par BEYER Olivier sur 07 Sep 2010, 20:55
Voici à présent le cas où certains jeunes gens ne voulaient pas partir à l'armée, leur "combine" était de se marier...
La Restauration ou l’impossibilité pour les réfractaire de mettre fin à un faux mariage
Il est d’un cas assez peu commun et intéressant à aborder, celui de la validité ou non des mariages contractés sous la Révolution et l’Empire pour échapper à la conscription. Sous la Révolution et le Premier Empire, des hommes se sont mariés uniquement pour échapper à la conscription. Par lâcheté, des hommes sont prêts à se marier avec n’importe qui pour échapper à la conscription, les exemples les plus ubuesques sont légions : De jeunes hommes épousent des femmes de quatre-vingts ans , voire quatre-vingt-dix ans ou des femmes d’une cinquantaine d’années que leur état physique ou mental avait contrait à rester célibataire, pensant qu’une fois la paix revenue, il divorceraient de ces femmes qui ne leur sont pas destinées. Ces couples sont mal assortis : des jeunes gens avec des septuagénaires ou des octogénaires, des folles ou des épileptiques, des filles encore chez leurs parents mais mariées officiellement avec leur voisin. La Restauration ayant aboli le divorce les unit pour toujours, rendant ces faux-vrais mariages indissolubles, sauf la mort de l’un d’entre eux. Une cinquantaine de pétitions sont lancées entre 1814 et 1820 afin de faire dissoudre ces mariage certes légaux mais fictifs. Il est reconnu par les historiens que le nombre des mariages augmentent avec les levées de la conscription, en particulier lors des campagnes d’Allemagne de 1813. Le mariage est une forme légale d’échapper à l’incorporation. La paix générale revenue, un grand nombre de familles désireuses de faire annuler le mariage fictif en invoquant « un grand nombre de malheureux » , « une infinité d’époux » . Or, l’Empire a compliqué le divorce et la Restauration l’ abolit en entier, en mai 1816. L’annulation n’est pas plus possible excepté en ce qui concerne les mariages religieux, ce qui n’est pas le cas, la plupart des mariages étant de nature civile. Cela peut engendrer des situations inextricables. Par exemple, un cultivateur du Pas de Calais veut épouser une jeune femme de son pays, en 1815. Seulement, en 1799, alors qu’il a 19 ans, afin d’échapper à la conscription, il épouse une femme de soixante seize ans vivant dans la même commune. Il n’ y a jamais eu de communauté de vie et la femme décède en décembre 1812. La jeune femme qu’il veut épouser en 1815 se révèle être la petite fille de la femme que l’homme a épousée par lâcheté en 1799, donc sa propre petite fille par alliance ! Cela rend évidemment impossible le mariage puisqu’il existe entre eux une descendance directe. En effet, l’art. 163 C. civ. prohibe le mariage entre parents en ligne directe, légitimes ou naturels, les alliés de la même ligne. On peut ajouter qu’une jurisprudence beaucoup plus tardive précise, pour l’éclairage de notre problématique, que cette prohibition ne cesse pas par le décès du conjoint . Beaucoup de requérant s’dresse donc au Gouvernement en espérant une compassion pour ceux qui, n’ont pas voulu suivre les appétits de l’ogre corse.
Depuis la loi Jourdan-Delbrel du 19 fruct. an VI (5 sept. 1798), les hommes qui se marient avant que la loi prennent effet sont dispensés du service. Les officiers d’état civil signalent à cette époque une multitude de mariages douteux. Les mariages peuvent se multiplier car en l’an Vi, on peut divorcer aussi facilement que l’in peut se marier. Une pièce de théâtre, Les préliminaires de paix ou les amants réunis met en scène un paysan qui, pour échapper à la conscription, tente de séduire un femme puis de divorcer une fois la paix revenue ainsi qu’il déclare en aparté : « Pour m’sauver de la conscription/ Par un moyen légitime/ j’vous fis ma déclaration/ et j’vous épousera pour la frime (bis)/ mais l’danger passé/ D’avec vous je m’s’rais divorcé ». Cependant, la paix de Lunéville est qu’un entracte aux guerres napoléoniennes et la difficulté redue plus grande de divorcer par le code civil, les mariages blancs ne sont aucunement freinés, ce qui inquiète les autorités. Ainsi, dans le Nord, on se plaint en 1809 de dix huit mariages de jeunes hommes avec des femmes de plus de quatre-vingt-dix-neuf ans. La fraude, dans certains cas, paraissait tellement grande que le mariage, aussi légal soit t’il n’empêche l’envoi sous les drapeaux . Les mariages sont tellement nombreux qu’en 1813, il peut n’être plus une dispense de service militaire. Ce stratagème n’est pourtant pas abandonné mais les réfractaires adoptent une nouvelle stratégie en épousant des femmes d’un âge moins avancé mais que leur infirmité ou leur « mauvaise complexion » les empêche d’être épousées.
