ministre de la guerre) et probablement de Momoro, il a le soutien de Ronsin et de Rossignol. Il poursuit une carrière militaire relativement chaotique jusqu’en 1800, date à laquelle il entre au service de Fouché jusqu’en 1802 où il se retire, du moins, officiellement (8).
Jean Baptiste Antoine Musquinet dit « de Saint Félix » (9)
(1744-1809)Fils d’un notable de Pontoise, c’est déjà un homme mûr lorsque débute la révolution. Acquis aux idées nouvelles (comme tant d’autres), il se fait remarquer en juillet 1789 : soi-disant mandaté pour approvisionner Paris en blé, il essaye de soulever les campagnes contre les autorités, les incitant à la violence, perquisitionnant et apposant des scellés sur les greniers. Désavoué par la Commune de Paris suite à ces «faits d’armes», il est arrêté en novembre. Envoyé à la Conciergerie, il en sortira blanchi en 1790, grâce à la pression populaire (10). Agitateur né, il reprendra du service pour exploiter la famine et pousser aux troubles (11). Arrêté pour fabrication de faux assignats avant le 10 août, il est libéré par la commune insurrectionnelle. On le retrouve peu de temps après dans une curieuse affaire (12) (13) étouffée à la demande de Danton. Bénéficiant sans doute de quelques soutiens (Danton, Pache, Hébert ?), il entre au ministère de la Guerre. On le retrouve en février 1793, adjoint du ministre Beurnonville, chef de la 6ème division (14) du ministère chargée des nominations, brevets et promotions. Il est écarté dans le ministère de Bouchotte, remplacé par Audouin (15), probablement plus compétent pour ce poste-clé. Membre de la Commune de Paris, il est volontaire et admis pour accompagner l’armée parisienne vers la Vendée. Commissaire du pouvoir exécutif, adjoint de Ronsin, en charge de l’approvisionnement de l’armée, il se fit remarquer tant et si bien qu’il fut emprisonné le 20 juin à Niort par les représentants en fonction, pour agitation (16). Renvoyé à Tours pour être jugé par la commission centrale, Ronsin l’affecte à la commission militaire de Sénar le 1er juillet, puis à celle de Parein le 13. L’homme n’oublie pas cependant de garder le contact avec ses amis de la Commune qu’il informe régulièrement (17). Le 4 octobre, il succède à Parein à la tête de la commission et va s’y « illustrer ». Alors qu’il est mis fin aux travaux de cette dernière commission, Bourbotte le nomme à la tête de la seconde commission de Noirmoutier alors qu’au même moment Robespierre les nomme, lui et Laporte (18), au tribunal révolutionnaire de Paris. Selon toute vraisemblance, il reste en Vendée. Après cet épisode, son parcours devient nettement plus flou. Comme Parein, il est mis en accusation dans la conjuration des égaux (19) et comme Parein, il sera acquitté. Ensuite, plus de traces. Il est probable qu’il finît sa vie comme maître de musique vocale.
Autres instancesLa Vendée s’étant soulevée, c’est autant d’ennemis, de brigands, de complicités coupables à soumettre au bras inflexible de la justice d’Etat. Il est donc aisé de comprendre la multiplication des tribunaux et autres commissions militaires. Mais on se contentera ici juste d’identifier les autres organes de justice qui ont opéré en lien direct avec l’Armée des côtes de la Rochelle.
Les commissionsL’objectif n’est pas ici de faire le décompte des peines prononcées par chacune d’entre elles (d’autres l’ont fait) mais d’illustrer leur foisonnement en lien direct avec les activités militaires. Ont donc également été organisées les commissions suivantes :
1ère commission militaire des Sables d’Olonne (avril 1793 à mai 1793),
commission militaire de Tours (1er juillet-16 juillet 1793), présidée par Sénar,
commission militaire de Niort (juillet 1793 à septembre 1794),
commission révolutionnaire de la Rochelle (septembre 1793-mars 1794),
2ème commission militaire des Sables d’Olonne (octobre 1793 à avril 1794),
commission militaire de Fontenay-le-Comte (11 décembre 1793-31 mars 1794 (20),
1ère commission révolutionnaire de Noirmoutier (5 mai 1794-14 juin 1794) jugée trop clémente par les représentants et dont les juges sont remplacés,
2ème commission révolutionnaire de Noirmoutier (15 juin 1794-7 décembre 1794) présidée par Felix et Laporte, Hudoux en tant que juge.
