le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Tous les sujets relatifs aux guerres de la Révolution et de l'Empire (1792-1815) ont leur place ici. Le but est qu'il en soit débattu de manière sérieuse, voire studieuse. Les questions amenant des développements importants ou nouveaux pourront voir ces derniers se transformer en articles "permanents" sur le site.

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le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 01 Mai 2024, 15:32

Bonjour,
Voici un sujet lié au ravitaillement impérial (autrichien) pendant la première Coalition et en grande partie valable après. En effet, le système du ravitaillement impérial n'a pas connu de réformes importantes sauf liées à celles des économies budgétaires suite à la quasi-faillite de l'état impérial et royal des Habsbourgs.
Il est issu des travaux de l'historien P. SWOBODA et à sa traduction par mes soins (et des corrections apportées par des lecteurs) et avec certains apports complémentaires.

Il est important de préciser le contexte initial :
L'Empire des Habsbourg est sorti transformé, même si battu des trois guerres de Silésie (dont la Guerre de Sept Ans) entre 1740 et 1763, cela en grande partie grâce à l'action du couple impérial Marie-Thérèse et son mari François, le duc de Bar et de Lorraine. L'action économique de ce dernier est considérable. Pour exemple, à sa mort en 1765, sa fortune issue de ses productions comble le déficit complet de l'état habsbourgeois.
Cependant, l'Empire veut jouer les grandes puissances et participe aux partages de la Pologne et surtout à des guerres contre son ennemi le plus dangereux, l'empire Ottoman. En 1789, la Révolution française et la révolte des Pays-Bas (l'actuelle Belgique) le surprennent alors qu'il est à nouveau en conflit armé avec son voisin du Sud-Est.

Un des grands problèmes de son armée, outre son caractère pluriethnique (Autrichiens, Hongrois, Tchèques, Slovaques, Lombards, Toscans, Ukrainiens (on les appelait des Transcarpatiens), Polonais, Croates, Slovènes, populations juives (elles sont en ghettos à l'époque), Roumains, Saxons de Transylvanie, Wallons, Flamands) dominée par une hiérarchie autrichienne et hongroise, était son ravitaillement en nourriture et en équipement. En raison de ses alliances allemandes et de sa composition mais aussi de son engagement dans les Balkans, pays très pauvre, l'armée est obligée de ne pas vivre sur le terrain. Cela amène des conséquences que l'on va voir
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar LE LAN Bernard sur 02 Mai 2024, 10:47

J'attends la suite avec impatiente!
:grin: :grin: :grin:
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 03 Mai 2024, 15:37

Voici la préface du D. SWOBODA ( la version allemande est sur le site Academia.edu . C'est une thèse de doctorat de l'université de Vienne (Autriche) : Österreichische Heeresversorgung im Ersten Koalitionskrieg", Wien 2009 . Elle fait 110 pages et 10 de bibliographies).
Je n'ai pas eu de réponses sur les droits de publication mais voici la préface. Sans accord, je ferais un résumé de présentation :
Préface
Mon lien personnel avec ce thème se compose de deux domaines d'intérêt se composent de deux domaines. Le premier est ma soif de connaissance dans le domaine de l'histoire économique et le second est mon intérêt pour les guerres napoléoniennes. La combinaison des deux a débouché sur le présent travail.
La première fois que je me suis penché intellectuellement sur l'approvisionnement des armées, c'était lors d'un récit de mon père. Il m'a parlé d'un officier de ravitaillement, qui, pour le transport du pain, déterminait le nombre de camions en fonction de la charge maximale autorisée par essieu. Ses calculs se sont avérés problématiques dans la mesure où il ne pouvait pas transporter toutes les charges. Le camion pouvait certes transporter de lourdes charges, mais le volume de chargement était insuffisant pour une telle quantité de pain. Mais il n'y avait pas assez de pain !
Cette histoire m'a montré que le ravitaillement de l'armée n'était pas aussi simple à réaliser que je le pensais et imaginé.
En discutant avec des collègues, j'ai également remarqué que les gens avaient des idées bien arrêtées sur la manière dont le ravitaillement devait se dérouler. La phrase que j'ai le plus souvent entendue est la suivante : "Tout est transporté sur des chariots dans le convoi et si cela ne suffit pas, on allait le chercher dans la population".
Cette dépendance à l'égard des richesses du pays et les problèmes que cela pouvait poser en cas de repli, était pour moi pourtant inconnue, mais une raison d'approfondir le sujet. Pour un commandant, les situations et les conditions imprévisibles de toutes sortes sont très problématiques. Le ravitaillement en nourriture et en munitions devait au moins être calculé et assuré avant le début d'une campagne militaire.
Au cours de mes recherches, mes suppositions ont été confirmées, à savoir qu'il existait une réglementation très stricte en matière de planification des denrées alimentaires, le règlement de service et d'autres prescriptions afin de garantir la capacité de combats des soldats. Cela comprenait également l'approvisionnement en nourriture.

