De l'organisation divisionnaire des armées

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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De l'organisation divisionnaire des armées

Messagepar BOUTTET Denis sur 31 Jan 2013, 12:33

Bonjour,

Je me permets de vous renvoyer à cet échange sur ce forum bien connu. L'analyse de Cruchot mérite qu'on s'y arrête quelques instants.
http://www.jeudhistoire.fr/forum/viewto ... 1&start=30

Qu'en pensez-vous ?

De mon côté, l'organisation divisionnaire me rappelle celle des armées de la république. Je n'ai pas encore réfléchi à la question mais votre avis m'intéresse.
Ils sont fous ces bretons, ils brassent la bière à l'eau de mer ...
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Re: De l'organisation divisionnaire des armées

Messagepar MELCHIOR Thierry sur 01 Fév 2013, 10:07

Bonjour,

Je regrette que Cruchot n'intervienne plus sur le forum, ces propos étaient intelligents. 8)
Pour ma part, depuis cette discussion j'ai lu plusieurs livres traitant notamment de l'organisation en corps d'armée.
À vous lire.
« Ce ne sont pas les événements qui troublent le cœur des hommes, mais les jugements qu'ils portent sur les événements. »
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Re: De l'organisation divisionnaire des armées

Messagepar MANÉ Diégo sur 01 Fév 2013, 18:56

De l’organisation divisionnaire des armées (DM le 01/02/2013)

D’une re-lecture en diagonale du texte, que j’avais parcouru en son temps, il semble ressortir que la comparaison soit faite, entre le système divisionnaire et celui des corps d’armée, non du point de vue structurel en tant que tel, mais uniquement sous l’approche de la chaîne de commandement... Et sur fond de guerre d’Espagne en général, et de la bataille de Salamanca en particulier.

Le système divisionnaire est en effet mis en pratique sous la Révolution. Jusque-là on parlait de «colonnes» dont la composition variait chaque jour, système qui survivra d’ailleurs dans les armées alliées jusqu’à la fin des guerres de l’Empire, en «doublon» avec celui des divisions et corps d’armée copiés des Français, dont on détruisait comme à plaisir tous les avantages à la veille de chaque bataille. Celle de Lützen (1813 tout-de-même !) sur laquelle j’ai travaillé récemment est un sommet du genre.

La division républicaine est le plus souvent «toutes armes», c’est-à-dire comprenant infanterie, cavalerie et artillerie. Au-dessus on parlera, comme avant, d’aile gauche, aile droite, centre, etc... entités précurseuses des futurs «corps d’armée» (dont l’appellation est du général Dessole, le chef d’état-major de Moreau à l’Armée d’Allemagne en 1800).

Ces «corps d’armées», petites armées miniature, seront parfaitement adaptés aux guerres livrées en Europe centrale avec des effectifs grandissants. En effet, dans ce cas le commandement d’armées à structure divisionnaire dépassait les capacités de commandement d’un homme seul.

Bonaparte commandait en Italie 6 unités (divisions ou services). Napoléon n’en commandera guère plus en 1805, toujours 6-8 unités, mais devenues «corps d’armée» de plusieurs divisions chacun. La faillite viendra plus tard lorsqu’il devra déléguer des commandements d’armées entières, de plusieurs corps chacune, à des lieutenants incapables de les assumer.

C’est donc la taille des armées qui justifie la structure la plus adaptée aux circonstances. En Espagne, «les grandes armées meurent de faim et les petites se font battre». On n’y vit donc la plupart du temps que des armées de la taille d’un corps d’armée, espagnoles le plus souvent, qui connaissaient leur musique, mais aussi françaises, qu’on les appelle d’ailleurs «corps» ou «armée», voire les deux successivement sans y ajouter un homme (le IIIe CA de Suchet devenant «Armée d’Aragon» par exemple).

Mais, disait en substance Marmont, un expert en la matière, «il est plus difficile de commander 10.000 hommes en chef que d’en commander 40.000 en sous-ordre»... alors en commander 40.000 en chef, je ne vous dis que çà...

C’est pourtant lui qui fera en sorte de les commander «tout seul». Son premier acte en tant que commandant-en-chef de l’Armée de Portugal fut de supprimer les corps d’armée, passant à la structure divisionnaire. Pour copier Wellington, a-t-on dit. Pour mieux asseoir son autorité pensé-je, sinon pourquoi s’être aussi débarrassé de l’encombrant, car bien plus compétent que lui, n° 2 assigné par Napoléon en la personne de Reynier ?

Sachant Marmont incompétent pour le poste (campagne de 1809 oblige) peut-être Napoléon voulut-il assurer le coup en le flanquant de Reynier, qu’il couvrit alors tardivement d’honneurs, sans doute pour faire passer la pilule (titre de Comte, ordre des Deux-Siciles, ordre de St-Henri de Saxe, etc...).