La paix revenue, les pétitionnaires emploient plusieurs stratégie pour obtenir l’annulation de leur mariage. Tout d’abord, ils vont demander à examiner leur cas par des personnes qu’ils pensent assez haut placées ou compatissante pour que leur histoire soit prise en compte. Par exemple, une servante d’un teinturier lyonnais implore la duchesse de Berry et le duc d’Angoulême parcequ’ils passent dans sa ville natale .
Le premier argument des demandeurs est d’affirmer que ce n’est qu’un enregistrement, pas un mariage. La Constitution du 2 septembre 1791 fait du mariage un contrat civil, ce que peu de gens de la restauration semblent accepter. C’est sur cette base que les pétitionnaires disent que ces mariages ne sont que des mariages civils, des « simulacre de mariage » ou bien des « actes civils » qui les distinguent d’un vrai mariage. Il y a de réelles chance que ces argument soient entendus. En effet, la Chambre des députés reçoit souvent des pétitions pour changer les lois pour que le mariage soit valable que s’il est approuvé par l’Eglise. Si la législation ne change pas, des fonctionnaires semblent être plus compréhensifs. A l’époque napoléoniennes, des curés organisent des cérémonies afin de marier religieusement des couples qui n’ont eu qu’un mariage civil, effort poursuivi et intensifié par les missionnaires de la Restauration. Les demandeurs misent également sur « l’horreur du scandale » . Les fonctionnaires décrivent ces mariages comme étant choquants et contre nature, un affront à la religion et l’ordre social. Ces mariages sont donc avancés comme étant de nature scandaleuse, d’autant plus qu’ils sont censés être définitifs. On essaie même de démontrer le caractère ridicule du divorce en le présentant comme un abomination et en remerciant le roi de l’avoir aboli, ils expriment donc leu horreur du divorce en ce qui concerne les vrai mariage tout en implorant le Gouvernement de mettre fins à ces faux mariages contre nature et de nature scandaleuse.
Les pétitionnaires se présente aussi comme étant « enchaînés par un lien stérile », condamné à un « esclavage affreux », arguments également invoqués lors de l’époque où le divorce était admis pour démontrer le caractère esclavagiste du mariage. Leur consentement n’est donc pas entier, les évènements dictés par la force brutale du pouvoir de Napoléon, son système de conscription illégitime es ont contraint à contracter un mariage contre nature .
Les autorités ne tardent pas à fournir des réponses et un débat est provoqué en 1814 en partie par une pétition de Saint Félix. Il s’adresse à l’assemblée parce qu’il a lu dans les journaux qu’un député dénommé Mauray propose d’abolir le divorce pour faute. Saint Félix affirme qu’il était difficile d’avancer des preuves de fautes, sauf s’il était démontré que la femme avait voulu assassiner son mari. Il invoque notamment les « mariages précipités qui ont été faits pendant les dernières années par des jeunes gens et qui voulaient se soustraire aux lois sanguinaires de Buonaparte ». Toutefois, la différence avec les hommes qui se sont mariés pour échapper à la conscription, Saint Félix demande un divorce pour incompatibilité d’humeur ou à la demande d’un partenaire et invoque les mariages mal assortis comme étant un raison particulière pour ce cas de divorce.
En novembre 1814, Avoyne-Chantereyne, chef de la commission chargée des pétitions donne un réponse à Saint Félix. Il lui écrit que ce mode de divorce pour incompatibilité est rejeté, ajoute que le Gouvernement n’a pas l’intention de multiplier les divorces ou de les faciliter. Il « serait un malheur bien plus grand que d’encourager les citoyens à rompre le contrat dont la stabilité intéresse la société entière » . Il n’ ay donc aucune exception au principe d’abolition du divorce. Quelques débats ont lieu, sans succès, par exemple, Basselance, notaire de Bergerac demande à faire exception pour les mariages contractés civilement pour échapper à la conscription mais n’obtient pas satisfaction.
