par MASSON Bruno sur 15 Déc 2009, 23:07
Rapport du Lieutenant–General Sherbrooke à Sir Arthur Wellesley, K.B.
Mon général,
Je tiens d’abord à vous féliciter de la victoire signalée que Votre Excellence vient de remporter sur les troupes françaises si vantées, dans laquelle j’ai eu l’honneur de servir sous vos ordres.
Suite aux alarmes de la nuit précédent ladite bataille, vous m’aviez fait la grâce de me confier l’aile droite de votre armée, constituée des brigades Kemmis, Mackenzie, Campbell ainsi que la brigade des Guards, les batteries Sillery et Elliot, la batterie Lawson ayant été positionnée sur vos ordres dans la redoute centrale. La brigade de cavalerie Cotton, située en recueil, complétant le dispositif.
Mon ordre était de contrer toute offensive au centre, et de prêter toute assistance à nos alliés Espagnols , de soutenir les troupes du MG Hill situées sur le cerro de Medellin.
En préambule à la bataille, le général Cuesta m’ayant fait signifier qu’il avait décidé d’attaquer l’ennemi à outrance, je décidait avec son accord de replier le 2/7th Fuzileers qui assurait le flanc droit de la redoute, et de le positionner en arrière du 2/53rd, ce qui me permettait de contracter mon front et de garder deux brigades d’infanteries en réserve au cas où l’ennemi viendrait à m’attaquer fortement. Ce dernier bataillon était le plus exposé de mon commandement, car le seul incapable de se mettre à l’abri du Portiña, dont les abords se trouvèrent beaucoup plus dangereux et glissants qu’il y paraissait, je le disposais dans la redoute pour soutenir la batteries Lawson et la demi-batterie Espagnole Uclès.
Mon adversaire direct se trouvait être (comme je l’appris le lendemain par des prisonniers ennemis sauvés de la sauvagerie des paysans Espagnols) le IVe corps sous les ordres du général Sébastiani. Ce dernier montrait deux divisions d’infanteries soutenues par une forte cavalerie, et une artillerie nombreuse, quoique moindre que celle déployée face au MG Hill sur le Cerro de Cascajal.
J’eus la surprise de voir ces troupes ne s’approcher qu’avec prudence de mes position, semblant intimidées par notre impassibilité, et s’arrêter pour se déployer à grande distance de nous. Nous les impressionnions grandement, et l’entrée en jeu de mes deux batteries d’artilleries suffit même à les faire reculer.
Je vis donc une division entière de ces troupes se diriger vers les positions de nos alliés Espagnols, et la seconde s’apprêter à attaquer la redoute qui marquait la jonction entre les deux armées. La présence de troupes anglaises dans son enceinte sembla méduser cette division, qui décida alors d’ensevelir le 2/53rd sous les décombres de cet édifice, déployant une forte artillerie à très petite portée des murs. La position étant très forte, j’avais bon espoir de voir l’unité tenir dans cette épreuve, et je me résolvais à perdre de braves soldats sans vouloir risquer mes propres pièces dans un duel désastreux, d’autant plus qu’une offensive majeure se développait de l’autre côté du dispositif.
Mes douze pièces se déployaient alors sur mon flanc gauche, aussi proche que possible du bord du Portiña, et couvraient de mitraille une division d’infanterie descendue du Cerro ennemi, et qui semblait vouloir traverser le ruisseau pour attaquer la position du MG Hill. Sous le déluge de feu déversé par nos pièces de 6 £, cette division hésita alors, commença à se déployer et tenta même d’emporter cette artillerie qui lui faisait tant de mal ; mais bien soutenue par les Coldstream, elle stoppa leur élan par des feux réguliers et très ajustés. On vit alors les unités ennemies abandonner leurs blessés au fond du ruisseau et se précipiter loin de notre position, raccompagnées par nos boulets. J’hésitais alors à traverser le Portiña pour complêter leur déconfiture, mais la présence d’une très nombreuse cavalerie en attente de l’autre côté, ainsi que vos consignes claires sur ce point, me firent renoncer à cette offensive sans lendemain.
Ayant arrêté l’attaque française sur ce point, je me reportais sur mon autre aile, où le pauvre 2/53rd souffrait énormément de l’artillerie bien servie par l’ennemi. Repositionnant la mienne de façon à menacer le flanc du dispositif ennemi, je pus diminuer l’efficacité de ce feu, mais non l’éteindre, et fit monter le 2/7th au plus près de son camarade de brigade pour l’épauler du mieux qu’il était possible. Je ne voulais pas abandonner cette position, car pendant que l’artillerie française démolissait cette partie de la redoute, l’artillerie qui la garnissait faisait des ravages dans les rangs ennemis, et dégarnir son flanc était risquer sa prise, et la mise en défaut du dispositif espagnol qui pivotait autour de ce point fort. Je ne pus donc qu’observer le développement d’une offensive combinée de l’ennemi en vue de prendre cette redoute.