D’autres commissions militaires se tinrent le temps de quelques séances pour juger localement des prisonniers vendéens engorgeant les prisons d’une ville (Ancenis, Ingrande, Machecoul, etc...).
À noter qu’il y eut également des commissions militaires au sein de l’Armée des côtes de Brest (à Nantes notamment). La plus emblématique est celle dite « de Savenay » présidée par Bignon, créée à la suite de la bataille pour juger les nombreux prisonniers et faisant couler abondamment le sang.
Tribunal révolutionnaire de RochefortComme celui de Brest, ce tribunal a en charge de juger les manquements de la flotte et des troupes d’une Marine peu révolutionnaire (n’oublions pas qu’elle livre Toulon aux Anglo-Espagnols fin août 1793).
Comité de surveillance et révolutionnaire de SaumurCréé le 1er juillet 1793 par le représentant Bourbotte, composé de sept membres et un secrétaire, il assure un rôle d’instruction (le plus souvent sur la base de dénonciations).
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’homme influent de ce comité est son secrétaire (Urbain Lepetit, 18 ans, ancien canonnier au bataillon de l’Unité) et non son président (qui change tous les quinze jours). Pratiquement chaque jour, le secrétaire adresse son rapport au représentant en mission pour lui demander son approbation sur les dossiers.
Le comité a compétence sur tous les comités locaux du district (arrondissement aujourd’hui). Il assure non seulement des fonctions policières ou judiciaires (constatation des décès pour l’état civil) mais également de distributions de biens (vivres, bois, charbon, etc...), d’allocations de ressources aux familles patriotes, inspection des écoles, etc... Il assure donc un rôle particulier dans le durcissement opéré pendant la Terreur (recherche et arrestation des suspects, campagnes de déchristianisation, renforcement des mesures de sûreté). Face aux excès, un décret du 2 juillet 1794 prononce l’arrestation des membres du comité et sa traduction devant le tribunal révolutionnaire de Paris. Malgré, les acquittements prononcés, son élan révolutionnaire sera brisé et ses actions se feront plus modérées jusqu’à sa liquidation en février 1795.
Le comité sera installé avec le commandement militaire à l’Hotel Blancler à Saumur, face à la guillotine installée sur la place Bilange.
En guise de conclusionSi Parein, ancien officier de la garde nationale, était capitaine lors de sa prise de fonction à la tête de la commission militaire, il subsiste un doute, faute de preuve formelle, que Felix fut officier au 6ème bataillon de la formation d’Orléans.
Pour rappel, les bataillons de la formation d’Orléans ont été constitués (décret du 4 mai 1793) à partir de volontaires tirés des bataillons des armées du Nord et des Ardennes et complétés par des recrues locales. 15 bataillons ont été ainsi formés assez hâtivement en mai : le 23 mai, 10 étaient déjà formés et 8 avaient déjà pris la route pour Tours, 4 autres partirent avant le 28 mai et le dernier fut constitué le 3 juin.
Il est tout à fait possible que Felix ait pu être présent à Orléans lors de la formation des unités ou qu’il vint combler une vacance. Ne pas oublier qu’il a été pendant quelques semaines chef du bureau en charge des brevets et promotions…
Notes5) Pour information, il fut établi une liste officielle de 954 personnes pouvant être désignées comme «vainqueur de la Bastille».