De l'autre côté, il y avait la rentabilité de l'armée. La mise en place, le ravitaillement et l'entretien courant d'une armée étaient liés à des coûts énormes. Un train de trop grande envergure n'aurait été supportable pour aucun État. De plus, la flexibilité de l'armée est très fortement limitée par des trains surdimensionnés. Ainsi, chaque puissance européenne a développé des systèmes qui devaient permettre, d'approvisionner au mieux les troupes existantes en fonction des scénarios de menace.
Pour l'Autriche, en raison des conflits depuis 1740, il s'agissait de la Prusse et surtout de l'Empire ottoman. Pour ces raisons, une grande partie des dépenses de l'armée en termes d’approvisionnement en temps de paix se sont concentrées sur la Bohême et la frontière militaire.
Dans les pages qui suivent, je me suis penché sur les règles et les expériences concernant les systèmes de ravitaillement à l'époque de la première guerre de coalition. Cette guerre est fortement liée à des de faillites, de malchances et de pannes, mais aussi de prouesses logistiques, qui sont devenues la pierre angulaire de la logistique moderne.
Je tiens à remercier tout particulièrement mon directeur de thèse, le professeur Bruckmüller, les collaborateurs des Archives nationales autrichiennes, ainsi que l'équipe de l'Office fédéral de la statistique. Hutterer et Dr. Hochedlinger, ainsi que le colonel Krammer. Grâce à leur aide, j'ai pu terminer ce travail.
Dans la liste des magasins de l'archiduc, mentionnée dans le chapitre "Magasins", pages 49 - 53, la plupart des villes étaient en Bohême
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 29 Mai 2024, 06:03

Bonjour, voici le plan de l'étude :
- Préface
-Introduction
- Qu'est ce que la logistique ?
- Signification et importance de la logistique à l'époque couverte.
- Organisation de la logistique
---Organisation de l'armée
--- Direction de l'armée
-Infanterie
- Cavalerie
- Troupes techniques
- Le train
- Conclusion
- Annexe
-- Remonte de la cavalerie
-- Règlement d'achat de chevaux
-- Taille des portions
--Mesures
-- Lois pour l'armée de 1785
- Règlement pour l'infanterie impériale et royale 1769 - concernant le ravitaillement
- Divers écrits 1794
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 29 Mai 2024, 06:19

Suite,

Il est important de se rappeler que l'empire des Habsbourg est d'abord une agrégation de territoires qui ont conservé leurs particularismes juridiques. D'ailleurs, le titre de l'empereur en 1791 est le suivant :
empereur du Saint-Empire Romain Germanique, roi des Romains, roi de Jérusalem, Hongrie, Bohême, Dalmatie, Croatie, Slavonie, Galicie, et Lodomérie ; archiduc d'Autriche ; duc de Lorraine, Salzbourg, Wurtzbourg, Franconie, Styrie, Carinthie, et Carniole ; grand-duc de Cracovie ; prince de Transylvanie ; margrave de Moravie ; duc de Sandomir, Masovie, Lublin, Haute et Basse-Silésie, Auschwitz et Zator, Teschen, et Frioul ; prince de Berchtesgaden et Mergentheim ; prince-comte de Habsbourg, Gorizie, et Gradisce et du Tyrol ; et margrave des Haute et Basse-Lusace et d'Istrie »

