Il fait chaud, très chaud même... Mais je vais tenter de garder la tête froide...
Je réponds au message de François du 28 juin 2015.
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DM dixit
«C’est faux, rien n’empêche la cavalerie fraîche de poursuivre une armée vaincue de nuit»
FL dixit
il y a deux exemples, mais ce ne sont pas des exemples d’armée vaincue, mais d’armée débandée. Je ne suis pas sûr que l’armée prussienne était débandée à ce point à Ligny. Le combat de nuit tenait de la roulette russe. Je trouve prudent de ne pas avoir couru ce risque.
Réponse DM
Alors oui et non. Déjà "il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre" et "qui ne tente rien n'a rien". Le rôle de la cavalerie, surtout légère, au soir d'une bataille gagnée est de coller aux basques de l'ennemi. C'est tellement normal que cela ne devrait pas nécessiter d'ordres... Mais bon, Napoléon à habitué ses généraux à ne pas prendre d'initiatives et donc il lui fallait ordonner cette évidence. Or il ne l'a pas fait quand bien même Grouchy le lui aie expressément demandé dès le soir de Ligny... Soulignons qu'alors, du moins l'Empereur l'a écrit, il pensait que l’armée prussienne était en déroute.
Il n'est donc même pas question de savoir si l'on devait engager un "combat de nuit" avec l'infanterie, ce qui est effectivement à-militaire. On suit l'ennemi au contact avec des patrouilles. Si cela cède devant on enfonce le clou, sinon on se contente de garder le contact et cela aurait suffi pour savoir positivement où étaient les Prussiens et quelle contenance ils manifestaient. Partant l'Empereur ne se serait pas complètement trompé sur ces deux points et n'aurait probablement pas perdu la campagne.
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DM dixit
« Napoléon a transformé dans le Mémorial de Sainte-Hélène ses erreurs en malchance, ses fautes en fatalités, sa défaite tactique en victoire médiatique »
« Vous revenez sur les marottes des inconditionnels napoléoniens influencés par le Mémorial, tout est la faute de Grouchy ».
FL dixit
Oui c’est vrai aujourd’hui la « mode » chez les historiens est d’être « anti-Napoléon » et « pro-Talleyrand »...
Réponse DM
Prenez garde, François, à ne pas vous laisser entraîner à vexer des gens sans le vouloir.
En effet, puisque vous critiquez mon texte et mes opinions je serai porté à prendre pour moi ce qui ne l’est peut-être pas. En l’occurence «anti-Napoléon» pas du tout, et pro-Talleyrand» encore moins.
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FL dixit
«...alors je suis peut-être un fanatique du dieu Napoléon, un hérétique qui ne veut pas voir la réalité.»
Réponse DM
Là c’est vous qui le dites...
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FL dixit
«Mais je ne prend pas pour argent comptant les thèses de ces historiens qui crachent sur Napoléon et comme Talleyrand se font de l’argent sur son dos.»
Réponse DM
Alors pour continuer je ne crache sur personne en général et moins encore sur Napoléon, quant’à penser que je me fasse de l’argent sur son dos, il ferait beau voir, même si mon épouse aimerait bien qu’un jour les dizaines de milliers d’heures que j’y ai consacrées bénévolement me rapportent ne serait-ce qu’une modeste rétribution pour arrondir nos retraites.
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FL dixit
Napoléon à Sainte-Hélène selon eux « n’explique » pas sa bataille, il se « justifie », parce qu’il est coupable, parce qu’il est criminel.
Réponse DM
Napoléon n’est pas un simple général, c’est aussi un politique qui a toujours su se mettre en scène. Il avait déjà «arrangé» à sa manière Marengo (qui en avait bien besoin) et Austerlitz, victoires comme on le sait, mais aussi tous les revers ou demi-succès de l’épopée. Rien de mal à cela, c’est de bonne guerre et «les autres» faisaient pareil mais avec moins de talent. Waterloo fut seulement beaucoup trop difficile à transformer en victoire, impossible même vu l’ampleur du désastre.
Alors se justifier ? Même pas. Il ne pouvait tromper ses ennemis, qui d’ailleurs se moquaient du flacon pourvu qu’ils aient l’ivresse. Il fournit seulement à ses très nombreux partisans la version qu’ils attendaient pour la promouvoir à travers le monde et les siècles. Le succès dépassa toute logique.