Le 2/53rd, ayant perdu 40% de son effectif, et attaqué par des ennemis quatre fois plus nombreux, ne put que refluer hors de l’obstacle, je le laissais donc repasser le Portiña, sûr que son sacrifice ne serait pas vain, et qu’il aurait à cœur de revenir au combat. Malgré ce revers partiel, les efforts ennemis ne suffirent pas à emporter la redoute, car la batterie Lawson, tournant rapidement ses pièces légères, déclencha un feu rapide qui fit renoncer un régiment ennemi croyant l’emporter sans risque. Une contre attaque du 2/7th suffit à dégager définitivement la redoute, d’autant plus que la batterie Elliot, battant l’ennemi d’écharpe, faisait fuir l’artillerie ennemie, en abandonnant sur place quatre pièces démontées qui furent prises le soir par les Espagnols. L’échec de cette offensive démoralisa le général ennemi, et ses attaques cessèrent sur ce point jusqu’à la soirée.
C’est à ce moment qu’un message m’arrivait de votre part, me signalant que la cavalerie de Lord Payne éprouvait des difficultés au nord, et que la brigade Cotton devait se repositionner en réserve centrale sur les arrières du Cerro de Medellin. Je transmis immédiatement votre ordre à son officier commandant, et cette brigade se mit en marche. On me dit qu’elle est arrivée juste à temps pour éviter un débordement ennemi, je ne peux donc que louer votre prescience à la déplacer, d’autant qu’elle ne m’était d’aucune utilité, l’ennemi ne semblant pas désireux de m’approcher.
Une autre offensive sur notre centre se développant sur le Cerro de Cascajal, je décidais de faire monter la brigade Kemmis en première ligne pour permettre aux Guards de faire payer très cher à l’ennemi la montée sur le cerro de Medellin par des feux de flanc. Je déployais pour ce faire le 1/3rd Guard en potence de ma ligne de front, et à peine avais-je fini que l’ennemi jettait toutes ses forces dans un dernier assaut, que je ralentissais par des feux de mousquets supplémentés par ceux de la batterie Sillery. L’offensive ennemie, ralentissait alors et échouait sans avoir réussi à faire impression sur nos soldats, et tout son monde repassait le Portiña en grande hâte sous les lazzis de nos hommes.
Il y eut alors une grande accalmie sur tout le champ de bataille, qui permit à l’artillerie française disposée sur le Cerro de Cascajal de faire subir de fortes pertes à nos troupes, puis l’ennemi jetta ses dernières forces dans la bataille et engagea ses réserves.
L’offensive ne me concernant visiblement pas, je mis à votre disposition ma dernière brigade de réserve, Mackenzie, mais l’emploi de ces troupes ne semblait pas au premier abord utile, et elles restèrent prêtes à faire mouvement.
Trois divisions se jetèrent alors sur le Cerro de Medellin, et le 1/3rd Guards se couvrit encore de gloire en culbutant deux régiments qui formaient le flanc gauche de cette offensive. Malgré tout, l’ennemi parvenait à s’emparer des pentes du cerro, et bousculait notre première ligne de troupes, avant de se faire arrêter par notre deuxième ligne, commandée par Votre Excellence. Le 1/2nd Guard intervint alors, et chargeant le flanc du dispositif adverse, dégagea les hauteurs du Cerro, forçant l’ennemi à refluer en désordre dans l’obscurité tombante, qui seule nous empêcha de faire plus de prisonniers. Les troupes ennemies aventurées sur notre position, incapables de tenir, menacées comme elles l’étaient de flanc par les Guards et de front par les brigades Donkin et Mackenzie, repassèrent le Portiña dans la nuit et se replièrent au delà de l’Alberche, couvertes par leur nombreuse cavalerie.
De l’autre côté, les officiers survivants du 2/53rd m’ayant supplié de les laisser reprendre leur position dans la redoute, je laissais cette unité diminuée mais vaillante reprendre sa place d’honneur, et faisais tout pour les aider. Mon artillerie, repositionnée d’écharpe, battait tout le dispositif ennemi, et causait des dommages tels que je vis plusieurs unités refuser d’avancer vers nous plutôt que de recevoir notre feu, et une nouvelle attaque sur la redoute se vit repoussée par les feux concentriques de toutes les unités concernées. L’ennemi reculait alors, ayant fortement souffert dans ses attaques, et ayant encore une fois échoué, grâce à la grande activité des troupes des nations alliées, à obliger la nation espagnole à se plier au joug du sois-disant roi Joseph Napoléon.
On me dit que l’armée espagnole s’est extrêmement bien comportée, et en effet les troupes que j’avais dans ma vue ont constamment repoussé l’ennemi. Je ne peux malheureusement pas vous en dire plus, car le feu de l’artillerie a très vite couvert cette partie du champ de bataille de nuages de fumée qui ont considérablement diminué ma vision de cette zone. Nul doute que le général Cuesta vous fournira une relation de sa bataille.
Lieutenant-General Sherbrooke
Commandant la 1ere Division