Il devient après le traité de Presbourg en décembre 1805 ;
empereur d'Autriche ; roi de Jérusalem, Hongrie, Bohême, Dalmatie, Croatie, Slavonie, Galicie, et Lodomérie ; archiduc d'Autriche ; duc de Lorraine, Salzbourg, Wurtzbourg, Franconie, Styrie,
Carinthie, et Carniole ; grand-duc de Cracovie ; prince de Transylvanie ; margrave de Moravie ; duc de Sandomir, Masovie, Lublin, Haute et Basse-Silésie, Auschwitz et Zator, Teschen, et Frioul ; prince de Berchtesgaden et Mergentheim ; prince-comte de Habsbourg, Gorizie, et Gradisce et du Tyrol ; et margrave des Haute et Basse-Lusace et d'Istrie ».
A ces titres se rajouteront les titres de Roi de Lombardie- Venetie.

Comme dans de nombreux cas, la langue courante était différente, par droit de fait, l'Allemand s'imposait comme langue des officiers (pendant la 1ere guerre de Silésie, avant c'était le Français).
. Par contre, l'Autriche fut la première à militariser son service de Ravitaillement (1782 mais dès 1756 le Ravitaillement est sous la conduite d'un Commissariat). La raison était simple : c'était une manière d'aplanir toutes ces disparités juridiques, mais l'Empire-Royaume-Duché sombrait dans son défaut majeur : la bureaucratie. Cela venait des normes à imposer à tous les fournisseurs (taille des portions, type de vêtement, monture...)
L'autre raison devait être l'attachement du soldat. Dans ce domaine, il est à noter que jusqu'en 1918, cela réussit parfaitement dans l'armée régulière (taux de désertion faible, attachement profond au souverain et à sa famille...).
Enfin, les souverains habsbourgeois étaient parfaitement conscients que la disette chez les soldats était le premier facteur de défaite. La 1ere guerre de Silésie les avait terriblement sanctionnés sur ce sujet. L'armée s'était disloquée faute de nourriture et la population s'était levée contre celle-ci en 1740, favorisant grandement la victoire de Frédéric II de Prusse.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 01 Juin 2024, 09:25

Pour l’époque la logistique, qu’est-ce, même si ce mot n’est pas encore utilisé dans son sens actuel. C’est en fait amener à chaque propriétaire de compagnie et de régiment les biens nécessaires pour nourrir, vêtir, seller les chevaux et permettre le combat. Ces derniers étaient responsables de le distribuer à chaque soldat. Cela signifie qu’en campagne, la logistique doit s’adapter aux besoins de l’armée et aux terrains sur lesquels elle combat.
Rappel important : un soldat est une personne recrutée le plus souvent dans des conditions pas toujours très fines et qui est soumis à une rude discipline, même si celle-ci s’humanise peu à peu mais la peine de mort est souvent la peine la plus commune. Les punitions corporelles existent mais ne sont pas les plus courantes. Le problème du mode de recrutement est la désertion et pour les officiers, l’achat des commission. Cela a tendance a provoqué des détournements par surestimation des unités car les officiers ont souvent tendances a vouloir vivre au-dessus de leurs moyens ou à des standards, notamment en campagne, qui sont coûteux.

Si l’on revient au sujet, le système de ravitaillement s’appuie sur des magasins, des dépôts (ou des étapes suivant le terme français et prussien de l’époque) et des relais. Le plus important est le magasin, le plus faible est le relais. Tous sont reliés à une ligne de communication qui va d’une forteresse située dans le pays à l’armée. La vie sur le terrain n’est plus de mise dans les armées de l’époque depuis les suite de la guerre de Trente ans, jugée beaucoup trop catastrophique pour les états par tous les états de l’époque.

