Histoire de mariages d'Empire

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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Histoire de mariages d'Empire

Messagepar BEYER Olivier sur 07 Sep 2010, 20:40

Petite histoire judicio-militaire (1ère partie) concernant les histoires de droit du mariage particulier aux militaires en campagne:
La jurisprudence est aussitôt sollicitée pour traiter de la validité du mariage des militaires célébrés avant la promulgation du code civil.
En l’espèce, il s’agit d’un mariage entre un militaire français et une napolitaine célébré devant le curé de Troni, au Royaume de Naples, le 2 janvier 1805, époque où le code n’est pas applicable à ce pays.
De cette union , naît une fille. Le militaire, le sieur Delanaye, meurt à l’hôpital militaire et son décès enregistré selon les formes de l’art. 88 C. civ. En 1815, informée du décès de son mari, la dame Paola Mazzoni se rend dans sa belle famille, à Versailles, afin de réclamer à l’encontre du frère du militaire l’héritage auquel sa fille a droit. Selon le frère du de cujus, selon l’art. 191 C. civ., l’acte de mariage est nul car doit être contracté devant le quartier-maître. Cet article dispose en effet que tout mariage qui n’a pas été contracté devant l’officier d’état civil compétent, en l’espèce le quartier-maître, peut être attaqué par ceux qui y ont un intérêt actuel et né, en l’occurrence, le frère du militaire décédé. Selon la veuve, la mariage a été réitéré devant le quartier maître. Elle a d’ailleurs en sa possession un acte de notoriété ainsi qu’un certificat de l’officier d’état civil. Cependant, les registres d’état civil sont muets.
Le tribunal de première instance de Versailles, dans son jugement du 17 juil. 1818, décide que le mariage et le droit des gens sont confrontés aux usages du pays. Le royaume de Naples est à cette époque soumises aux anciennes lois, donc un mariage célébré devant un curé de l’un des deux poux, conformément à la loi napolitaine ancienne, est parfaitement valable.
Merlin note que la législation n’a pas consacré cette opinion : là où est le drapeaux là est la France. Zn l’espèce, il y a une large suffisance de preuve de la célébration du mariage par le quartier-maître : l’attestation d’un grand nombre d’officiers, celle du quartier-maître suffisent largement à déclarer la fille de Mazzoni comme étant légitime et le militaire qualifié d’époux de la demoiselle Mazzoni.
La cour se fonde sur l’art. 165 C. civ. qui dispose que « le mariage sera célébré publiquement, devant l’officier d’état civil de l’un des deux époux ». Cet arrêt ne juge rien d’autre si ce n’est que, quand un militaire français est en campagne dans un pays étranger même s’il n’est jamais censé être à l’étranger (là où est le drapeau, là est la France). Il épouse une fille de ce pays, il n’est pas absolument nécessaire que ce mariage soit célébré dans les formes voulues par l’art. 89 C. civ. Il peut donc être célébré devant le curé local qui est l’officier d’état civil compétent pour célébrer ce type de cérémonie selon les lois du pays, en l’espèce, la loi du royaume de Naples.
Pour Merlin, ce serait abuser de cet arrêt que de présenter ce jugement comme étant un jugement acceptant qu’un militaire puisse épouser devant un officier d’état civil autre que le quartier-maître, conformément à l’art. 89 C. civ. Le mariage est valable uniquement, en vertu de la règle locus regis, parce que la future épouse est napolitaine et que le militaire se trouve sur le territoire napolitain au moment de la célébration du mariage .