6) Créée le 06 septembre 1793, cette armée « de 6000 hommes et 1200 canonniers » est destinée à protéger Paris des mouvements contre-révolutionnaires. Elle est composée à partir de la garde nationale de Paris, sous le contrôle des Hébertistes (ou exagérés).
7) Créée le même jour que la reddition de la ville par Collot d’Herbois, elle sévira sous les directives de Fouché et sera responsable des mitraillades des Brotteaux.
Dès son accession au pouvoir Bonaparte se méfie comme de la peste des anciens révolutionnaires, qui plus est fussent-ils généraux. Sans la protection de Fouché, sa carrière se serait terminée plus tôt. Aussi est-il pratiquement certain qu’il continue de servir Fouché après mais cette fois en tant qu’auxiliaire de police. Il en fut quitte pour être exilé de 1812 à 1814 à Caen sous étroite surveillance policière.
9) Les quatre frères de cette fratrie bourgeoise adoptèrent chacun un surnom différent. Ainsi, le cadet, Musquinet de Beaupré (1749-1813), général de brigade, fit carrière sous l’Empire et fut un proche de Davout. Un autre frère, Musquinet de Lapagne, maire d’Ingouville, faubourg du Havre, finira guillotiné peu de jours avant les Hébertistes.
10) Le peuple fait libérer les acteurs des émeutes des Barrières de Paris (5et 6 octobre 1789), son affaire étant assimilée à cette dernière, il est libre.
11) Il aurait payé un meunier pour l’engager à ne pas moudre, c’est dire.
12) Il se serait introduit le 13 août dans la tour du Temple en utilisant un faux et aurait à l’aide d’un géomètre été pris le 26 en train de faire des relevés. A quelle fin, mystère ? Mais c’est là qu’était enfermée le reste de la famille royale…
13) 14) Promotions et brevets de vétérans, nomination aux emplois, avancement et remplacement des officiers de tous grades, congés, reliefs et retraites, expédition des brevets de pensions, admission aux invalides, écoles militaires. Bref la direction du personnel du ministère.
15) François Xavier Audouin (1765-1837). Ancien secrétaire général du Ministre (bref le second) et gendre de Pache (Santerre et Hébert sont ses témoins de mariage), il aura un rôle déterminant dans l’épuration des cadres de l’armée.
16) Il arrive tout de même à soulever les sociétés populaires de la Rochelle et de Niort contre lui.
17) On retrouve au moins quatre citations de ces lettres dans le Moniteur (20 juin, 1er août, 6 septembre, 16 septembre)
18) cf. loi du 22 prairial an 2, article 3.
19) Menée par Gracchus Baboeuf, les égaux ou babouvistes sont arrêtés en mai 1796. Ils promeuvent une réforme radicale de la société (abandon de la propriété privée notamment) et programment de renverser le Directoire. Rossignol fait partie des condamnés à la déportation.
20) Il fut mis fin aux travaux de cette commission par les représentants lorsque celle-ci jugea et condamna un aide de camp (V. Goy-Martinière, capitaine au 3ème bataillon de la Haute Vienne) du général Huchet, commandant l’une des colonnes infernales. Le prévenu fut bien évidemment libéré et lavé de tout soupçon.
Sources principales Archives numérisées de la Vendée
La justice révolutionnaire, Beriat Saint-Prix, tome 1, 1870
Charlotte Robespierre et ses amis, Annales de la Révolution Française, n°165, septembre 1961
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Edit DM : pour ceux qui n'auraient pas compris ci-dessus, "bien évidemment libéré et lavé de tout soupçon", sous entendu d'être un mauvais patriote, alors que l'assassinat pur et simple (voire compliqué au préalable de viols, tortures, barbaries diverses et variées) de milliers de civils désarmés, femmes et enfants compris, était alors un certificat de bonne conduite républicaine. Conduite qui aujourd'hui relèverait du TPIV (Tribunal Pénal International pour la Vendée) au titre de crimes contre l'humanité !