Ce système s’appuie sur des contrats avec des civils qui sont chargés de la production et de l’acheminement des produits mais à leurs risques et souvent périls. En effet, le contrat en temps de guerre leur confère des obligations mais aucune protection militaire. La guerre de Succession d’Espagne puis la 1ere guerre de Silésie (1740-1742) avaient été gérée comme cela, mais les troupes des Habsbourg en Silésie, prises au dépourvue, n’avaient pas été en mesure d’être ravitaillées et outre les défaites militaires, elles s’étaient dissoutes dans la nature pour se substanter. De plus, le gouvernement de Marie-Thérèse perdait totalement confiance dans les contractants privés.

De là de nombreuses mesures avaient été prises (accompagnement, marches vers des forts…) mais cela nécessitait de nombreuses obligations et donc un coût financier pour l’Etat considérable.
En 1782, la militarisation en Autriche du corps de transports (Fuhrwesenkorps) se voulait la solution pour éviter les gaspillages mais aussi régler les difficultés du transport (discipline, encadrement, ordres) et donc réduire les coûts financiers. Rappelons que le financement d’une armée dans ses dépenses courantes est important : en 1791, les dépenses ordinaires de l’armée impériale (L’empire n’est pas encore en guerre contre la France et ne l’est plus contre les Turcs) représente 25.256 millions de florins, dont 1.3 million pour la seule fourniture de pain. Ces dépenses courantes couvrent l’entretien des casernes et des forteresses, le recrutement, l’achat des chevaux, l’équipement des soldats et des chevaux et son entretien et l’alimentation des chevaux et des hommes. Les soldes pour uniquement les unités d’infanterie (59 régiments) 31.523 millions de florins.
Ces montants représentaient à peu près les 2/3 des recettes fiscales de l’empire en temps de paix. Des solutions « pour alléger » ce coût étaient appliquées :
- Coût réparties sur les provinces, notamment les casernes et la fourniture de l’alimentation
- Le recrutement était à la charge des propriétaires de compagnies et de régiments
- L’émission bancaire, les fameux billets de banques « Banknoten »
- Des encadrements stricts des emballages des « paquets »
- Un recours en temps de guerre à des contractants connus des militaires et sous leur responsabilités en cas de pénurie. Ce qui était quasiment systématique suite aux énormes difficultés pour trouver des chevaux et les charriots respectant les normes, alors que l’armée s’accroissait grandement.

En 1795, la moitié des dépenses de l’armée revenait au transport de ces biens pour le soutien de l’armée.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar FONTANEL Patrick sur 02 Juin 2024, 18:47

Très intéressant, merci Nicolas-Denis.
Je me permets de poser des questions que j'enlèverai si les réponses apparaissent dans le texte (ou si elles n'ont pas d'intérêt).
1) En quoi les billets de banque diminuent-ils le coût logistique ?
2) idem pour les encadrements stricts des emballages des « paquets » ? (qu'est-ce ?)
La force d'une armée, comme la quantité de mouvement en mécanique, s'évalue par la masse multipliée par la vitesse.
[Napoléon Bonaparte]
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 03 Juin 2024, 09:09

Comment était réguler les fournitures militaires :
1) Les fournitures d’avance : pour l’approvisionnement en cas de besoin soudains et lutter contre les pénuries. Chaque magasin devait avoir quatre mois de ravitaillement (mais l’auteur n’a pas trouvé l’effectif que cela couvrait)
2) Les fournitures de guerre : Contrairement au précédent, l’approvisionnement était défini précisément. Cela représentait en 1782 que 1/12 du grain, 1/10 de l'avoine ou de l'orge et 1/8 de la récolte de foin et d’avoine doivent être stockés. Chaque région était aussi priée de fournir chaque année des quintaux de farine.
3) Les fournitures d’approbation pour les places : c’était le stock de chaque forteresse impériale ou royale.
4) Les transports : le transport entre magasin et le lieu de stockage par des véhicules de location quotidiens. Par contre, les régiments devaient apporter leurs propres containeurs tant pour le ravitaillement et les munitions.
Suite à l’expérience de la guerre de Sept Ans, le système autrichien avait très bien fonctionné et se basait sur des relais tous les deux jours de marche. Par contre, lors de retraite, les systèmes de sécurité montrèrent les limites de son organisation. Les relais, magasins et dépôts n’avaient quasiment pas les moyens d’évacuer les quantités stockées et celles-ci servaient souvent, notamment aux Révolutionnaires français, à l’ennemi.
Au retour de la paix, chaque magasin devait revenir à leur stock de paix. Le surplus devait être vendu, mais les contenants par contre devaient être stockés autant que possible et avec précaution.