Il est d’un cas assez peu commun et intéressant à aborder, celui de la validité ou non des mariages contractés sous la Révolution et l’Empire pour échapper à la conscription, Sous la Révolution et le Premier Empire, des hommes se sont mariés uniquement pour échapper à la conscription. Par lâcheté, des hommes sont prêts à se marier avec n’importe qui pour échapper à la conscription, les exemples les plus ubuesques sont légions : De jeunes hommes épousent des femmes de quatre-vingts ans , voire quatre-vingt-dix ans ou des femmes d’un cinquantaine d’années que leur état physique ou mental avait contrait à rester célibataire, pensant qu’une fois la paix revenue, il divorceraient de ces femmes qui ne leur sont pas destinés. Ces couples sont mal assortis : des jeunes gens avec des septuagénaires ou des octogénaires, des folles ou des épileptiques, des filles encore chez leurs parents mais mariées officiellement avec leur voisin. La Restauration ayant aboli le divorce les unit pour toujours, rendant ces faux-vrais mariages indissolubles, sauf la mort de l’un d’entre eux. Une cinquantaine de pétitions sont lancées entre 1814 et 1820 afin de faire dissoudre ces mariage certes légaux mais fictifs . Il est reconnu par les historiens que le nombre des mariages augmentent avec les levées de la conscription, en particulier lors des campagnes d’Allemagne de 1813. Le mariage est une forme légale d’échappatoire à l’incorporation. La paix générale revenue, un grand nombre de famille, désireuses de faire annuler le mariage fictif en invoquant « un grand nombre de malheureux » , « une infinité d’époux » . Or, l’Empire a compliqué le divorce et la Restauration l’ abolit en entier, en mai 1816. L’annulation n’est pas plus possible excepté en ce qui concerne le mariages religieux, ce qui n’est pas le cas, la plupart des mariages étant de nature civile. Vela peur engendrer des situations inextricables. Par exemple, un cultivateur de Pas de Calais veut épouser une jeune femme de son pays, en 1815. Seulement, en 1799, alors qu’il a 19 ans, afin d’échapper à la conscription, il épouse une femme de soixante seize ans vivant dans la même commune. Il n’ y a jamais eu de communauté de vie et la femme décède en décembre 1812. La jeune femme qu’il veut épouser en 1815 se révèle être la petite fille de la femme que l’homme a épousée par lâcheté en 1799, donc sa propre petite fille par alliance ! Cela rend évidemment impossible le mariage puisqu’il existe entre eux une descendance directe. En effet, l’art. 163 C. civ. prohibe le mariage entre parents en ligne directe, légitimes ou naturels, les alliés de la même ligne. On peut ajouter qu’une jurisprudence beaucoup plus tardive précise, pour l’éclairage de notre problématique, que cette prohibition ne cesse pas par le décès du conjoint . Beaucoup de requérants s’adressent donc au Gouvernement en espérant une compassion pour ceux qui n’ont pas voulu suivre les appétits de l’ogre corse.
On s'aperçoit que les circonstances particulières des conditions juridiques influent de manière certaine sur le destin des femmes que les militaires ont épousée à l'étranger.
BEYER Olivier
 

Re: Histoire de mariages d'Empire 2ème partie

Messagepar BEYER Olivier sur 07 Sep 2010, 20:47

Voici une espèce très particulière, celle d'un général ayant épousé une "fille du pays" et revenu avec en France. Celle-ci est accueillie comme une fille, puis à la mort du général (Faultrier, il existe un arrêt similaire avec le général d'Estaing) à Nordlingen, elle est rejetée (elle a une fille supposée commune avec le général de cujus[i], donc la belle famille a tout intérêt à contester la validité du mariage qui donnerait l'entière succession du général à sa fille, sauf si le mariage n'est pas reconnu, car il n' y pas de service d'état civil en Egypte. Voici donc cette petite histoire, les arguments de la belle famille devant la Cour de cassation sont pour le moins originaux:
« Boire, manger, coucher ensemble, c’est mariage ce me semble. Mais il faut que l’église y passe » . Selon cet adage, on peut considérer un couple comme étant marié en se basant sur la possession d’état. Cependant, l’idéal est un acte d’état civil rédigé en bonne et due forme, conformément à l’art. 88 C. civ, par le quartier-maître. Pourtant, comme nous l’avons déjà vu, la preuve de la célébration du mariage n’est pas aisée, surtout pour un militaire en campagne et lorsque le pays où se trouve le militaire ne possède pas de système d’état civil (nous sommes avant la promulgation du code civil).
