Les Deux-Siciles de la Révolution au retour partie I

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Les Deux-Siciles de la Révolution au retour partie I

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 13 Oct 2025, 16:02

Bonjour,
Ces ensembles reprennent la série d'articles supprimés suite à un surplus de vues anormales.

Nous verrons ici les forces et surtout les faiblesses du royaume des Deux-Siciles (la Sicile et la partie Napolitaine) avant, pendant et un peu après l'ère révolutionnaire et napoléonienne.
La source principale vient des ouvrages sur cette armée faite par Virgilo ILARI qui a analysé ce pays de 1700 à 1861, date de l'avalement du royaume par celui de Piémont-Sardaigne.

L’avant-Révolution
Le royaume de Naples et Sicile, appelé Des Deux-Siciles, était à la fin du XViIIe siècle un état qui n’attirait plus autant qu’avant pour sa culture, ses réformes mais qui restait une puissance certaine et avec une économie brillante. La dynastie des Bourbons-Sicile issue des Bourbons d’Espagne était beaucoup plus réformatrice, tant militairement qu’administrativement, que l’Espagne de Charles IV mais se heurtait souvent à un peuple encore très conservateur.

Lorsque la Révolution éclatait en France, la reine des Deux-Siciles, Marie-Caroline de Habsbourg, sœur de la reine de France, Marie-Antoinette, régnait avec son mari Ferdinand IV de Naples. Elle avait fait nommer en 1780 un italo-anglais, Giovanni Acton, ancien officier de la marine royale française, comme chef de l’armée. Il devenait en 1789 ministre d’état et faisait penchait le couple royal vers l’Angleterre. Il avait modernisé l’armée et surtout avait créé des écoles, dont la plus célèbre l’Académie Royale Militaire, qui en s’installant à la Nunziatella, en prendra le nom et reste encore de nos jours une des principales écoles militaires de l’armée italienne. Il avait aussi fait venir de l’étranger de nombreux officiers et sous-officiers dès 1786, en tant qu’instructeurs et organisateurs. Certains avaient une expérience de la guerre d’indépendance américaine et mettaient en place la notion de troupes légères. Les personnes chargées de superviser les réformes étaient le Suisse de Salis, maréchal de camp au service français, assisté de deux autres Suisses, de Gambs et de Burckardt, et du Suédois Rosenheim pour l’infanterie. Un Français, le brigadier Oreille, était chargé de la réorganisation de la cavalerie tandis qu'un autre Français, de Pommereul, élève du célèbre Gribeauval, se voyait confier les armes savantes, soit le génie et l’artillerie. Il est à noter qu’un certain sergent Augereau, futur maréchal de Napoléon, y fut soldat instructeur.

Leur travail fut important notamment mais deux obstacles vinrent ralentir l’effet de leurs réformes : le Roi s’opposait à la création d’un état-major général permanent empêchant de gérer l’armée sur le long terme. A cela s’ajoutait le conservatisme des élites, qui allait qu’en augmentant avec la dissolution de la Garde royale et du corps des Volontaires de la Marine. Ensuite, les intrigues de cour ralentissaient le travail de réformes. La seule arme qui n’était pas exposée à ses freins était, comme dans beaucoup de pays, l’artillerie et le génie.

En 1788, l’armée comptait 20 régiments d’infanterie, 8 de cavalerie de ligne (les dragons avaient été supprimés cette année-là) et deux régiments d’artillerie (qui fournissaient les officiers d’état-major) et une marine conséquente et bien instruite. L’armée comptait alors 57587 hommes en temps de paix et 61543 en temps de guerre. Le modèle était l’armée espagnole d’alors. C’était particulièrement visible pour les unités provinciales (120 compagnies) et la marine. Le vrai problème était cependant la logistique : le train n’était recruté qu’en cas de guerre, d’où de vraies difficultés surtout pour l’artillerie.
-Chaque régiment d’infanterie comptait deux bataillons de guerre à quatre compagnies de fusiliers et de deux drapeaux chacun et un troisième bataillon dit de réserve à deux compagnies. En sus chaque régiment a deux compagnies de grenadiers qui forment avec un autre régiment un bataillon. Chaque compagnie de fusiliers disposait de 12 chasseurs armés de carabines.
-Chaque régiment de cavalerie devait compter quatre escadrons et un de réserve. Chaque escadron se divise en deux pelotons. L’escadron de réserve est chargé de la formation des nouvelles recrues. Dans chaque peloton, il y a douze hommes chargés de la reconnaissance.
-La réorganisation de l’artillerie en 1788 mettait en place un corps royal d’artillerie complètement calqué sur le modèle français de l’époque. Ce corps était extrêmement bien encadré et tout tourné vers la formation de ses membres et à l’amélioration des matériels. Deux régiments (Re et Regina) composaient ce corps. Chacun disposait théoriquement de 20 compagnies dont deux de mineurs-sapeurs. Dans la réalité, chacun ne dépassait pas les 6 compagnies dont deux de mineurs-sapeurs. Cet écart était causé par l’importance accordé à la formation des officiers et sous-officiers. Cette arme disposait aussi d’arsenaux qui servait à la marine permettant de disposer de ses propres fonderies et constructeurs. Il important de noter que les artilleurs côtiers sont formés sur les mêmes bases techniques que l’artillerie de ligne.
A cela, il fallait rajouter des unités de régiments provinciaux issus des milices dans les trois armes chargées de garder les côtes et disposant d’un entraînement régulier et sous la direction d’officiers de l’armée en réserve. Ils étaient organisés comme les unités de lignes.
Même sans état-major général, l’armée disposait de matériel de qualité fait sur place et l’artillerie voyait son nouveau système d’arme type Gribeauval (y compris les fonderies) diffusé.