Comment était organisé les convois :
Les convois consistaient de four et de chariot. Le four lui est mobile mais ne bouge pas d’un dépôt, relais ou magasin. Le chariot fait le circuit entre le four et les régiments. L’objectif était de pourvoir à trois jours de nourriture en deux jours de production. Cela représentait par four 1500 à 2250kg de pain produit par jour.
Les convois étaient organisés en trois éléments. Un fixe et deux escadrons de wagons de ravitaillement. Un partait alors le second restait et attendait l’arrivée au but du premier pour partir souvent par une route identique. Chaque chariot avait un conducteur, chaque escadron avait un chef, et chaque convoi avait un dirigeant. Ce dernier avait la responsabilité d’organiser les croisement.
La vitesse de marche était entre 2 et 5 Km/h et au maximum pendant six heures de marches. Cela représente une autonomie de 60-150 km, portée éventuellement à 210 Km en fonction de la construction de relais.
Comment était estimé les besoins :
Le calcul était très précis tant pour les hommes et les animaux car répondait la planification. Un animal recevait une portion d’équivalence allant de deux à cinq fois celle de l’humain en fonction de la charge tractée et de la distance parcourue. Tout était très bien défini par écrit.
De plus, les besoins variaient en fonction de la zone (montagne, plaine…) et de la saison.
Le paiement des besoins
Quel que soit le lieu et le mode d’acquisition des fournitures, celles-ci devaient être payées pour les Autrichiens. Ceux-ci, surtout en territoire ennemi étaient à retirer auprès gouverneurs et commissaires en place en site de dépôts. En territoires amis (Saint Empire, Italie), ceux-ci étaient réglés par des contrats avec les dirigeants locaux.
Les réquisitions en territoire ennemi étaient payées soit par les Commissaires soit par les Commandants d’unités.
Le paiement se faisait par du papier-monnaie ou par timbres s’il y avait un contrat. Ce dernier s’annulait dès le règlement alors que les billets de papier pouvaient être échangés contre des pièces d’argent ou d’or.
En 1788, il y avait pour 20 millions de florins en papier-monnaie en circulation. En 1799, il y en avait pour 141 millions. L’Etat était alors en banqueroute, car il n’avait pas les ressources pour rembourser, il imposait alors une circulation des billets comme monnaie d'échange.
Dernière édition par REMY Nicolas-Denis le 07 Juin 2024, 16:24, édité 1 fois au total.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 03 Juin 2024, 09:24

FONTANEL Patrick a écrit:Très intéressant, merci Nicolas-Denis.
Je me permets de poser des questions que j'enlèverai si les réponses apparaissent dans le texte (ou si elles n'ont pas d'intérêt).
1) En quoi les billets de banque diminuent-ils le coût logistique ?
----Réponse : le problème des caisses d'argent à transporter. Les billets et timbres sont plus légers et surtout cela apparemment évitait la spéculation des biens, car tout était fixés par avance et seul un commissaire ou un chef d'unité pouvait payer cette logistique.
2) idem pour les encadrements stricts des emballages des « paquets » ? (qu'est-ce ?)

----Réponse : les emballages normés sont fournis par des achats contractés et organisés par normes. Cela permet des empilements dans des contenants normés. Chaque contenant a un poids maximum et surtout des éléments tractants définis à l'avance. Cela permet aussi de planifier les besoins tant en matériel, en entretien et en nourriture des animaux.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 15 Juin 2024, 09:21

L’arme du Train impérial ( Fuhrwesenkorps)

Par train, on entend deux éléments : le système des attelages et celui du transport de ravitaillement (en France, il est appelé Train des équipages).