Dans la première espèce, le générale Faultrier, durant la campagne d’Egypte, se marie avec une géorgienne, Marie David, dite Néphis et la ramène en France. Le général meurt le 7 novembre 1805 à Nördlingen. La famille du général rejette aussitôt Marie David et lui conteste sa qualité d’épouse, et donc ses droits successoraux. La veuve, pour se défendre, invoque le fait que le général résidait à Gizeh, près du Caire, sur le Nil, quand le mariage a été célébré par un prélat nommé Andris ; le commandant de Gizeh, un colonel et un capitaine d’artillerie sont les témoins du mariage. L’acte dressé, signé du général, des témoins de l’évêque et sous-marqué par Marie David est remis au général par l’évêque.
Dans sa correspondance, le général fait part de son mariage à sa famille. Marie David, lorsqu’elle accompagne le général de retour en France, est reçue sous le nom de Madame Faultrier. Elle ajoute que l’acte de mariage doit se trouver dans les effets du général qui ont été appréhendés par sa famille, ce qui est évidemment nié par celle-ci. Marie David termine en disant que l’acte de mariage n’a pas pu être inscrit sur les registres publics car en Egypte l’usage veut que l’on ne tienne pas de registre d’état civil. Néanmoins, elle propose de donner d’autres preuves de sa bonne foi.
Les héritiers de Faultrier rétorquent que la possession d’état, en principe, ne peut jamais tenir lieu d’acte de mariage. Puisque Marie David ne possède pas cet acte, elle ne peut pas être admise à la preuve de la possession d’état. De plus, si cet acte avait réellement existé, il aurait dû être inscrit sur les registres établis en Egypte conformément à deux ordres du jour du Général en chef qui exige que les commissaires des guerres soient les personnes compétentes pour recevoir les actes d’état civil concernant l’armée et les personnes qui en font partie.
Les héritiers produisent plusieurs certificats par lesquels ils veulent prouver que Marie David était en fait esclave à Teflis chez une musulmane dénommée Néphis et qu’elle a été achetée par le général pour le prix de 180 piastres d’Espagne, chose évidemment contestées par Marie David qui dit avoir été reçue comme la fille adoptive de Néphis.
Le 23 juin 1807, un jugement accueille les prétention de la demanderesse et condamne les héritiers.
Ces derniers interjettent aussitôt appel du jugement et un arrêt est rendu le 25 février 1808 par la cour de Metz. Celle-ci considère qu’avant d’admettre la preuve du mariage, quel que soit le mode, il faut d’abord s’assurer de l’existence de registres pour recevoir les actes de mariage. S’il y a impossibilité de produire ces actes, on peut examiner quels sont les autre modes de preuves qui peuvent suppléer aux actes d’état civil. La cour estime qu’il a été jugé plus d’une fois que la possession du mariage, jusqu’à la bonne foi du mariage, jointe à la bonne foi des époux, suffisent pour en justifier l’existence, même si aucun registre n’est tenu.
Afin d’étayer son argumentation, la cour de Metz se base sur la jurisprudence de l’Ancien droit. Une sentence des requêtes maintient la possession d’état à la veuve dénommée Dohin. Cette sentence est confirmée par l’arrêt du 7 janvier 1676, selon les vœux de l’avocat général Omer Talon .
Soïlve, dans son recueil, rapporte que l’acte de célébration du mariage de cette veuve n’apparait pas dans les registres de la paroisse dans laquelle elle prétend s’être mariée. La veuve produit malgré tout un contrat de mariage, passé en présence de sa mère et de la mère du de cujus, son père étant décédé. De surcroît, une grande quantité d’actes publics dont une attestation du vicaire de Metz de la paroisse démontre que le mariage a bien été célébré en 1634. Mais selon l’arrêtiste, l’élément essentiel est la possession d’état en laquelle Dohin et sa veuve ont été si longtemps en la qualité d’époux, au vu et au su de tous ceux qui les connaissaient. Surtout, il fait remarquer que Dohin, homme d’honneur, n’aurait jamais vécu aussi longtemps dans le concubinage, ce qui rend le mariage valable.
Dans un autre arrêt, du 24 mai 1633, le parlement de Paris reconnaît le titre de veuve à la femme d’un dénommé Papillon. Selon l’Avocat Général Bignon, un mariage nul est bon et valable, quant aux effets civils, parce qu’à cet égard, la bonne foi la laisse subsister. En l’espèce, le mari a tenu la femme pour sienne, il a témoigné d’une volonté précise de solenniser le mariage en la meilleure forme que l’on puisse désirer. Ce n’est que son décès qui l’a empêché de la probable possibilité de célébrer un nouveau mariage dans les formes requises par le droit.