La demande auprès du législateur ayant échoué, c’est sur le terrain judiciaire que la bataille fait désormais rage. Initialement, il leur est répondu qu’il leur est impossible de faire un procès pour cause de conscription. Les demandeurs essaient de démontrer le caractère illégale des mariages, que les mariage sont officiellement clandestins et donc nuls. Par exemple, Antoinette Poncet, domestique à Lyon, se présente devant le tribunal de première instance au début de l’année 1816. Son conseil soutient que le mariage n’est pas valide car il n’a pas été célébré par un fonctionnaire civil d’une commune dont ni elle ni son mari n’étaient résident, motif jugé insuffisant par le tribunal pour prononcer une séparation. L’incapacité légale d’un fonctionnaire de marier des couples ne résidant pas dans sa juridiction peut annuler un mariage seulement s’il a été célébré clandestinement, en l’espèce, le mariage a été célébré publiquement.
Des demandeurs à Cahors ont, du moins au départ u peu plus de succès. Au début de 1816, le tribunal civil de cette ville annulent régulièrement des mariages contractés pour échapper à la conscription, les juges estiment que le mariage est illégal car le contrat a été signé chez un particulier plutôt que dans un lieu public et sans le consentement des parents. De plus, ils ajoutent qu’il n’y a pas eu de cérémonie religieuse et que les couples n’on jamais vécu ensemble ou qu’ils ne se considèrent pas comme mari et femme. La formule utilisée est toujours la même : « Le consentement donné n’a pas été sérieux ». Il leur arrive quelques fois de reconnaître que ces mariages n’ont été célébrés que pour échapper à la conscription. Le procureur du roi constate dans son rapport qu’ « on ne trouve les mots de conscription ou de service militaire ». Toutefois, cela ne veut pas dire que les mariages arrangés ne sont pas une forme de fuir les dangers de la guerre, au contraire, « C’est à mon avis par l’effet d’une manière particulière de rédiger, mais le but ou plutôt la cause est toujours ce service militaire que le futur voulait éviter en faisant mariage, cassé ensuite ». Cependant, un nouveau procureur entre en fonction et découvre la grande fréquence de dissolutions de ces mariage et dénonce aussitôt ces abus . Selon lui, ces invalidations judiciaires par les juges de Cahors dépendent souvent de faux témoignages. Il est en effet facile de trouver des « témoins » prêts à mentir sur la légitimité de ces mariages. Toutefois, ce n’est pas ce qui apparaît le plus inquiétant aux yeux du procureur du roi. Il découvre que les juges ont annulé les mariages précédant l’abolition officielle du divorce le 8 mai 1816 et ont continué à faire cette pratique après l’abolition. Il s’oppose aux jugement qui précise que, « sans consentement libre, puisque la conscription forçait à cette démarche », le mariage est purement et simplement annulé : « voici l’acte le plus solennel, les plus important, et le plus indissoluble de la société rompu sans aucune opposition… ». Les couples utilisent ce prétexte et font « revivre la loi la plus difficile de divorce, que les corps de l’Etat viennent d’abolir ».
