par MANÉ Diégo sur 03 Déc 2022, 15:34
Étant encore, pour de misérables contingences "techniques", en retard pour mon "avant la bataille", je vous communique le rapport de Macdonald, l'ami Salvator ayant dégainé le premier !
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Bonjour Diego,
Même si le temps manque aujourd'hui pour beaucoup d'entre nous, je me suis tout de même attaché à faire le compte rendu de la bataille jouée depuis mon secteur. Je te remercie encore énormément pour ce que tu fais pour nous.
Bises
Salvator Scotto
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Le maréchal Macdonald, duc de Tarente,
Commandant le XIe corps d’armée
Sud de Bautzen, le 21 mai 1813, à 8 heures de relevée
Sire,
Voici le compte rendu de la victoire d’aujourd’hui.
Selon vos ordres, j’ai positionné le XIe corps d’infanterie au sud du champ de bataille entre le XIIe corps d’infanterie du maréchal Oudinot, représentant l’extrême droite de votre dispositif et le VIe corps d’infanterie du maréchal Marmont, posté lui, au centre de notre armée. Nous avons laissé volontairement, entre le VIe CA et le XIe CA un espace vide important dû au positionnement adverse. En effet, une formidable artillerie Russe, retranchée dans de nombreuses redoutes, barrait le passage de ce secteur capital pour leur défense. Afin de ne pas subir des pertes inutilement nous sommes restés hors de portées de ces nombreux canons. En arrière de cette zone fortement défensive russe, nous pouvions apercevoir au loin de nombreuses unités d’élite et de la Garde russe d’infanterie et de cavalerie lourde. Entre le corps d’armée du maréchal Marmont et le mien, se tenaient en retrait, votre Garde à cheval, votre Garde à pied ainsi que le Corps de cavalerie du général Latour Maubourg, tous prêts à intervenir rapidement au besoin.
Les XIe et XIIe CA sont arrivés sur une position russe très défensive. En effet, la typologie boisée du secteur avantageait fortement les défenseurs qui s’y trouvaient positionnés en masse et soutenus par plusieurs batteries ainsi qu’une très nombreuse cavalerie. La position ennemie, était aussi renforcée par trois redoutes construites en avant de leur dispositif, sur les axes de progression principaux, afin de nous ralentir. Derrière ces redoutes se trouvaient trois villages parfaitement alignés leurs servant, là encore, de points d’appuis défensifs très solides. Enfin, comme si cela ne suffisait pas, l’ensemble de la cavalerie légère de la Garde russe était posté en soutien de cette première ligne de bataille dont les intentions étaient très clairement défensives. Autant d’obstacles, qui laissaient transpirer la crainte que nous inspirions à nos adversaires sur cette aile, allaient ralentir notre progression.
Sachant que la bataille, en accord avec votre plan, se déciderait plus au nord avec l’arrivée sur le théâtre d’opération du maréchal Ney, notre objectif était surtout de maintenir une pression suffisamment forte et constante sur notre secteur afin de fixer le plus d’adversaires possibles, tout en limitant le nombre de nos pertes. C’est ce que nous nous sommes efforcés à réaliser durant cette journée qui restera gravée pour nos armes. Nous pouvons donc dire que les XIe et XIIe CA ont largement rempli leurs objectifs assignés car ils ont non seulement fixé l’ensemble des troupes précisées ci-dessus mais ont continué d’attirer, tout au long de la journée, sur ce secteur sud du champ de bataille, d’autres unités d’infanterie de grenadiers, de Garde, et d’artillerie ennemis qui ont cruellement manqué par la suite sur le centre russe enfoncé puis détruit. Tout ceci en maîtrisant nos pertes en vies humaines.
Voici le déroulement des opérations.
A peine arrivé sur le champ de bataille mon corps d’armée se positionna immédiatement le plus haut possible sur le terrain afin de s’emparer immédiatement des habitations laissées vacantes par les Russes. Ces points d’appui nous donneraient des avantages importants par la suite sur un plan offensif et défensif au cas où. L’ensemble de mes troupes était placé entre les villages de Reschen et Jenkwitz. Voici le déploiement initial du XIe CA :
À la jonction du XIIe CA sur ma droite, la 36e division d’infanterie du général Charpentier était postée devant Reschen et avait pour objectif de participer à la prise de la redoute qui faisait face au village et de pousser ensuite jusqu’au village de Bosa. Elle pouvait compter sur sa gauche avec l’appui de la 31e division d’infanterie du général Fressinet. La 35e division du général Gérard formait la gauche du corps d’armée, en position sur le village de Jenkwitz. Enfin, sur le flanc et en protection de l’infanterie, la division de cavalerie du général Doumerc.
Le terrain, comme expliqué, ne nous permettant pas nous lancer dans des manœuvres rapides, nous avons pris notre mal en patience et opéré de manière très méthodique. Pour cette raison, je me limiterai à commenter uniquement les actions décisives car l’ensemble de la ligne de bataille n’a que peu bougé pendant toute la journée malgré les nombreux engagements de part et d’autre.
Mon objectif fût de frapper le plus fort possible avec ma gauche, dès le début de la journée, les troupes russes positionnées sur le secteur du village de Jenkwitz. Cette zone, seule accessible à notre cavalerie, pouvait après notre percée, nous permettre de nous rabattre soit sur le centre russe soit sur la gauche russe alors isolée et que le maréchal Oudinot engageait vivement de face dans les bois. Pour atteindre cet objectif, nous nous sommes d’abord efforcés de réduire patiemment avec seize canons réunis, les deux batteries ennemies du secteur qui ont dû quitter, effectivement, la ligne de bataille pour ne pas être détruites. À cet instant, la ligne de bataille russe, fortement fragilisée par le départ de son artillerie et uniquement composée d’infanterie et de faibles cavaliers était mûre pour la récolte. Elle allait être engagée par les divisions des généraux Gérard et Doumerc qui s’étaient positionnées en conséquence.