Quoiqu’il en soit je pense que l’on se trompe en attribuant la défaite des Arapiles à la structure divisionnaire (qui n’empêcha pas Wellington de gagner). Ce serait considérer que la structure en corps d’armée aurait dû nous donner la victoire à Talavera et à Fuentes de Oñoro, or ce fut tout le contraire, ces deux «victoires de Wellington» furent avant tout causées par de trop nombreux niveaux hiérarchiques, certes, mais aussi et surtout de bien trop mauvaise volonté et adeptes du «chacun pour soi». De «simples» divisionnaires eussent sans aucun doute beaucoup mieux fait, voire vaincu.

Penser qu’il en serait allé différemment à Salamanca (en Français «Les Arapiles») est au moins hasardeux.

Il eut d’abord fallu qu’après s’être débarrassé de tous ceux ayant un titre au poste (Junot, Loison, Reynier) sous prétexte de réorganisation, Marmont fasse marche arrière et en nommât provisoirement d’autres, rivaux en devenir, qui reçoivent ensuite et en outre l’assentiment de l’Empereur.

Or ce dernier nommait bien plus volontiers en fonction de la fidélité que de la compétence, sinon comment expliquer, entre autres, la longue litanie d’incompétents maintenus à la tête de la Garde en Espagne (Bessières, Dorsenne, Cafarelli...). Et s’il avait nommé quelqu’un de compétent c’est Marmont qui ne l’aurait pas supporté, l’exemple de Reynier est parlant.

Aurait-on conservé le cadre existant lors de la disgrâce de Masséna que, peut-être, la mauvaise volonté de l’un où l’autre, en ralentissant l’exécution des ordres de Marmont, aurait évité le désastre, car il vint bien de ses ordres, à lui tout seul donc, et non de la structure du commandement.

Lui tout seul car certes «la gloire ne se partage pas !», dixit Neÿ, un autre expert en camaraderie... Même quand on vous la propose toute sans arrière pensée, comme le fit Dorsenne, mauvais général mais bon camarade, qui vint à l’aide de Marmont avec l’Armée du Nord (dont la Garde !) fin 1811.
Incompétence où duplicité, Marmont laissa s’échapper Wellington, en grande difficulté à Fuenteguinaldo... plutôt que de «partager la victoire» ?

Le seul avantage tangible de l’organisation divisionnaire des Français à Salamanca fut de rendre les ordres de Marmont indiscutés, et c’était le but premier, peut-être même unique, de l'organisation divisionnaire mise en place. Cela ne les rendit pas meilleurs pour autant, et c’est là tout le drame.

Marmont a cherché à se dédouaner dans ses mémoires, mettant la défaite sur le compte de sa blessure. Sauf que les choses étaient déjà irrémédiablement compromises lorsqu’elle se produisit.
Bonet qui le remplaça n’y put rien.

A lire l’excellent article dont nous régale actuellement Bruno Masson, il semblerait que Clausel, qui vint ensuite à commander, aurait eu l’occasion de faire mieux qu’il ne fit... mais «après la bataille tout le monde est stratège», et par ailleurs le général n'eut jamais l'occasion de prouver sa valeur en tant que général en chef sur un champ de bataille... à part son coup d'essai malheureux ce jour-là.

Dans le même ordre d’idées on peut aussi spéculer sur le fait qu’un Reynier qui serait resté à l’armée de Portugal en tant que n° 2, prenant sans délai le commandement après la blessure de Marmont, aurait au moins «sauvé les meubles», comme il le fit souvent en d’autres circonstances, et avant et après... Mais alors il n’aurait pu le faire en Russie à la même époque...

«Les (vrais) hommes de guerre se font rares» dira Napoléon début 1813.

Ce qui nous ramène a la conclusion, que je vous martèle une fois de plus, au cas où, qu’elles soient en divisions ou en divisions ET en corps d’armée, «il n’y a pas de mauvaises troupes (ni en l’occurrence de mauvaise organisation) il n’y a que de mauvais généraux !».

Les «victoires de Wellington», et cela durera jusqu’à Waterloo, sont d’abord les défaites d’adversaires qui se sont battus eux-mêmes.

Diégo Mané

Liens relatifs :

1) Sur Talavéra, voir page 3, sur le commandement.

http://www.planete-napoleon.com/docs/Ta ... enario.pdf

Sur Salamanca, voir le passage intitulé «le gambit de Clausel».

viewtopic.php?f=1&t=794&start=15
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Re: De l'organisation divisionnaire des armées

Messagepar MELCHIOR Thierry sur 01 Fév 2013, 21:28

Tu es toujours aussi intéressant et instructif à lire, merci Diégo. :)
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