Dans les discours préliminaire du code civil la preuve la plus légitime dans les questions d’état est extraite des registres publics. Il n’est pas juste que la négligence des parents, le manquement de ceux qui conservent les registres et les aleas de la vie puissent empêcher une personne à prouver son état. Il est donc de l’équité de la loi d’accorder un autre moyen de preuve, par exemple des documents domestiques, des lettres,… qui peuvent constituer un commencement de preuve par écrit, afin de faire admettre la preuve par témoins.
Portalis, lorsqu’il présente le titre V du code civil, relatif au mariage, dit que « nul ne pouvait en réclamer les effets civils, ou le titre d’époux, s’il ne présentait pas un acte de célébration inscrit sur les registres d’état civils ». De plus, il ajoute qu’il faut distinguer la laquelle les époux sont vivants de celle dans laquelle les époux sont morts. Il suffit qu’un seul des époux soit dans la bonne foi pour qu’il puisse réclamer les effets civils du mariage.
Concernant l’affaire Faultrier, le général, cela est certain et évident, a informé sa famille de son mariage.
Dans un de ses registres domestiques, le 25 frimaire an X (15 décembre 1801, il écrit de Marseille à sa mère et l’informe qu’il a épousé il y a environ un an une géorgienne dénommée Marie David, âgée de vingt ans. Seconde lettre à sa mère, datée du 7 avril 1805, il part pour Metz avec sa femme et un domestique. Dans une autre lettre du 5 floréal an X, il demande à sa mère d’acheter du bois pour le ménage de sa femme. Dans sa correspondance du 7 avril 1805, sa mère lui répond qu’elle accuse réception de ses courriers, qu’elle se dit reconnaissante des vœux qu’elle forme et conclut sa lettre ainsi : « Je suis, ma chère fille, avec un véritable attachement, votre affectionnées mère. Signé, Fort Faultrier ».
Le général entretient ainsi avec son épouse une correspondance suivie et régulière entre l’an X et l’an XIII qu’il envoie à l’adresse suivante : » Madame Faultrier la jeune ». D’ailleurs, dans une lettre du 1er nivôse an XIII, il demande à Marie David de signer son courrier « Madame Faultrier ». Toute une série de correspondances du général à sa femme parle des recommandations envers sa famille, de la reconnaissance qu’elle doit avoir parce que sa mère lui a donné un appartement, lui demande de bien savoir ce qu’une bonne femme de ménage doit savoir pour la bonne tenue d’une maison, …
L’arrêt du 8 juin 1809, rendu par la Cour de Cassation, décide que pendant la période précédant le code civil, un militaire français en campagne dans un pays étranger conquis peut contracter un mariage avec une femme du pays en observant uniquement les loi ou les usages locaux. La preuve de mariage peut être alors admise par titre ou témoins., or l’Egypte ne tient pas de registres.
La Cour juge également que la possession d’état d’épouse légitime est valable pour la veuve afin de lui faire obtenir la pension alimentaire sur la succession du mari .
Cet arrêt est confirmé par un autre arrêt du 7 septembre 1809 dans l’affaire du général d’Estaing . Elle décide la même chose que l’année précédente, à savoir que les mariages célébrés avant le code civil et non soumis à l’ordonnance civile de 1667, en son titre 20 peuvent être prouvés par témoins, même si aucun acte n’est dressé et qu’aucun registre n’est tenu. Un mariage célébré en temps de guerre dans le Piémont, en présence de l’ennemi, par un aumônier militaire, sur le champs de bataille est par conséquent valable .
BEYER Olivier
 

Re: Histoire de mariages d'Empire 2ème partie

Messagepar BEYER Olivier sur 07 Sep 2010, 20:55

Voici à présent le cas où certains jeunes gens ne voulaient pas partir à l'armée, leur "combine" était de se marier...