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FL dixit
On donne à Napoléon le pouvoir inouï « d’écrire l’Histoire », qui peut se prévaloir d’écrire l’Histoire ? Surtout quand tous les protagonistes sont vivants et écrivent eux-mêmes leur bataille. On donne à Napoléon le pouvoir d’écrire l’Histoire pour mieux prouver qu’il a menti et tout planifié, bien sûr ceux qui croient en leur dieu Napoléon se font avoir, mais pas les gens lucides.
Réponse DM
«Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire» dit le proverbe que Napoléon fit mentir en étant le premier vaincu à le faire. Cela paraît incroyable mais c’est un fait avéré que je ne perdrai pas davantage mon temps à prouver... Le «Mémorial de Sainte-Hélène» a de très loin surpassé la diffusion de tout ce qu’ont pu produire tous les «protagonistes» de leur vivant.
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FL dixit :
Alors oui, je défends Napoléon...
Réponse DM
Je vous assure qu’il n’en a pas besoin, et d’ailleurs personne ici ne l’attaque. Nous ne faisons que discuter des aléas de la campagne qui fut certes perdue par sa faute, mais c’est un fait, une successions de faits ou de non-faits si vous préférez, que nous discutons, pour l'amour de l'art militaire, et jamais une "agression" de la mémoire de l'homme que nous admirons tous !
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FL dixit :
Parce que pour moi ce n’est pas juste, Grouchy n’est pas le « pauvre Grouchy qui a obéit aux ordres de Napoléon (donc la faute est à Napoléon) » pour moi Grouchy a commis 4 erreurs impardonnables :
1 ; Il n’a pas flanqué Napoléon, il était « en l’air », contrairement aux ordres et aux usages de l’époque.
Réponse DM
Bruno vient de répondre. J’ajoute que ce n’était en rien contraire à ses ordres, quant’aux usages, avec Napoléon, ils se bornaient, justement, encore une fois, à exécuter ses ordres.
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FL dixit :
2 ; il a laissé Blücher, faire une marche de flanc sur son front. La marche de flanc au contact de l’ennemi est une erreur grave. Il n’a pas corrigé Blücher dans cette circonstance.
Réponse DM
La marche de flanc a justement pu s’initier car l’ennemi n’était pas au contact (à cause des 12 à 16 heures de retard imputables à Napoléon), et se continuer sans être au moins repérée (il n'était alors plus temps de l’empêcher) par suite de l’incompétence d’Exelmans, dont toutefois Grouchy était responsable puisque son chef désigné.
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FL dixit :
3 ; il a attaqué une ville derrière une rivière comme un bourrin frontalement alors qu’il pouvait faire passer en tout ou partie son armée en amont sur l’autre rive.
Réponse DM
Là c’est totalement de la faute de Vandamme, qui avait bel et bien, lui, des ordres contraires de Grouchy qu'il choisit d'ignorer pour en faire à sa tête. Le «mauvais coucheur», déjà coupable de plusieurs retards, ajouta celui-là avec force pertes inutiles à la clé. Nonobstant, quand bien même il n’obéisse pas à Grouchy, ce dernier est quand même responsable de lui en tant que son chef, comme Napoléon l’est par rapport à Grouchy ! Cela s’appelle la hiérarchie.
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FL dixit :
4 ; il n’a pas écouté les avis de ses lieutenants qui étaient des chefs expérimentés.
Réponse DM
Oui da, mais pas plus que lui, voire plutôt moins ; Grouchy était déjà général en 1792 quand Gérard et Vandamme n'étaient que simples soldats. Et d’ailleurs on parle surtout de Gérard qui veut marcher au canon, et pas de Vandamme qui fut de l'avis contraire.
De toutes façons le maréchal n’en avait pas l’intention, pour une fois qu’il avait des ordres clairs à exécuter il ne comptait pas s’en écarter, n’ayant aucune raison de le faire.
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FL dixit :
Grouchy a failli dans sa mission de s’occuper de Blücher
Réponse DM
Oui, cela est certain, mais le bien trop tardif des ordres relatifs de l'Empereur le mettait d’emblée dans la perpective de ne pouvoir les remplir correctement car «le temps perdu ne se rattrape jamais» en général et à la guerre en particulier.