Cependant malgré de nombreux efforts, le plein effectif n’était jamais atteint tant en raison de difficultés de recrutements (manque de personnel, paiement de taxe pour remplacer le service…) que de capacité à gérer les effectifs. L’infanterie était plus faible en effectif et la cavalerie n’était qu’à moitié de l’effectif théorique, suite à la difficulté de trouver des chevaux de bataille.

La marine napolitaine était une des plus importante de l’Europe du Sud et surtout disposait de grandes qualités d’entraînement et en matériel, même si elle n’a pas combattu en masse. Elle disposait de solides bases et d’arsenaux de hauts niveaux. Elle était vue comme la gardienne de la Méditerranée contre les Ottomans et les Barbaresques. Elle disposait, en 1788, de 39 navires (4 navires deux-ponts, 6 frégates, 12 chebecs et le reste en plus petits navires) d’un corps de marins et d’un régiment d’infanterie de marine.
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Re: Les Deux-Siciles de la Révolution au retour partie I

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 13 Oct 2025, 16:19

L’impact révolutionnaire
La Révolution française et ses premiers éclats avait pour conséquences le départ des Suisses et de très nombreux français, mais aussi le lancement de programmes d’armement dont en particulier l’équipement complet de 12000 miliciens et de la construction de défenses côtières et de navires. L’armée restait cependant loin de France. L’incursion dans la baie de Naples de l’escadre française de l’amiral La Touche en décembre 1792 provoquait uniquement une réaction politique et un ressentiment anti-français fort. Le gouvernement napolitain ne réagit pas militairement car la reine Marie-Caroline voulait absolument éviter des représailles sur sa sœur. Mais en juillet 1793, les Napolitains s’engagent dans la Première Coalition au côté de l’Autriche en raison de l’exécution du roi Louis XVI et des retours sur la future exécution de Marie-Antoinette. Aussitôt, un nouveau chef de l’armée est nommé : le maréchal autrichien Von Zehender.

La première intervention de l’armée était à Toulon au sein d’une coalition et se compose d’un corps expéditionnaire d’infanterie et d’artillerie sur des navires napolitains. Mais la première marque du manque de structuration de l’armée apparaît : les déficiences organisationnelles font qu’aucune unité organique au-dessus du bataillon ou de la batterie ne peut être convoyée. Par contre l’armée montre une grande qualité des soldats, des officiers et de l’artillerie. Dans cette bataille de deux mois (entre octobre et décembre 1793), les Napolitains perdirent 200 tués ou blessés et 400 prisonniers.

La contribution napolitaine à la Première coalition était l’envoi sur la frontière de cinq régiments d’infanterie et de six escadrons pendant plus d’un an. Chaque régiment de cavalerie était sur le pied de guerre avec deux escadrons de guerre et un de réserve resté en garnison. Ce fut ces troupes qui allaient en 1795 vers le Nord par bateau par Livourne puis Lodi. D’ailleurs, tous les officiers supérieurs futurs de l’armée des Bourbons et de Murat étaient présents dans les engagements durant les deux années qui allaient suivre. La cavalerie était engagée en Ligurie. Dans le même temps, les unités provinciales se militarisaient alors que de nouvelles unités de milices apparaissaient (urbaines autour de Naples et provinciales ailleurs).
Suite à l’offensive de Bonaparte et la capitulation sarde, les Napolitains levaient 16 000 hommes dans toutes les couches de la population. Les problèmes financiers sont très importants obligeaient le recrutement dans l’armée de condamnés contre des réductions de peine.

Dans les capitales, Palerme et Naples, par contre, il n’y avait de nombreuses conspirations jacobines liées à des intrigues royalistes. Cela amenait le Roi à dissoudre la garde royale, unité très infiltrée par les nouvelles idées pas du tout compatibles avec celles prônées par le Roi mais surtout la Reine.