La Restauration ou l’impossibilité pour les réfractaire de mettre fin à un faux mariage
Il est d’un cas assez peu commun et intéressant à aborder, celui de la validité ou non des mariages contractés sous la Révolution et l’Empire pour échapper à la conscription. Sous la Révolution et le Premier Empire, des hommes se sont mariés uniquement pour échapper à la conscription. Par lâcheté, des hommes sont prêts à se marier avec n’importe qui pour échapper à la conscription, les exemples les plus ubuesques sont légions : De jeunes hommes épousent des femmes de quatre-vingts ans , voire quatre-vingt-dix ans ou des femmes d’une cinquantaine d’années que leur état physique ou mental avait contrait à rester célibataire, pensant qu’une fois la paix revenue, il divorceraient de ces femmes qui ne leur sont pas destinées. Ces couples sont mal assortis : des jeunes gens avec des septuagénaires ou des octogénaires, des folles ou des épileptiques, des filles encore chez leurs parents mais mariées officiellement avec leur voisin. La Restauration ayant aboli le divorce les unit pour toujours, rendant ces faux-vrais mariages indissolubles, sauf la mort de l’un d’entre eux. Une cinquantaine de pétitions sont lancées entre 1814 et 1820 afin de faire dissoudre ces mariage certes légaux mais fictifs. Il est reconnu par les historiens que le nombre des mariages augmentent avec les levées de la conscription, en particulier lors des campagnes d’Allemagne de 1813. Le mariage est une forme légale d’échapper à l’incorporation. La paix générale revenue, un grand nombre de familles désireuses de faire annuler le mariage fictif en invoquant « un grand nombre de malheureux » , « une infinité d’époux » . Or, l’Empire a compliqué le divorce et la Restauration l’ abolit en entier, en mai 1816. L’annulation n’est pas plus possible excepté en ce qui concerne les mariages religieux, ce qui n’est pas le cas, la plupart des mariages étant de nature civile. Cela peut engendrer des situations inextricables. Par exemple, un cultivateur du Pas de Calais veut épouser une jeune femme de son pays, en 1815. Seulement, en 1799, alors qu’il a 19 ans, afin d’échapper à la conscription, il épouse une femme de soixante seize ans vivant dans la même commune. Il n’ y a jamais eu de communauté de vie et la femme décède en décembre 1812. La jeune femme qu’il veut épouser en 1815 se révèle être la petite fille de la femme que l’homme a épousée par lâcheté en 1799, donc sa propre petite fille par alliance ! Cela rend évidemment impossible le mariage puisqu’il existe entre eux une descendance directe. En effet, l’art. 163 C. civ. prohibe le mariage entre parents en ligne directe, légitimes ou naturels, les alliés de la même ligne. On peut ajouter qu’une jurisprudence beaucoup plus tardive précise, pour l’éclairage de notre problématique, que cette prohibition ne cesse pas par le décès du conjoint . Beaucoup de requérant s’dresse donc au Gouvernement en espérant une compassion pour ceux qui, n’ont pas voulu suivre les appétits de l’ogre corse.
Depuis la loi Jourdan-Delbrel du 19 fruct. an VI (5 sept. 1798), les hommes qui se marient avant que la loi prennent effet sont dispensés du service. Les officiers d’état civil signalent à cette époque une multitude de mariages douteux. Les mariages peuvent se multiplier car en l’an Vi, on peut divorcer aussi facilement que l’in peut se marier. Une pièce de théâtre, Les préliminaires de paix ou les amants réunis met en scène un paysan qui, pour échapper à la conscription, tente de séduire un femme puis de divorcer une fois la paix revenue ainsi qu’il déclare en aparté : « Pour m’sauver de la conscription/ Par un moyen légitime/ j’vous fis ma déclaration/ et j’vous épousera pour la frime (bis)/ mais l’danger passé/ D’avec vous je m’s’rais divorcé ». Cependant, la paix de Lunéville est qu’un entracte aux guerres napoléoniennes et la difficulté redue plus grande de divorcer par le code civil, les mariages blancs ne sont aucunement freinés, ce qui inquiète les autorités. Ainsi, dans le Nord, on se plaint en 1809 de dix huit mariages de jeunes hommes avec des femmes de plus de quatre-vingt-dix-neuf ans. La fraude, dans certains cas, paraissait tellement grande que le mariage, aussi légal soit t’il n’empêche l’envoi sous les drapeaux . Les mariages sont tellement nombreux qu’en 1813, il peut n’être plus une dispense de service militaire. Ce stratagème n’est pourtant pas abandonné mais les réfractaires adoptent une nouvelle stratégie en épousant des femmes d’un âge moins avancé mais que leur infirmité ou leur « mauvaise complexion » les empêche d’être épousées.