Il ne pouvait dès lors aucunement arrêter Blücher. Il n'en reste pas moins qu'il ne l'a pas arrêté, c'est sûr, et que c'est ce qu'on lui reproche depuis deux siècles !
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FL dixit
il n’a pas pris d’initiative comme Davout qui envoie une division à Lannes à la bataille de Pultusk.
Réponse DM
Alors déjà vous placez la barre très haut avec Davout et Lannes, mais en termes de camaraderie Grouchy les valait bien qui souvent aida les uns ou les autres au cours de ses nombreuses campagnes.
Mais une fois encore il n’était demandé aucune initiative (opérationnelle du moins) à un lieutenant de l’Empereur. Seule la stricte exécution des ordres reçus était escomptée.
Il est juste de reconnaître qu’elle eut très souvent suffi à transformer en victoires les très nombreux revers de 1813-1814, notamment à Leipzig... Mais dans le cas de Waterloo cette obéissance eut l’effet l’inverse, tout simplement parce-que cette fois là l’Empereur s’était totalement trompé, ayant pris ses désirs pour des réalités.
Cela arrive aux meilleurs, et en l’occurrence qui nous occupe est arrivé au meilleur des meilleurs.
C'est l'endroit de rappeler le sous-titre de mon article, citation un rien prémonitoire :
"A la guerre, un grand désastre désigne toujours un grand coupable" (Napoléon).
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FL dixit
Ma conclusion n’est pas celle impartiale d’Olivier, mais au moins ça fait vivre le débat.
Réponse DM
Bon, je ne suis pas d’accord avec vous, mais c’est un débat et nous sommes sur un forum où tous ceux qui le souhaitent peuvent s’exprimer, sous réserve de ne pas sortir des clous.
Personnellement, le débat pour le débat ne m’intéresse pas car il y a beau temps que j’ai cessé de charger les moulins à vent ; je le faisais dans ma jeunesse, croyant éclairer mes prochains, avant de collectionner les désillusions en constatant que beaucoup préféraient leurs obscurités à mes lumières.
Donc je n’éclaire que ceux qui le veulent bien. En aucun cas je ne veux jouter avec quiconque se pose en inconditionnel de quoi que ce soit car «il n’est de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir».
Nous connaissons votre point de vue car il est tout entier décrit dans le «Mémorial de Sainte-Hélène» (que tout un chacun ici devrait avoir lu). Fort heureusement, concernant la période qui nous intéresse, le délit de «révisionnisme» n’est pas encore institué, et donc il est permis de contester, notamment lorsqu’ils sont manifestement faux, les écrits sublimes du «Maître des batailles».
Mais le texte est tabou pour bien des gens, et Grouchy s’est trouvé promu premier dans ce concours de circonstances, devenant le plus célèbre bouc-émissaire de l’histoire moderne.
Vous pourriez malgré tout lire au moins un autre son de cloche que le Mémorial, fut-il d’avance voué aux gémonies de l’époque, mais même un coupable («présumé» ajoute-t-on aujourd’hui) a le droit de se défendre.
* Par exemple non exhaustif : "Mémoires du maréchal de Grouchy", T4, Paris 1874.
La défense du maréchal à épuisé des dizaines, voire des centaines, de conquérants de l’impossible, et je ne veux pas me coller à la tâche (cf les moulins à vent plus haut). Si toutefois cela vous intéresse -cela ne va pas vous plaire- il y a foule de documents allant dans ce sens, tous plus factuels les uns que les autres, que vous trouverez facilement sur le net. Je vous en communique un assez clair pour au moins admettre à l'analyse des faits (ordres, heures, distances, topographie, etc...) que «c’est troublant».
http://napoleon1er.perso.neuf.fr/Grouch ... oire2.htmlJe vous en souhaite bonne et instructive lecture, mais laisserai à d’autres que moi le soin de discuter plus avant là-dessus car je n’ai plus rien à ajouter...
Ah, si, tout-de-même.
A vous entendre Grouchy était un total incapable. Je ne suis pas d’accord, le jugeant même bien plus compétent qu’une grosse moitié des maréchaux de l’Empire, tous responsables à divers degrés de la chute finale.
Nonobstant, vrais ou faux incapables partageaient un point commun. Ils avaient tous été nommés par Napoléon lui-même, au moins coupable de ces «erreurs de casting» assez crasses pour lui avoir coûté deux fois son trône !
Diégo Mané