Bon je vais m'aérer un peu l'esprit lourd de Russie en chevauchant avec vous parmi vos exemples.
Mais auparavant une mise au point car j'ai lu plus haut que : "dans L3C ce n'est pas possible" ou "avec L3C la réussite d'une telle manoeuvre est illusoire". Qu'il soit donc bien clair que ces assertions n'ont nul besoin d'être précédées par "dans L3C" ou "avec L3C" puisqu'elles sont exactes telles quelles, je l'ai déjà dit plus haut. L3C ne fait donc que rendre la réalité, rien que la réalité, mais toute la réalité !
Parlons du combat de Sahagun du 23 décembre 1808, dont je vous livre l'extrait significatif présent dans mon L3C 15 "L'Aigle et le Léopard", page 5.
"Entretemps la cavalerie de Paget était à 16 km de Sahagun, ignorant que des Français s'y trouvent, jusqu'à ce que des paysans viennent les en informer dans le détail de leurs présence et dispositions.
Le général anglais ne laisse pas passer l'occasion et part incontinent, de nuit, avec les 10e et 15e Hussards avec lesquels il surprend, à l'aube du 21 décembre 1808, les 500 hommes de la brigade Debelle, formée des 160 hommes du 1er Chasseurs Provisoire et de 340 hommes du 8e Dragons. Avisés par les survivants de leur grand-garde, les deux régiments parviennent à sortir de Sahagun et à se déployer hors de la ville. Les Chasseurs Provisoires, ayant sur leur front des vignes, pensent pouvoir tenir de pied ferme et pointent leurs carabines contre les 500 hussards du 15e.
Certes gênés, ces derniers n'en passent pas moins à travers les ceps... et à travers les balles dispensées par des carabines pas très assurées... avant de percuter les pauvres Chasseurs et de les rejeter en désordre sur les Dragons qui se formaient derrière eux. Là le combat est plus rude, mais le général Debelle est renversé de sa monture et ses cavaliers rompent le combat à grand peine en se faisant jour vers Saldaña au prix d'une dizaine de tués et de 157 blessés et prisonniers, dont les deux-tiers parmi les Chasseurs. Le 15e Hussards britanniques perdit une trentaine d'hommes et le 1Oe, ralenti par sa traversée de Sahagun, ne trouva pas à s'engager."
Le détail ci-dessus, extrait d'une composition de Christa Hook, illustre bien le côté "jeu de quilles" évoqué plus bas. Il y manque cependant la présence "décisive" des Chasseurs provisoires en déroute qui mirent les Dragons trop près en désordre juste avant l'arrivée des Hussards les poussant.
Voici en outre, toujours tirées d'L3C 15 "L'Aigle et le Léopard", quelques constatations du médecin anglais Adam Neale qui soigna les prisonniers français :
"...j'ai visité aujourd'hui nos prisonniers ; comme tous ceux dont je vous ai parlé, ce sont de beaux jeunes gens pris parmi les différentes nations soumises à la France... leurs chevaux sont généralement chétifs, beaucoup plus petits et plus maigres que les nôtres, et, comme vous le croirez facilement, en très mauvais état ; près d'un tiers de ces chevaux sont blessés sous la selle. Telle est la supériorité de force et d'ardeur de nos chevaux qu'ils enfonçaient et renversaient ceux de l'ennemi, comme une boule abat un jeu de quilles. ...
... D'un autre côté, un grand nombre de Français sont dans une situation déplorable par l'effet de la température. J'ai été obligé de faire couper les bottes de plusieurs soldats qui n'avaient pu les ôter depuis huit jours et dont les pieds étaient dans un état de putréfaction absolue.
"Monsieur le Médecin, nous mourrons ici comme des mouches", me disait dernièrement un de ces pauvres misérables, conscrit depuis six mois, ..."
Nous avons donc des conscrits étrangers de 6 mois, malades à en mourir "comme des mouches", montés sur des chevaux chétifs et blessés, ne sachant ni hommes ni bêtes ce qu'ils font là ni comment le faire. Ajoutons par hypothèse probable des officiers incompétents et doutant (on le ferait à moins) de leurs hommes, et nous aurons un tableau mourant (j'allais dire vivant !) de cette unité de Chasseurs Provisoires que l'on trouva intelligent de déployer devant des vignes dont on devait savoir qu'elles étaient là puisqu'on y bivouaquait. De cet instant, comme il est impossible de charger à travers les vignes, il ne restait plus que l'option de tirer sur les Anglais qui eux ne le savaient pas et donc ont chargé quand même.
Bref des "fous" bien portants et bien entraînés montés sur des chevaux géants lancés au galop contre les malheureux décrits plus haut, je crois que la cause était entendue dès avant le premier et dernier coup de carabine de chacune des victimes. La faiblesse des pertes britanniques parle d'elle-même.
2e phase. Les Dragons, pas encore formés donc, sont mis en désordre par les Chasseurs en déroute, et successivement percutés délibérément par les cavaliers britanniques arrivant à fond de train et qui les bousculent "comme des boules renversent des quilles". Le général Debelle est jeté au sol de la sorte. Et les fuyards ont eu bien raison de fuir avant l'arrivée de l'autre régiment ennemi, sans quoi après un si mauvais début ils allaient encore plus mal finir.
Alors, outre tous les enseignements si particuliers ci-dessus qui montrent que l'on peut difficilement réduire une situation de guerre à quelques principes, je souligne un point relatif au sujet du post.
Dans cet exemple la cavalerie "recevant de pied ferme" ne l'a pas fait par choix mais par obligation. Elle ne pouvait pas charger ayant été déployée devant un obstacle... ni même fuir ce combat perdu d'avance, étant "resserrée" sur sa fausse position par les Dragons qui la suivaient. C'est d'ailleurs ce dernier point qui explique qu'ils aient subi de si lourdes pertes, avec aussi la faiblesse de leurs chevaux qui, pour ceux qui tenaient encore debout, n'avaient aucune chance de distancer leurs poursuivants.
D'un autre côté, n'y aurait-il pas eu d'obstacle et les Chasseurs, si tant est qu'ils en aient eu la force morale, ayant chargé, il est probable, eu égard aux éléments qui précèdent, qu'ils auraient été encore plus maltraités puisque les Anglais n'étant ni gênés ni ralentis auraient de suite exprimé tout leur nombre et leur force d'impact.
Voilà déjà de quoi réfléchir, mais avec tous les éléments en mains, en attendant un autre exemple que je vous démonterai la prochaine fois, car il est très intéressant, le combat de La Chaussée !
Diégo Mané