par MANÉ Diégo sur 29 Sep 2015, 10:20
Bonaparte ? Il suffisait de demander !
Mais avant la bonne fin commençons par le fin début !
Bonaparte entre en lice
Le 7 septembre le poste de commandant de l’artillerie de l’armée de Carteaux est vacant.
Les Représentants du Peuple sont à la recherche d’un «candidat» présentant les qualités requises, soit d’abord et avant tout un profil politique irréprochable, et si possible un bon CV militaire. Or les officiers d’artillerie, l’arme savante, ne courent pas les rues à l’époque, car le simple courage où le solide jacobinisme ne suffisent pas à faire un bon artilleur. L’opportunisme en revanche peut s’avérer décisif.
Un certain capitaine Bonaparte, alors chargé d’escorter des convois de vivres apprend qu’une place est à saisir. Il n’hésite pas à se présenter impromptu un soir aux représentants réunis dans une auberge de Beausset. Il leur soumet son pamphlet «Le souper de Beaucaire», qu’il a rédigé sur l’emploi de l’artillerie au «siège» de Marseille, parlant de sa sympathie pour les Jacobins et de son mépris pour les Monarchistes.
Le représentant Salicetti est impressionné par l’ardeur de Bonaparte et, bien qu’il existât d’autres officiers disponibles et surtout plus expérimentés que lui, aucun ne présentait d’aussi bonnes dispositions politiques. Il semble aussi que le représentant, Corse comme le candidat, ce qui ne gâte rien, connaissait la compromission de la famille Bonaparte en faveur de la République et contre l’indépendance de la Corse... La rumeur enfin courut qu’il éprouvait de l’attirance pour la soeur du capitaine, Caroline...
Quoi qu’il en soit les représentants, après un court aparté, informent Bonaparte que dès le lendemain il devra se présenter à Carteaux en son QG de Ollioules, en tant que commandant intérimaire de son artillerie, en vertu des pouvoirs écrits qu’ils lui donnent.
Ayant quitté la taverne à l’aube, le diligent officier inspecte les batteries républicaines positionnées à l’ouest de Toulon, trouvant leurs emplacements très défectueux, sans doute par manque d’un chef à l’arme, comme aussi le mépris dans lequel la tient le général Carteaux qui compte enlever la ville par un assaut massif sans perdre du temps à une quelconque préparation d’artillerie qu’il juge inutile.
A midi le capitaine se présente au général, lui faisant part du résultat de son inspection matinale, et lui suggérant de bombarder la flotte alliée avant d’attaquer; plus tard il grossira le trait en disant que le général ne connaissait rien à l’artillerie et qu’il dût lui faire une sorte de cours didactique pour lui faire comprendre son utilité. En réalité le général en chef laisse faire son capitaine d’artillerie car il lui a été imposé par Salicetti, qu’il craint, et parce-qu’il n’a rien à perdre dans l’affaire.
Le jeune officier se plonge aussitôt au travail, déployant ses vastes connaissances en artillerie, et surtout donnant libre cours à ses talents innés de planification, commandement et organisation, avec la ferme détermination de gagner le respect de ses protecteurs afin qu’ils le confirment dans son poste, car pour lors il n’est qu’un intérimaire, ayant sous ses ordres 300 artilleurs avec 24 pièces légères, 100 animaux de trait et des chariots de transport.
Bonaparte trouve un emplacement adéquat pour une batterie lourde sur les hauteurs de Brégaillon, à l’ouest de Toulon, d’où il pourrait bombarder les navires alliés. Il ordonne à ses hommes d’y transporter les canons lourds de deux forts côtiers, outre les matériels nécessaires pour les monter et les ravitailler en munitions bien qu’il y ait peu de poudre. Les travaux de retranchement et d’accès de la batterie demandent 48 heures de travail.
Le 18 septembre au lever du soleil, Bonaparte invite les représentants à inspecter sa batterie de 5 pièces, toutes sur leur incommode affût naval. Les représentants Fréron et Salicetti répondent à l’invitation et assistent avec plaisir le commencement du bombardement sur l’"Aurore", frégate française manoeuvrée par un équipage anglais, qui se trouve presque hors de portée de la batterie, à quelques 1500 mètres; après quelques tirs la poudre disponible fut épuisée.
Les représentants quittèrent contents la batterie, emportés par l’optimisme contagieux de leur nouveau commandant de l’artillerie qui, avec cette action bien vue et entendue de tous, a permis de relever le moral du reste de l’armée républicaine. L’efficacité du bombardement fut nulle, les boulets ne touchèrent pas la frégate ennemie, tandis que les marins espagnols du reste de la flotte contemplaient avec ennui les sporadiques «plouf» produits par les projectiles s’enfonçant, inutiles, dans les eaux du port.
Bonaparte conserve cependant la bienveillance des Jacobins, qui le considèrent actif et exemplaire, gagnant ainsi le temps de leur prouver sa compétence comme artilleur. Durant les semaines suivantes il déploiera de nouvelles batteries à même de menacer les Alliés.
... à suivre...
Diégo Mané
"Veritas Vincit"