LES (VRAIS) DUELLISTES : FOURNIER ET DUPONT
(textes présentés par Diégo Mané, Saint-Laurent-de-Mure, Février 2023).
Voir sur Fournier, d'après mes « Notes de lectures (terrestres) du confinement », le post repris ci-après :
viewtopic.php?f=1&t=2278&p=16388#p16388
-----------
À l’occasion d’un « remembrement partiel » de mes documents archivés je retrouve un texte paru dans « LA SABRETACHE » Spécial 1977, et traitant du film « Duellistes », inspiré par le personnage de Fournier avant qu’il ne devienne « Sarlovèze », mais déjà grand « duelliste ».
On y apprend, sous la plume de Louis Merllié, que les scènes annoncées comme « Tourangelles » en 1814 ont été tournées dans la région de Sarlat, au château de Caudon pour les extérieurs, et au château de Lacoste, non loin de Domme (ce site « imprenable » qui pourtant fut pris -et la population massacrée- pendant les guerres de Religion).
« La scène où les deux protagonistes se retrouvent dans une auberge été filmée dans l’une des plus anciennes rues de Sarlat, la rue des Consuls… que par souci d’exactitude, la rue étant actuellement goudronnée, le metteur en scène y fit répandre de la paille et du crottin de cheval…
… le dernier duel, le duel au pistolet, se passe dans les ruines du château de Commarque, et le duel à cheval… sur les bords d’un ruisseau coulant de Sarlat à la Dordogne. Quant à la scène finale évoquant Napoléon à Sainte-Hélène, elle a été prise non loin du château de Beynac, sur les bords de la falaise qui longe la Dordogne, alors en crue.
… la nouvelle dont a été tirée le film a été inspirée par la vie du général Fournier-Sarlovèze qui était convenu avec un officier des chasseurs à cheval de la garde qu’ils se battraient chaque fois qu’ils seraient à moins de cent kilomètres l’un de l’autre.
L’histoire est racontée par Marcel Dupont dans son « Fournier-Sarlovèze, le plus mauvais sujet de l’armée » chez Hachette en 1936. Elle a été reprise dans l’ouvrage de Jean Delpech- la Borie : « Le général Fournier-Sarlovèze, le démon de l’Empire » … en 1941. Comme de ces deux ouvrages c’est le second que j’ai sous la main, j’en extrais le passage concernant notre film…
« Les duels de Fournier au 16e Chasseurs ne font qu’inaugurer une série de combats singuliers qui lui vaudront une renommée légendaire, presque aussi étonnantes que ses prouesses militaires. Le plus fameux de tous l’opposa à un officier nommé Dupont. Cette querelle épique prit naissance à Strasbourg et dura… dix-neuf ans !
Dans cette ville, pour un motif des plus futiles, Fournier avait provoqué et tué un tout jeune homme, si inhabile aux armes, si incapable de se défendre, que l’opinion publique se montra indignée et cria à l’assassinat. Loin d’admettre ses torts, l’orgueilleux Réséda aggrava ses allures de bravoure, parada dans les rues et dans les tavernes, défiant du regard et du geste ceux dont l’attitude à son égard semblait chargée de blâme. Bref, un éclat paraît si inévitable, qu’un soir de réception à la mairie, de crainte que la présence de Fournier n’y déclenche un scandale, Dupont est chargé par ses supérieurs de se tenir devant la porte et d’en interdire l’entrée au trop bouillant chasseur.
Celui-ci, qui cherche un incident afin d’assouvir la rage où le met cette hostilité sourde de toute la ville, se présente un moment après. Dupont lui barre le passage et les répliques fusent, déjà violentes et sèches comme des coups de lames.
- Où vas-tu ?
- Tu le vois bien.
- Tu devrais avoir honte de ta conduite.
Mais pour entrer, je te préviens, il faudra me passer sur le ventre.
- Et de quel droit fais-tu cela ?
- Ordre du général.
- C’est bon, le général est mon supérieur, je ne peux pas me battre avec lui.
Mais toi, tu me rendras raison de cet affront.
- Quand tu voudras, Fournier.
- Tout de suite.
- Allons-y.
Et les voilà partis. Le premier choc est rude, mais les deux hommes sont de force à peu près égale au sabre.
Coup fourré. Fournier écume.
- Nous nous retrouverons !
- À ta disposition, réplique Dupont, ironique.
Ils se retrouveront pendant presque vingt ans. Peu à peu, leur sang mutuellement répandu a scellé entre eux un pacte d’amitié dangereuse, comme seule cette époque de folle bravoure a pu en susciter.
Ils conviennent de se rencontrer aussi souvent que la chose sera possible et rédigent, à cet effet, l’accord suivant :
À suivre… (c’est le cas de le dire).