La paix revenue, les pétitionnaires emploient plusieurs stratégie pour obtenir l’annulation de leur mariage. Tout d’abord, ils vont demander à examiner leur cas par des personnes qu’ils pensent assez haut placées ou compatissante pour que leur histoire soit prise en compte. Par exemple, une servante d’un teinturier lyonnais implore la duchesse de Berry et le duc d’Angoulême parcequ’ils passent dans sa ville natale .
Le premier argument des demandeurs est d’affirmer que ce n’est qu’un enregistrement, pas un mariage. La Constitution du 2 septembre 1791 fait du mariage un contrat civil, ce que peu de gens de la restauration semblent accepter. C’est sur cette base que les pétitionnaires disent que ces mariages ne sont que des mariages civils, des « simulacre de mariage » ou bien des « actes civils » qui les distinguent d’un vrai mariage. Il y a de réelles chance que ces argument soient entendus. En effet, la Chambre des députés reçoit souvent des pétitions pour changer les lois pour que le mariage soit valable que s’il est approuvé par l’Eglise. Si la législation ne change pas, des fonctionnaires semblent être plus compréhensifs. A l’époque napoléoniennes, des curés organisent des cérémonies afin de marier religieusement des couples qui n’ont eu qu’un mariage civil, effort poursuivi et intensifié par les missionnaires de la Restauration. Les demandeurs misent également sur « l’horreur du scandale » . Les fonctionnaires décrivent ces mariages comme étant choquants et contre nature, un affront à la religion et l’ordre social. Ces mariages sont donc avancés comme étant de nature scandaleuse, d’autant plus qu’ils sont censés être définitifs. On essaie même de démontrer le caractère ridicule du divorce en le présentant comme un abomination et en remerciant le roi de l’avoir aboli, ils expriment donc leu horreur du divorce en ce qui concerne les vrai mariage tout en implorant le Gouvernement de mettre fins à ces faux mariages contre nature et de nature scandaleuse.
Les pétitionnaires se présente aussi comme étant « enchaînés par un lien stérile », condamné à un « esclavage affreux », arguments également invoqués lors de l’époque où le divorce était admis pour démontrer le caractère esclavagiste du mariage. Leur consentement n’est donc pas entier, les évènements dictés par la force brutale du pouvoir de Napoléon, son système de conscription illégitime es ont contraint à contracter un mariage contre nature .
Les autorités ne tardent pas à fournir des réponses et un débat est provoqué en 1814 en partie par une pétition de Saint Félix. Il s’adresse à l’assemblée parce qu’il a lu dans les journaux qu’un député dénommé Mauray propose d’abolir le divorce pour faute. Saint Félix affirme qu’il était difficile d’avancer des preuves de fautes, sauf s’il était démontré que la femme avait voulu assassiner son mari. Il invoque notamment les « mariages précipités qui ont été faits pendant les dernières années par des jeunes gens et qui voulaient se soustraire aux lois sanguinaires de Buonaparte ». Toutefois, la différence avec les hommes qui se sont mariés pour échapper à la conscription, Saint Félix demande un divorce pour incompatibilité d’humeur ou à la demande d’un partenaire et invoque les mariages mal assortis comme étant un raison particulière pour ce cas de divorce.
En novembre 1814, Avoyne-Chantereyne, chef de la commission chargée des pétitions donne un réponse à Saint Félix. Il lui écrit que ce mode de divorce pour incompatibilité est rejeté, ajoute que le Gouvernement n’a pas l’intention de multiplier les divorces ou de les faciliter. Il « serait un malheur bien plus grand que d’encourager les citoyens à rompre le contrat dont la stabilité intéresse la société entière » . Il n’ ay donc aucune exception au principe d’abolition du divorce. Quelques débats ont lieu, sans succès, par exemple, Basselance, notaire de Bergerac demande à faire exception pour les mariages contractés civilement pour échapper à la conscription mais n’obtient pas satisfaction.