Nous verrons ici que le deuxième, soit ce qui concerne le transport de ravitaillement.
A l’origine de corps militaire venait la déroute du ravitaillement impérial lors de la 1ere guerre de Silésie (1740-1741). A cette époque, en temps de guerre, l’état faisait appel à des convoyeurs privés, qui coûtaient très cher et était peu fiable.

En 1782, afin de limiter ces coûts avec une guerre contre les Ottomans qui se préparait, les dirigeants impériaux créaient le Fuhresenkorps. Sa mission était de transporter tout le ravitaillement des armées en temps de paix mais aussi en temps de guerre.

Il y avait trois éléments dans ce corps : les animaux de somme ou de bâts (dit « de combat »), les animaux de wagons et les chariots.
_Les premiers sont destinés à porter directement des charges, par exemple pour les troupes de montagne ou pour des petits bagages des unités (tentes, pioches…) et des chirurgiens. Ce sont les seuls à pouvoir se mouvoir sur tous les terrains. Il y a en moyenne 8 à 10 chevaux par compagnie d’infanterie ou peloton de cavalerie.
_Les seconds sont les animaux de traits de wagons. Ces animaux sont destinés aux bagages lourds et aux provisions (pains, boucherie) mais aussi les hôpitaux de campagne.
_Les wagons et les chariots sont destinés uniquement au ravitaillement et pas par exemple les véhicules de ports d’artillerie. Ces véhicules de ravitaillement lourd ne fréquentent que les routes ou les chemins donc dépendent énormément de la sûreté des voies de communications.

De même, chaque wagon ou maître d’animaux était dirigé par un soldat. Chaque partie du train (en général, chaque groupe à même destination (pain, boucherie, munitions) était dirigé par un Stabwagenmeister armé. Chaque convoi était dirigé par un Oberstabswagenmeister armé. J’insiste sur l’armement des responsables car ils sont responsables de la sécurité de leur convoi et ont ordre d’exécuter toute personne se servant sans raison ou désertant.

Les wagons de ravitaillement mesuraient 8,53 m de long et avaient une largeur de voie de 1,58 mètres. Ils étaient conçus uniquement pour les bonnes routes.

Le wagon de provisions à quatre chevaux pouvait transporter entre 15 et 24 quintaux. Un wagon de ravitaillement était attribué à chaque compagnie ou escadron. Par régiment, il y avait une Forge de campagne, une caisse de campagne, une fanfare et des voitures de bureau.

Cela implique un train très lourd : 175 chevaux de train, dont 60 chevaux de service par régiment. A cela s’ajoutait les chevaux de services des officiers il y avait 300 chevaux d’officiers et 200 de services (il s’agissait des chevaux des officiers payeurs, des ordonnances et des bagages propres aux officiers)

Concernant l’artillerie, pour un régiment le train était composé d’environ 500 chevaux et 100 chevaux d’officiers.

Cela fait que l’armée d’Allemagne qui avait environ 100 000 hommes avait un train des équipages d’environ 2000 chevaux, 300 charrettes et à cela se rajoutait 3300 chevaux pour le ravitaillement des magasins. En effet 4280 chevaux et 1080 charrettes étaient nécessaires pour faire les allers-retours entre magasins tous les quatre jours.
Cependant, il s’avérait que le corps ne disposait pas de tout ce matériel et surtout n’avait pas les moyens de transporter et de produire les aliments et munitions demandés. Pour combler ces manques deux types de moyens étaient utilisés :
- Des réquisitions locales plus ou moins contractuelles notamment dans des territoires de l’Empire (ou le Saint Empire)
- Des contrats avec des entreprises de transports privés mais encadrées par des militaires du Corps.
Le fourrage d'avoine pour les 8 200 chevaux nécessitait à lui seul entre 120 et 200 charrettes, qui devait également être tiré par des chevaux à nourrir.
En tout, les besoins globaux en chevaux pour une armée de 100 000 hommes, il fallait 120 000 chevaux si elle se battait en territoire « ami » ou allié. En territoire ennemi, comme la France, il fallait rajoutait de 60 000 chevaux.