L’année 1796 voyait seulement la brigade de cavalerie (Re, Regina et Principe) être engagée à la suite des Autrichiens. Elle allait se montrer très brillante, sauvant par exemple le général Baulieu de la capture à Valenza, puis elle repoussait les Français à Plaisance lors du franchissement du Pô et même y provoqueront la mort du général La Harpe. A Lodi, les Napolitains perdaient 271 hommes du régiment « Principe » en bloquant la poursuite française sauvant ainsi les Autrichiens. Le régiment « Re » fera la même chose le 12 mai sur le Mincio, aidé par un nouveau régiment, « Napoli ».
Lors de l’armistice avec les Autrichiens, Bonaparte réussissait à séparer les Napolitains par l’armistice de Brescia et à les faire rentrer chez eux, même si le retour se fit après un internement chez les Vénitiens.

Pour tout le monde, cet armistice était en fait une simple trêve. Cela se manifestait en particulier par la levée de nouvelles troupes mais surtout par des changements d’organisations en juin 1796 :
-Une sixième compagnie composée de chasseurs était agrégée à chaque bataillon. Ce sont à la base des volontaires.
-Dans les 20 régiments en place, l’équivalent de 60 bataillons de volontaires issus des régiments provinciaux étaient intégrés dans les compagnies du centre des régiments d’infanterie.
-Le train d’artillerie était militarisé ainsi que les hôpitaux de l’armée. L’artillerie intégrait des miliciens du corps des artilleurs côtiers pour former quatre compagnies d’artillerie auxiliaire. Elles étaient destinées à former les batteries régimentaires.
-Les unités de cavalerie disposaient d’unités de carabiniers chargés de faire la reconnaissance.
-Création d’un corps de vélites à pied et à cheval à partir d’effectif de volontaires nobles et rattacher à la garde.
-Création d’un corps de pontonniers
-Un corps albanais était créé avec des éléments balkaniques.et ioniens et des populations d’origine albanaise de la côte adriatique.
-Six régiments de chasseurs sont créés.

La réquisition de 2400 chevaux et de nombreuses armes personnelles redonnait des moyens à l’armée. Cependant une épidémie de peste frappait le pays au début de 1797 alors que les Français entraient dans Rome et y proclamait la République.
En 1798, alors que les tensions avec la France augmentaient, le nouveau commandant napolitain était nommé : le général autrichien Mack., mais il n’apparait qu’en Octobre. En juillet 1798, le premier règlement militaire napolitain est mis en place pour chaque arme alors que les Français prennent Malte. Cependant, le roi de Naples et de Sicile n’esquisse que l’ébauche de la constitution d’un état-major sous le général Parisi. Le vrai problème était que les membres de cet état-major n'avaient aucune expérience de la guerre car ce sont des instructeurs. Le Roi faisait lever aussi des unités de volontaires de montagnes et un corps mixte de protection de l’état-major.

Avec ces tensions, de nouvelles levées étaient faites et chaque bataillon se voyait attribuer une compagnie de chasseurs volontaires supplémentaires et des compagnies de milices. Les compagnies de grenadiers sont regroupées en bataillon.
Le 23 novembre 1798, 50 000 napolitains se lancent contre 15 000 franco-italo-romains. Cependant les 2/3 des napolitains sont peu formés et manquent de cadres, sauf dans l’artillerie et la cavalerie. Le moral napolitain s’effondra rapidement pour des raisons logistiques en premier lieu. L’impact de nombreux jacobins, qui faisaient tout pour faire croire qu’un gouvernement révolutionnaire serait mieux, n’est pas non plus à négliger.
Le 28 novembre l’armée lancée en trois colonnes voyait la colonne centrale battue à Terni, puis à Porto di Fermo entraînant la déroute et la dispersion de l’armée. Dans ces batailles, seule la cavalerie et l’artillerie se battirent réellement mais étaient emportées par les déroutes des autres armes. Les Napolitains se repliaient alors sur Naples, mais la déroute avait pris une telle ampleur que les forteresses sensées garder l’état napolitain se rendaient les unes après les autres. Les Français du général Championnet entraient dans Naples le 23 janvier 1799 et proclamait la République. Pour protéger sa fuite avec quelques troupes, le Roi Ferdinand faisait brûler la moitié de la flotte.

Malgré le ralliement de nombreux nobles, la révolte éclatait surtout chez les habitants pauvres de Naples, les « Lazzari », et dans les montagnes, nommés les « Massistes ». La première était écrasée mais l’autre, prenait une ampleur considérable. Elle finissait en juin 1799, sous la direction du cardinal Ruffo par chasser les Français de tout le territoire napolitain et permettait le retour du couple royal.
En Sicile, pendant ce temps, le Roi réorganisait sa petite armée sicilienne : les unités d’infanterie passaient à trois régiments de trois bataillons de 8 compagnies de fusiliers et deux de grenadiers et trois régiments de cavalerie à quatre escadrons. L’artillerie formait théoriquement 17 compagnies de 72 hommes, dont une d’artisans. Il réussit à construire 6 frégates et onze navires de supports en quelques mois, grâce aux très bons arsenaux maritimes et aux fonderies siciliennes. Il était aussi financièrement aidé par le Trésor britannique
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