La demande auprès du législateur ayant échoué, c’est sur le terrain judiciaire que la bataille fait désormais rage. Initialement, il leur est répondu qu’il leur est impossible de faire un procès pour cause de conscription. Les demandeurs essaient de démontrer le caractère illégale des mariages, que les mariage sont officiellement clandestins et donc nuls. Par exemple, Antoinette Poncet, domestique à Lyon, se présente devant le tribunal de première instance au début de l’année 1816. Son conseil soutient que le mariage n’est pas valide car il n’a pas été célébré par un fonctionnaire civil d’une commune dont ni elle ni son mari n’étaient résident, motif jugé insuffisant par le tribunal pour prononcer une séparation. L’incapacité légale d’un fonctionnaire de marier des couples ne résidant pas dans sa juridiction peut annuler un mariage seulement s’il a été célébré clandestinement, en l’espèce, le mariage a été célébré publiquement.
Des demandeurs à Cahors ont, du moins au départ u peu plus de succès. Au début de 1816, le tribunal civil de cette ville annulent régulièrement des mariages contractés pour échapper à la conscription, les juges estiment que le mariage est illégal car le contrat a été signé chez un particulier plutôt que dans un lieu public et sans le consentement des parents. De plus, ils ajoutent qu’il n’y a pas eu de cérémonie religieuse et que les couples n’on jamais vécu ensemble ou qu’ils ne se considèrent pas comme mari et femme. La formule utilisée est toujours la même : « Le consentement donné n’a pas été sérieux ». Il leur arrive quelques fois de reconnaître que ces mariages n’ont été célébrés que pour échapper à la conscription. Le procureur du roi constate dans son rapport qu’ « on ne trouve les mots de conscription ou de service militaire ». Toutefois, cela ne veut pas dire que les mariages arrangés ne sont pas une forme de fuir les dangers de la guerre, au contraire, « C’est à mon avis par l’effet d’une manière particulière de rédiger, mais le but ou plutôt la cause est toujours ce service militaire que le futur voulait éviter en faisant mariage, cassé ensuite ». Cependant, un nouveau procureur entre en fonction et découvre la grande fréquence de dissolutions de ces mariage et dénonce aussitôt ces abus . Selon lui, ces invalidations judiciaires par les juges de Cahors dépendent souvent de faux témoignages. Il est en effet facile de trouver des « témoins » prêts à mentir sur la légitimité de ces mariages. Toutefois, ce n’est pas ce qui apparaît le plus inquiétant aux yeux du procureur du roi. Il découvre que les juges ont annulé les mariages précédant l’abolition officielle du divorce le 8 mai 1816 et ont continué à faire cette pratique après l’abolition. Il s’oppose aux jugement qui précise que, « sans consentement libre, puisque la conscription forçait à cette démarche », le mariage est purement et simplement annulé : « voici l’acte le plus solennel, les plus important, et le plus indissoluble de la société rompu sans aucune opposition… ». Les couples utilisent ce prétexte et font « revivre la loi la plus difficile de divorce, que les corps de l’Etat viennent d’abolir ».