On peut imaginer le prix de l'entretien de cette masse de chevaux aussi bien pour la nourriture, que pour les équipements et les autres éléments nécessaires aux combats.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar LE LAN Bernard sur 16 Juin 2024, 08:56

Très intéressant.
Quelques questions :

REMY Nicolas-Denis a écrit:L’arme du Train impérial ( Fuhrwesenkorps)
Cela implique un train très lourd : 175 chevaux de train, dont 60 chevaux de service par régiment. A cela s’ajoutait les chevaux de services des officiers il y avait 300 chevaux d’officiers et 200 de services (il s’agissait des chevaux des officiers payeurs, des ordonnances et des bagages propres aux officiers)

Tu parles de quoi ?
Un régiment d'infanterie ? de cavalerie ? autres ?

REMY Nicolas-Denis a écrit:L’arme du Train impérial ( Fuhrwesenkorps)
Concernant l’artillerie, pour un régiment le train était composé d’environ 500 chevaux et 100 chevaux d’officiers.

L'artillerie ne "travaillant" jamais par régiment, cela ne correspond à rien.

Aurais-tu des dessins des différents chariots que tu nommes.
:grin: :grin: :grin:
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar LE LAN Bernard sur 16 Juin 2024, 10:04

REMY Nicolas-Denis a écrit:L’arme du Train impérial ( Fuhrwesenkorps)
Les wagons de ravitaillement mesuraient 8,53 m de long et avaient une largeur de voie de 1,58 mètres. Ils étaient conçus uniquement pour les bonnes routes.

Le wagon de provisions à quatre chevaux pouvait transporter entre 15 et 24 quintaux. Un wagon de ravitaillement était attribué à chaque compagnie ou escadron. Par régiment, il y avait une Forge de campagne, une caisse de campagne, une fanfare et des voitures de bureau.


Celui-ci ?

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La forge :

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La caisse de campagne ?
La fanfare ?
Les voitures de bureaux ?
:grin: :grin: :grin:
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 17 Juin 2024, 13:35

Bonjour,
Merci pour les photos et dessins très explicites.
Pour les régiments, il s'agit d'abord des régiments d'infanterie, mais l'auteur indique que pour les régiments de cavalerie l'équipement du train était proche puis identique en raison des bouches à nourrir quasiment aussi nombreuses (hommes et chevaux) et à entretenir (la cavalerie avait aussi des armes à feu et les chevaux des fers)

Contrairement à ce que tu penses, les régiments d'artillerie existent administrativement. Ce sont eux qui se chargent de ravitailler les batteries d'artillerie. Ces soutiens étaient échelonnés mais surtout regroupés dans ce que l'on appelle les parcs d'artillerie (et souvent simplement parcs). Logistiquement, ce sont ces régiments d'artillerie qui ravitaillent les unités d'artillerie qui sont elles dispersées dans les divisions. Ce n'est qu'avec la structuration en corps d'armée à partir de 1806 que la structure de ravitaillement se découpe en parc de corps, mais le grand parc en 1809 est à l'armée. Il sera d'ailleurs la préoccupation majeure de l'archiduc Charles pendant toute la campagne.

Merci de tes remarques qui exigent des explications.
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar LE LAN Bernard sur 19 Juin 2024, 08:30

Moi, j'aime beaucoup la logistique.
Celle qui n'est jamais représentée sur nos tables de jeu !

Pour ma bataille d'Engerau, ...
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... j'avais introduit quelques caissons français du train des équipages.
Avec un officier et son trompette.
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Inutile pour le jeu. Mais, très visuel.

REMY Nicolas-Denis a écrit:Bonjour,
Contrairement à ce que tu penses, les régiments d'artillerie existent administrativement. Ce sont eux qui se chargent de ravitailler les batteries d'artillerie. Ces soutiens étaient échelonnés mais surtout regroupés dans ce que l'on appelle les parcs d'artillerie (et souvent simplement parcs). Logistiquement, ce sont ces régiments d'artillerie qui ravitaillent les unités d'artillerie qui sont elles dispersées dans les divisions. Ce n'est qu'avec la structuration en corps d'armée à partir de 1806 que la structure de ravitaillement se découpe en parc de corps, mais le grand parc en 1809 est à l'armée. Il sera d'ailleurs la préoccupation majeure de l'archiduc Charles pendant toute la campagne.

