- c) Court compte-rendu du procès de Murray
Revenons à Murray, qui a été déchu de son poste de commandement le 17 juin 1813 à l’arrivée de Lord Bentinck, et s’est retrouvé à Alicante le 22, prévenu par Whitehall de se tenir prêt à revenir en Angleterre pour répondre de ses actes devant un tribunal militaire. Il va ainsi rester à quai, dans le plus complet désœuvrement, non seulement jusqu’à la fin du conflit, mais encore la quasi totalité de l’année 1814.
Ce n’est que dans les derniers jours de décembre de cette année qu’il va recevoir enfin l’ordre de revenir à Londres, et son procès ne commencera qu’en janvier 1815. Le haut commandement s’excusera d’ailleurs des délais indus pour le démarrage de cette procédure, au départ prévus pour que ses juges soient d’anciens généraux de l’armée principale en Péninsule, sous Sir Lowry Cole (président). Le conflit avec les États-unis ne permettra pas cette composition, et, à l’exception de Lord Paget, aucun de ses juges n’aura eu la moindre expérience du conflit espagnol (voire même d’un conflit quelconque).
Autre problème, durant le procès, si les témoignages des subordonnés de l’Armée d’Alicante et l’amiral Halliwell seront entendus, personne ne sera appelé du côté espagnol, et seules quelques lettres choisies feront partie du dossier.
L’amiral fera preuve d’un tel parti pris et de tels biais à l’encontre du général en chef, que Murray aura beau jeu de réduire ses arguments à de la mesquinerie, de l’esprit de corps et des préjugés sans fondement, ledit général, de son côté, mentant effrontément et falsifiant les dates, rejette tout ce qu’il peut sur ses alliés espagnols qui, étant absents, ne peuvent le confondre.
Tout cela fat que le procès se terminera par un acquittement du général sur la majorité des charges, la seule chose étant retenue sera une erreur de jugement au moment de la levée du siège de Tarragona, ayant entraîné la perte de canons et de matériel de siège.
Preuve que Murray ne voit vraiment rien de répréhensible dans sa conduite, il protestera sur l’iniquité du jugement, et cherchera vainement à faire attribuer à l’ensemble des participants au 2e Castalla une médaille d’or (donc à lui), mettant "sa" bataille au même niveau que Barrosa, essuyant un premier refus net et sans appel. Il cherchera ensuite, à la mort de Sir Edward Packenham, à être nommé à son siège de Knight Commander of the Bath (il y en a 36, et pas un de plus), puis profitant de la réforme de cet ordre en 1815, avoir au moins la distinction de Companion of the Bath, et la possibilité de porter le ruban rouge qui va avec, essuyant deux nouveaux refus humiliants.
Suite à cela, il est fort possible que ses amis hauts placés lui aient fait comprendre qu'il fallait se calmer un peu, et se satisfaire de son sort. (du genre "On t'a couvert dans tes erreurs, mais si tu continue à faire du bruit comme ça, les Amis de nos Amis pourraient bien ne plus être les tiens...).
En 1818 il est réélu aux communes pour Melcombes Regis, ce qui diminue un peu son acrimonie ; et à la réduction du 3rd West India regiment est nommé Colonel du 56th foot, sinécure qu'il gardera jusqu'à sa mort.
En 1825, Georges IV récompense enfin ses « services méritoires » en lui octroyant l’Ordre Guelphique qui, n’étant pas réservé aux anciens et actuels officiers, et ne devant son attribution qu’au bon vouloir du Prince, n’est pas tenu en haute estime en Angleterre (ce n'est pas du tout le cas au Hanovre, où elle a servi a récompenser de nombreux officiers, sous-officiers et soldats du rang méritoires de la KGL).
Cette distinction douteuse, et la façon dont il a été relativement épargné durant sa carrière militaire, semblent indiquer des soutiens politiques puissants dans l’entourage de l'ancien Prince-Régent et nouveau Roi.
Il meurt en 1827, dans un relatif anonymat lui aussi.