L’armée, sous la Révolution et le Premier Empire, est qualifiée par Yves Lassard d’instrument formidable de « police politique ». La conscription, réglée par la loi Jourdan-Debrel du 5 septembre 1798. Celle-ci instaure une recrutement régulier des armées par la voie de la conscription. Napoléon, à ce sujet, affirme qu’il « ne peur y avoir ni puissance ni indépendance » sans la conscription. La France est à cette époque un pays essentiellement agricole où la présence des jeunes hommes est vitale pour l’économie. L’exemple de la Savoie étudié en profondeur par Yves Lassard démontre amplement la réaction de la population locale désireuse d’une part d’épargner leurs fils de la boucherie des champs de bataille, surtout après le désastre de 1813 et le vide abyssal à combler, et d’autre part, désireuse de maintenir les jeunes hommes dans leurs champs pour effectuer les travaux agricoles. L’hostilité de la population à l’égard de la conscription est donc croissante : « Quand j’ai parti, je regardais le sommet de nos montagnes, cela m’a fait beaucoup de peine » . Tous ces gens demeurent très attachés à leurs terres et chacun d’eux essaient d’éviter le déchirement provoqué par un départ vers les champs de batailles, par exemple, en tentant de se procurer de bons certificats afin de se faire exempter avec des résultats qui s’avèrent assez peu probants. Le moyen le plus efficace d’échapper à la conscription tout en restant dans un cadre parfaitement légal demeure le mariage, dont les résultats, finalement, ne sont guère meilleurs : Jusqu’en 1808, les levées, même rétroactives, n’épargnaient pas les hommes mariés et les veufs pères de famille. Mais le Sénatus-consulte du 10 septembre 1808 leur accorde finalement une dispense . Pour qu’il soit valable, le mariage doit avoir été contracté avant l’appel des classes, c'est-à-dire avent l’âge de dix neuf ans et même parfois dix huit ans . Durant le Directoire et le Premier Empire, la rédaction de faux extraits de mariage et la falsification des registres d’état-civil est une pratique assez courante avec une recrudescence assez inquiétante à partir de 1813 . Début 1813, l’Empereur a besoin d’un masse assez considérable afin de combler les pertes considérables de la campagne de Russie. « L’Empereur a levez la conscription de l’année 1813 et de plus a retourné en arrière de 7 classes. Que cela a fait une armée exorbittante plus de 300 mille hommes. Jugez un peu que la conscription ordinaire etoit de 20 ans. Et on a pris des garçons et des homes mariés jusqu’ a lage de 33 ans. Et memement on voulait prendre jusque a lage de 45ans mais grâce à Dieu que les hotrichiens sont arrivez à Chamberi qui a cassez toutes leurs entreprises . Devant les insuffisances du recrutement, Napoléon intensifie les rappels et provoque, pour Yves Lassard, une « véritable psychose au sein de la population » . Pour éviter à la fois la conscription et l’illégalité, notamment à partie de 1813, le recrues potentielles préfèrent un mariage précipité, comme dans le reste de la France, qui connaît cette année en bond de la nuptialité de plus de 40 % (entre 42, 26 et 68 % ). Cette hausse subite est particulièrement forte dans les campagnes où la survie des exploitations agricoles permet toutes les ruses. Par exemple, dans le département du Mont Blanc, entre le 11 janvier et le 30 novembre 1813, la hausse atteint 16, 28 %, en effet, plus de 6 000 hommes vont être « sommés » de gagner les casernes. Dans les départements voisins, le situation est identique car la hausse de la nuptialité entre la période 1808-1810 et la période 1811-1813 atteint 16, 47 % dans l’Isère et 19, 51 dans l’Ain . Il est toutefois difficile de comptabiliser les mariages de complaisance, dans la mesure où les parties n’ont pas l’intention de dévoiler leurs intentions. Les archives ne peuvent guère nous renseigner sur ce point sauf lorsque les intéressés eux-mêmes sont amenés à révéler les circonstances de leur mariage. Par exemple, en Savoie propre, sous la Restauration, le clergé ayant récupéré l’état civil, plusieurs couples se pourvoient devant l’official afin d’obtenir l’annulation de leur mariage : les époux François Regottier et Françoise Charpine Dauphin, de Novalaise, en Savoie, déclarent qu’ils n’ont jamais cohabité depuis qu’ils se sont mariés le 21 ans novembre 1813, ce qui est confirmé par les témoins . Autre exemple encore plus parlant de la région de la Savoie, Adrien Fodéré, en vue d’obtenir l’annulation de son mariage contracté le 21 mai 1813, déclare avoir « feint de se marier civilement » et de n’être « joints spirituellement conformément aux lois de l’église » . En réalité, les époux désirent bénéficier de l’édit royal du 25 octobre 1816. Ce texte dispose que « Les mariages contractés seulement selon les formes civiles cesseront au premier juin 1817 de produire aucun effet civil si à ladite époque les conjoints ne les ont pas célébrés aussi selon les lois actuellement en vigueur ». Ce texte est invoqué dans la mesure où il prévoit d’invalider tous les mariages civils antérieurs au 1er juin 1817, s’ils n’ont pas été régularisés à l’église.