par MANÉ Diégo sur 15 Nov 2011, 16:36
Rapport du général Montbrun (Salvator Scotto)
Le Général de Division Montbrun
Commandant la Réserve de Cavalerie
Secteur Cruz da Raïa (à l'Ouest de Fuentes de Oñoro)
Le 5 Mai 1811 à 08h00 de relevée
à Monsieur le Maréchal Prince d’Essling, Duc de Rivoli
Positionné à l’extrême gauche de notre armée, sur un terrain interdisant toute manœuvre de cavalerie et face à une division d’élite anglaise commandée par le général Spencer, je me suis employé, pendant la deuxième partie de la journée, à mener une série d’actions cohérentes avec le plan d’attaque général. Ce plan consistait d’abord à s’emparer de la position charnière du dispositif défensif anglais sur le secteur de Fuentes de Oñoro puis d’attaquer le point faible du centre ennemi matérialisé par une division d’infanterie portugaise.
En coordination avec la division du Duc d’Abrantès et afin d’apporter assurance et efficacité à notre centre lors de sa future attaque, nous avons décidé de prendre la ligne de crête tenue solidement par l’aile droite anglaise. Pour atteindre cet objectif, j’ai immédiatement récupéré les 4 pièces à cheval de la Garde, promises la veille par le duc d’Istrie. Ce renfort de qualité porta le nombre total de canons de ma division à 8 pièces.
Armé de patience, je me suis d’abord concentré à rassembler cette artillerie face à celle de notre ennemi, puis, avec minutie toujours, à le chasser de sa position très avantageuse. J’ai continué méthodiquement de faire progresser à la bricole nos canons victorieux jusque sur la ligne de crête, faisant reculer logiquement la ligne de bataille ennemie. Une fois sur la position dominante, nous avons découvert, sans surprise, l’ensemble du dispositif solidement ancré de la défense anglaise. Ce constat nous réconfortant sur la manière adoptée jusque là pour progresser avec efficacité.
Parallèlement à ces événements, j’ai envoyé la brigade du général Fournier prendre position en avant du premier ravin que devaient prochainement franchir les troupes du 6ème corps. Ceci afin de sécuriser le flanc de notre infanterie désignée pour l’attaque sur le centre ennemi. Ce déplacement de cavalerie, ou la réputation de cette dernière, ou encore de son seul général, a dû fortement inquiéter notre adversaire puisqu’il n’hésita pas à quitter sa hauteur pour tenter de l'empêcher.
C’est pendant ces rapides mouvements que je fus blessé à la cuisse, rien de grave je vous rassure. Cette avance intempestive de l’infanterie adverse créa des écarts entre ses unités, nous donnant plus tôt que prévu la possibilité de passer à l’attaque. En effet, les troupes du général Mermet passèrent le ravin et avec le soutien de ma cavalerie, portèrent immédiatement l’estocade. Peu de temps après, la division portugaise en déroute courait traverser le deuxième obstacle naturel : un autre ravin. Une division anglaise, jusque là en réserve, se déplaça promptement pour combler le vide laissé par les fuyards. Quelques instants après, le verrou de Fuentes de Oñoro sauta à son tour, fragilisant davantage la dernière division anglaise présente sur la hauteur. Sans flanc droit et attaquée de face par le général Loison, elle partit à son tour, à grandes enjambées, rejoindre ses alliés les Portugais.
A cet instant de la bataille nous étions en avance sur le plan prévu initialement. J’ai constaté alors une accalmie sur le front attaqué, permettant à la défense anglaise de se repositionner confortablement et en force derrière le deuxième ravin. Il était clair qu’une nouvelle bataille allait commencer.
A gauche, l’ennemi malgré la présence de troupes prestigieuses continuait de reculer devant l’avance de nos canons. Devant le nouveau dispositif et avec votre accord, il fût décidé d’attaquer le « relatif » point faible ennemi, c’est-à-dire, la zone servant d’interface entre les divisions Spencer et Craufurd. A cet endroit, en effet, le ravin prenait fin et l’infanterie présente, fixée par la cavalerie du général Fournier souffrait terriblement du feu de mes canons.
L’Anglais, sous pression et craignant pour son sort, se décida alors à envoyer sur notre flanc gauche deux régiments de la King's German Legion et deux régiments de dragons lourds. L’ensemble étant soutenu par une batterie à cheval. La garde anglaise, qui était restée cachée derrière un ravin avança à son tour. En face de cette manœuvre se trouvait la seule brigade légère du général Watier.
Chargé, ce général esquiva sagement le choc qui lui aurait été fatal pour se positionner, un peu plus loin, sur un espace mieux adapté pour exploiter les faiblesses de la cavalerie anglaise. L’information arrivée, j’envoyais rapidement sur les lieux mes dragons restés jusque-là en deuxième ligne. Le secteur solidement et rapidement verrouillé, obligea l’Anglais à stopper immédiatement son avance.
Dans cet intervalle, le général Mermet lança son attaque sur les carrés écossais que le général Fournier fixait toujours et dont mes batteries prenaient plaisir à réduire les rangs. Le choc fit partir en déroute un carré mais le dispositif défensif anglais, la puissance de feu de son infanterie et la présence d’une brigade de dragons légers ramena, sans surprise, notre infanterie à son point de départ.
La fin de journée approchant, nous n’avions plus le temps de préparer efficacement une nouvelle attaque contre ce genre d’adversaire. J’ai donc, de mon côté, continué d’appliquer la tactique la plus rentable contre l’Anglais, à savoir, le bombarder à portée courte. J’ai alors demandé personnellement à mes artilleurs de s’occuper d’abord du dragon léger qui avait chargé notre infanterie un peu plus tôt puis du carré qui avait osé faire feu sur un régiment du général Fournier.
Ces deux unités virent alors leurs effectifs fondre comme neige au soleil et quitter rapidement le champ de bataille. Les dragons lourds Anglais accourus de la droite allaient devenir naturellement une cible de choix pour nos canons. Heureusement pour eux, la nuit leur épargna cette mésaventure. Finalement, le peu de canons disponibles pour la bataille nous a privés d’une victoire certaine sur ce secteur.
Je terminai la journée au-delà de la ligne de crête et face à une ligne de défense anglaise dessinant un arc de cercle devant moi. Je note que la réserve de cavalerie a peu souffert (400 h environ). Je vais maintenant passer quelques temps au repos pour soigner ma blessure. Une dernière chose, j’ai appris de source sûre que plus de 20% des pertes que l’armée anglaise à subies pendant la journée provenaient des division Spencer et Cotton.
Le Général de Division Montbrun