Je connais très bien les quatre régiments d'artillerie autrichiens.
Idem pour les parcs d'artillerie du corps d'armée et de l'armée.

REMY Nicolas-Denis a écrit:Bonjour,
Pour les régiments, il s'agit d'abord des régiments d'infanterie, mais l'auteur indique que pour les régiments de cavalerie l'équipement du train était proche puis identique en raison des bouches à nourrir quasiment aussi nombreuses (hommes et chevaux) et à entretenir (la cavalerie avait aussi des armes à feu et les chevaux des fers)


Moi, j'ai ça pour les chariots attribués à chaque régiment.

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C'est pour 1809. Mais il ne doit pas y avoir une grosse différence avec la Première Coalition.

REMY Nicolas-Denis a écrit:L’arme du Train impérial ( Fuhrwesenkorps)
Le wagon de provisions à quatre chevaux pouvait transporter entre 15 et 24 quintaux. Un wagon de ravitaillement était attribué à chaque compagnie ou escadron. Par régiment, il y avait une Forge de campagne, une caisse de campagne, une fanfare et des voitures de bureau.

D'après mes recherches, un chariot de ravitaillement est attribué non pas à une compagnie, mais à une division (2 compagnies).
Idem pour la cavalerie. Ce n'est pas un chariot par escadron, mais un chariot par division (2 escadrons).

Les voitures de bureau : surement la voiture d'E-M. A priori, une seule par régiment.
Je serai curieux de voir à quoi cette voiture ressemble...

Je n'ai rien trouvé sur la fanfare. Peut-être font-ils partis des véhicules privés ?
Effectivement, je les vois mal porter leur gros instrument sur le dos pendant toute une campagne.

Dans un article sur les cuirassiers autrichiens, j'ai découvert que leurs tentes étaient transportées par des chevaux de bât à raison de 18 tentes par division.
:grin: :grin: :grin:
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Re: le ravitaillement autrichien pendant la première coalition

Messagepar REMY Nicolas-Denis sur 19 Juin 2024, 21:07

Bonjour Bernard,
Très belle table de jeu , je serai très intéressé de faire une bataille dessus.

Concernant le ravitaillement autrichien et son train en particulier, il y a beaucoup de changement entre la première coalition et 1809, car il y a trois réformes entre 1797 et 1809 qui changent la taille des convois et la responsabilité des chefs de convois.
La première réforme est en 1797, l'état autrichien est en banqueroute et le Fuhrwesenkorps est réduit à sa plus simple expression dès la paix revenue. La réforme réduit les masses de chariots et surtout le rôle et l'importance des contractants.

En 1800, après la deuxième gifle, l'état autrichien est au bord de la banqueroute mais est sauvé par les négociations avec la France et la récupération de territoires ecclésiastiques. C'est Mack qui va mener la réforme du corps. Il réorganise en rétrécessissant le corps pour s'appuyer surtout sur les magasins mais avec le redémarrage de la guerre, le Fuhrwesenkorps est aussi énorme et coûteux et va surtout servir ... l'armée française.

Après la paix de 1805, le Corps du Train est fortement réduit notamment les chevaux d'officiers et comme le montre ton tableau mais surtout il n'y a plus de véhicules privés, interdit par l'archiduc Charles. Les officiers n'ont plus que des animaux de bâts sauf pour les E-M de divisions et surtout de corps d'armées et d'armées (ce sont des voitures portant des tentes de types barnum pour organiser les réunions et les hôpitaux de campagne, même si les officiers généraux avaient tendance à occuper rapidement une maison confortable). Par contre, il y a toujours autant de véhicules de ravitaillement alimentaires, car la hantise du gouvernement autrichien est le pillage, mais ils sont fragiles et surtout très lents. Il y a aussi les forges régimentaires qui suivent autant que possible leur unité.

Pour les tentes, la norme est d'une pour 5 hommes, donc ton chiffre semble correspondre.
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A plusieurs, le jeu c'est mieux ;)
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