La ligne de bataille ennemie, comme une chèvre au piquet, se préparait à disparaître sous l’attaque combinée de notre infanterie, de nos dragons et surtout soutenus par nos seize canons, quand subitement le centre russe réagit, sauvant la gauche de son armée. En effet, la batterie dans la redoute la plus près du village de Jenkwitz s’est, juste avant notre attaque, orientée pour pouvoir balayer le flanc de notre offensive. J’en profite ici, Votre Majesté, pour ouvrir une parenthèse, car je soupçonne nos ennemis de posséder aujourd’hui du matériel hautement sophistiqué telles des longues vues capables de voir à travers des villages tenus par des troupes adverses. Cette réaction salvatrice du génial officier d’artillerie russe, obligea à un ajustement obligatoire de nos troupes. Malheureusement pour nous, juste après, deux bataillons de grenadiers, un bataillon de Garde et trois batteries russes dont une de 12 £ de la Garde, sont arrivés sur la zone. Cette arrivée éclair et conséquente nous a privés d’une victoire décisive certaine sur le secteur. Mais elle nous a permis, en contre-partie, de remplir pleinement notre objectif, à savoir rameuter vers nous encore plus d’adversaires et surtout de qualité supérieure.
Sur le secteur du maréchal Oudinot, je soulignerai la superbe attaque menée par ses troupes juste avant le retour offensif du général russe posté en face de lui. Après plusieurs tentatives d’attaques françaises, nos soldats ont éprouvé le besoin de souffler. C’est à cet instant que le Russe en profita pour préparer une contre-attaque en masse. Cette préparation, montée avec un flanc non gardé, fût immédiatement attaquée par le XIIe CA, avant le passage à l’acte de l’ennemi. En un éclair, l’attaque française sortit du bois et fit disparaître de la zone l’ensemble de l’infanterie ennemie présente. Il ne restait à l’adversaire qu’un seul régiment des Garde Pavlovski dont les oreilles bourdonnaient toujours très fort après plusieurs replis subis. Heureusement pour eux, la Garde à cheval légère russe était là pour venir combler l’énorme trou ouvert par le XIIe corps. Celui-ci dût finalement revenir sur ses positions devant le nombre toujours trop important de troupes et en accord avec nos ordres de ne pas perdre des hommes inutilement. Mais encore une fois, la pression exercée par les troupes françaises sur le front sud du champ de bataille, ne laissa aucun répit à l’ennemi qui ne pût se séparer d’aucune de ses unités présentes… bien au contraire.
Enfin je finirai par un génial coup d’éclat qui restera gravé dans les annales de la cavalerie française. Alors que j’observai depuis ma position, l’attaque principale sur le centre russe par le corps du maréchal Marmont et des divisions de la Jeune Garde menées par le maréchal Mortier, qui mettaient à mal l’une après l’autre les nombreuses redoutes ennemies, le régiment à cheval italien du général Gérard réalisa un véritable exploit. L’infanterie russe d’élite et de Garde qui nous avait empêché de mener une attaque un peu plus tôt dans la journée, se repositionna cette fois-ci pour faire face à la terrible menace qui se dirigeait sur elle et disloquait méthodiquement son centre. Ce repositionnement amena le premier bataillon de grenadiers russes à présenter son flanc à notre cavalerie.
Le régiment de chasseurs italiens, formé à « L’Université Murat à Rome », passa à l’attaque immédiatement alors que le général Doumerc était encore en chemin pour justement lui en donner l’ordre. Même si ces braves fonçaient droit sur leur objectif, ils fonçaient également dans le champ de tir de la dernière batterie russe encore active dans une redoute. Mais, soutenus par le reste de la division Doumerc qui hurlait derrière eux, ils ne ralentirent point. Malgré un terrible feu d’artillerie, nos braves cavaliers italiens continuèrent sur leur lancée pour engager les grenadiers en défaut et complètement surpris par une telle audace.
On a beau être de l’élite ou de la Garde, la règle à la guerre est de toujours garder son flanc. Le choc fût si brutal pour le Russe en pleine tentative de changement de formation qu’il se retrouva en un instant poussé dans le bataillon de la Garde russe posté juste derrière lui et qui se croyait, lui aussi, à l’abri de tout danger. En un instant, ce fût le chaos pour ces troupes qui représentent la fine fleur de l’infanterie russe, mises cul par-dessus tête par notre cavalerie de ligne italienne. Un vrai régal pour les yeux, Votre Majesté, d’autant plus que la cavalerie n’avait pu réaliser la moindre action pendant cette journée sur un terrain verrouillé et propice à l’infanterie. Quel exploit mes aïeux pour ces cavaliers qui méritent médailles et gratitude de Votre Majesté. Ce fait d’armes rappelle à nos adversaires, en ces temps troublés, la valeur de la cavalerie française sur un champ de bataille. Nous avons alors assisté tranquillement et depuis nos positions à l’écrasement du centre russe par les troupes du Maréchal Mortier et du Maréchal Marmont.
La victoire est totale.
Le Maréchal Macdonald, commandant en chef le XIe corps d’armée.
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Puisse ce joli rapport en inspirer d'autres, qui prolongent en rapport (c'est le cas de le dire) le plaisir procuré par le week-end proprement dit.
Diégo Mané
"Veritas Vincit"