L’armée, sous la Révolution et le Premier Empire, est qualifiée par Yves Lassard d’instrument formidable de « police politique ». La conscription, réglée par la loi Jourdan-Debrel du 5 septembre 1798. Celle-ci instaure une recrutement régulier des armées par la voie de la conscription. Napoléon, à ce sujet, affirme qu’il « ne peur y avoir ni puissance ni indépendance » sans la conscription. La France est à cette époque un pays essentiellement agricole où la présence des jeunes hommes est vitale pour l’économie. L’exemple de la Savoie étudié en profondeur par Yves Lassard démontre amplement la réaction de la population locale désireuse d’une part d’épargner leurs fils de la boucherie des champs de bataille, surtout après le désastre de 1813 et le vide abyssal à combler, et d’autre part, désireuse de maintenir les jeunes hommes dans leurs champs pour effectuer les travaux agricoles. L’hostilité de la population à l’égard de la conscription est donc croissante : « Quand j’ai parti, je regardais le sommet de nos montagnes, cela m’a fait beaucoup de peine » . Tous ces gens demeurent très attachés à leurs terres et chacun d’eux essaient d’éviter le déchirement provoqué par un départ vers les champs de batailles, par exemple, en tentant de se procurer de bons certificats afin de se faire exempter avec des résultats qui s’avèrent assez peu probants. Le moyen le plus efficace d’échapper à la conscription tout en restant dans un cadre parfaitement légal demeure le mariage, dont les résultats, finalement, ne sont guère meilleurs : Jusqu’en 1808, les levées, même rétroactives, n’épargnaient pas les hommes mariés et les veufs pères de famille. Mais le Sénatus-consulte du 10 septembre 1808 leur accorde finalement une dispense . Pour qu’il soit valable, le mariage doit avoir été contracté avant l’appel des classes, c'est-à-dire avent l’âge de dix neuf ans et même parfois dix huit ans . Durant le Directoire et le Premier Empire, la rédaction de faux extraits de mariage et la falsification des registres d’état-civil est une pratique assez courante avec une recrudescence assez inquiétante à partir de 1813 . Début 1813, l’Empereur a besoin d’un masse assez considérable afin de combler les pertes considérables de la campagne de Russie. « L’Empereur a levez la conscription de l’année 1813 et de plus a retourné en arrière de 7 classes. Que cela a fait une armée exorbittante plus de 300 mille hommes. Jugez un peu que la conscription ordinaire etoit de 20 ans. Et on a pris des garçons et des homes mariés jusqu’ a lage de 33 ans. Et memement on voulait prendre jusque a lage de 45ans mais grâce à Dieu que les hotrichiens sont arrivez à Chamberi qui a cassez toutes leurs entreprises . Devant les insuffisances du recrutement, Napoléon intensifie les rappels et provoque, pour Yves Lassard, une « véritable psychose au sein de la population » . Pour éviter à la fois la conscription et l’illégalité, notamment à partie de 1813, le recrues potentielles préfèrent un mariage précipité, comme dans le reste de la France, qui connaît cette année en bond de la nuptialité de plus de 40 % (entre 42, 26 et 68 % ). Cette hausse subite est particulièrement forte dans les campagnes où la survie des exploitations agricoles permet toutes les ruses. Par exemple, dans le département du Mont Blanc, entre le 11 janvier et le 30 novembre 1813, la hausse atteint 16, 28 %, en effet, plus de 6 000 hommes vont être « sommés » de gagner les casernes. Dans les départements voisins, le situation est identique car la hausse de la nuptialité entre la période 1808-1810 et la période 1811-1813 atteint 16, 47 % dans l’Isère et 19, 51 dans l’Ain . Il est toutefois difficile de comptabiliser les mariages de complaisance, dans la mesure où les parties n’ont pas l’intention de dévoiler leurs intentions. Les archives ne peuvent guère nous renseigner sur ce point sauf lorsque les intéressés eux-mêmes sont amenés à révéler les circonstances de leur mariage. Par exemple, en Savoie propre, sous la Restauration, le clergé ayant récupéré l’état civil, plusieurs couples se pourvoient devant l’official afin d’obtenir l’annulation de leur mariage : les époux François Regottier et Françoise Charpine Dauphin, de Novalaise, en Savoie, déclarent qu’ils n’ont jamais cohabité depuis qu’ils se sont mariés le 21 ans novembre 1813, ce qui est confirmé par les témoins . Autre exemple encore plus parlant de la région de la Savoie, Adrien Fodéré, en vue d’obtenir l’annulation de son mariage contracté le 21 mai 1813, déclare avoir « feint de se marier civilement » et de n’être « joints spirituellement conformément aux lois de l’église » . En réalité, les époux désirent bénéficier de l’édit royal du 25 octobre 1816. Ce texte dispose que « Les mariages contractés seulement selon les formes civiles cesseront au premier juin 1817 de produire aucun effet civil si à ladite époque les conjoints ne les ont pas célébrés aussi selon les lois actuellement en vigueur ». Ce texte est invoqué dans la mesure où il prévoit d’invalider tous les mariages civils antérieurs au 1er juin 1817, s’ils n’ont pas été régularisés à l’église.
BEYER Olivier
 


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